Il est des signes qui ne trompent pas. Quand une écologiste à la popularité grandissante et un journal de gauche militante tirent la sonnette d'alarme, c'est que la fumée précède le feu. Depuis quelques jours, alors qu'Emmanuel Macron attend du Nouveau Front populaire des «propositions crédibles» pour remplacer Gabriel Attal, les principaux concernés se tirent la bourre dans une cour d'école qu'ils ont eux-mêmes construite.
Un narcissisme déplacé, au détriment de leurs électeurs qui, eux, se sont unis en adultes pour briser l'élan d'un Rassemblement national conquérant.
L'objet de la bagarre? Matignon. Depuis que le président de la République a accepté, mardi soir, la démission de son gouvernement, la France n'a plus d'équipage. Comprenez: faites au mieux jusqu'à ce que les gauches soient à la hauteur de leur majorité relative aux récentes législatives. Il est d'ailleurs très probable que les JO de Paris se déroulent sans un renouvellement officiel, en mode «affaires courantes», tant les querelles intestines qui pourrissent ce NFP qui n'a plus que son nom pour pleurnicher.
Grave? Pas vraiment.
Le pire étant que ce faux suspense sans gloire, ni issue, joue en faveur d'une Macronie qui rêve de voir la gauche imploser toute seule, sous le regard circonspect de Français qui voudraient un peu de sérénité et vivre un peu moins chichement.
Plusieurs épines infectent ces gauches irréconciliables. Des égos boursouflés, des visions diamétralement opposées et une inexpérience crasse de l'exercice du pouvoir qui leur fait parfois confondre compromis et léchage d'arrière-train.
Alors que les ténors de la France insoumise se figent derrière les vociférations du druide Mélenchon qui veut imposer «son programme, rien que son programme, mais tout son programme», le PS, les communistes et les écolos (surtout les deux derniers) semblent comprendre ce qu'une majorité relative veut dire. Et savent qu'une candidature consensuelle a plus de chances de faire plier Jupiter.
Hélas, les bâtons finissent toujours dans les roues.
Cette guerre puérile révèle une gauche incapable d'éviter les insultes stériles et de déterminer ce qui serait bon pour la France. Au point de faire oublier que c'est bien Emmanuel Macron qui a dynamité l'Assemblée nationale pour tenter un dernier coup de poker narcissique.
Bien sûr, dès la fin du premier tour des législatives, tout le monde savait que cette coalition anti-RN n'attendait qu'une semi-victoire pour relancer les hurlements. Dix jours après la «OUF!» incarné par la couverture de Libération, au lendemain des résultats, c'est comme si l'extrême droite aux portes du pouvoir était déjà de l'histoire ancienne. Agacés par ces brouilles en public, les électeurs de toutes les gauches expriment désormais leur «honte».
Il suffit parfois de jeter les clés de la bagnole dans la main d'un vantard qui les réclame, pour l'entendre finalement dire qu'il ne veut (ou ne sait) conduire. Si les adultes (s’il y en a) du Nouveau Front populaire n'empoignent pas le volant très vite, c'est Emmanuel Macron qui va appuyer sur le champignon, en laissant toute la gauche sur la bande d'arrêt d'urgence, comme des chiens sur la route des vacances.
Ne pas être directement responsable de l'incendie n'autorise pas forcément à singer bêtement les agissements du président pyromane.