Un nom! Un nom!, réclame l’ex-majorité macroniste. Battue aux élections législatives anticipées de ce début d’été, elle joue les prolongations. En face, la coalition de gauche Nouveau Front populaire (NFP), première force en sièges de la nouvelle Assemblée nationale, qui revendique à ce titre le poste de premier ministre, ne s’est toujours pas mise d’accord sur la personne pouvant à ses yeux occuper cette fonction clé du pouvoir exécutif. Et pour cause, le NFP, davantage une coalition électorale qu’une équipe gouvernementale prête à se mettre au travail, est déchirée.
Les macronistes ont donc beau jeu de répliquer que, sans nom, il est difficile pour le président de la République de confier à quiconque du NFP le soin de former un gouvernement pour succéder à celui de Gabriel Attal, en charge des «affaires courantes». Comprenant que son indécision traduisait des divisions internes mettant en doute ses capacités à gouverner, le NFP a annoncé qu’il sortirait un nom de son chapeau «dans les prochains jours». Cela suffira-t-il à combler ses attentes?
Pas sûr. Dans une «lettre aux Français» publiée mercredi, Emmanuel Macron pose une double condition à la constitution d’un futur gouvernement issu du scrutin législatif des 30 juin et 7 juillet.
On s’écarte ici de la logique du NFP, qui demande à bâtir un gouvernement à son image. Quelle image, d’ailleurs? L’imbroglio est total dans cet attelage qui tire à hue et à dia. Où Jean-Luc Mélenchon fait du «Mélenchon», autrement dit, complique la donne par des désidératas impossibles à satisfaire. La courte majorité relative du NFP, 180 sièges sur 577, 192 en ajoutant les divers gauche, 19 de plus, seulement, que le bloc central macroniste arrivé deuxième aux législatives anticipées, ne l’autorise pas à exiger l’application de «son programme, rien que son programme», pour reprendre les termes du leader lfiste prononcés au soir du 7 juillet.
Au sein de NFP, chacun tente de tirer son épingle du jeu.
Il faut en revenir à la «lettre aux Français» d’Emmanuel Macron. Les termes employés laissent toute latitude aux forces politiques pour s’entendre sur la formation d’un gouvernement. A ceci près que le chef de l’Etat exclut tout gouvernement qui ne soit ni «solide», ni «pluriel». Comprendre: un gouvernement qui se cantonnerait au NFP, comme le réclament de manière faussement naïve des ténors de gauche, entre autres Marine Tondelier.
De même, en rappelant les nécessaires «orientation européenne» et «défense de l’indépendance française» du futur gouvernement, le président de la République n'écarte pas seulement le Rassemblement national, dont on connaît les liens avec la Russie de Poutine, mais probablement aussi, La France insoumise, dont le chef Jean-Luc Mélenchon s’est longtemps affiché en soutien à Vladimir Poutine, et dont la ligne économique, comme celle du RN, du reste, présente des points de rupture avec les engagements européens de la France.
Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, qui incarne l’aile droite de la macronie, a prévenu: «Ni RN, ni LFI» dans le prochain gouvernement. Cela ne ferme a priori pas à la porte à ceux des LFI qui auraient rompu avec la ligne du parti, à l’image de François Ruffin ou des «purgés».
On peut d'ores et déjà tirer plusieurs enseignements de la situation anarchique créée par la dissolution de l’Assemblée nationale, qui devait amener de la «clarification», selon Emmanuel Macron, l’auteur de cette manœuvre en forme de crash.
On entend, ces jours-ci, dans les rangs NFP, une petite musique à la fois cohérente et à moitié surprenante. Cohérente, car elle consiste à rappeler à Emmanuel Macron que les Français dans leur majorité en ont assez de vivre chichement. A moitié surprenante ensuite, car ce discours prend appui sans le dire, mais le fléchage est explicite, sur les attentes de l’électorat populaire RN en matière de pouvoir d’achat. Cela revient à dire au chef de l’Etat: nous, la gauche, n’avons peut-être pas la majorité absolue, mais la politique sociale que nous souhaitons appliquer est légitime en ce qu'elle répond à la demande pressante des classes populaires, de quelque manière qu'elles aient voté. La gauche fait ici du RN un allié objectif.
Le refus des LR et d’une bonne partie de la macronie de sceller la moindre alliance avec LFI, traduit certainement la volonté de camp bourgeois de faire payer à la gauche le sacrifice que ce fut, non tant de faire barrage à l’extrême droite, que de s’allier à un courant politique appelant au renversement de l’économie de marché, à la désobéissance civile, sans parler de ses positions anti-impérialistes et de quelques compromissions avec l'antisémitisme et l'islamisme.