International
Analyse

Macron fait payer à la gauche le barrage au Rassemblement national

Image
Analyse

Macron fait payer à la gauche le barrage au Rassemblement national

Profitant des déchirements au sein de la gauche, Emmanuel Macron prend son temps et pose des conditions pour un prochain gouvernement. Décryptage d'une partie de poker où le barrage à l'extrême droite et les alliances contre nature remontent à la surface.
11.07.2024, 17:2712.07.2024, 08:48
Plus de «International»

Un nom! Un nom!, réclame l’ex-majorité macroniste. Battue aux élections législatives anticipées de ce début d’été, elle joue les prolongations. En face, la coalition de gauche Nouveau Front populaire (NFP), première force en sièges de la nouvelle Assemblée nationale, qui revendique à ce titre le poste de premier ministre, ne s’est toujours pas mise d’accord sur la personne pouvant à ses yeux occuper cette fonction clé du pouvoir exécutif. Et pour cause, le NFP, davantage une coalition électorale qu’une équipe gouvernementale prête à se mettre au travail, est déchirée.

Les macronistes ont donc beau jeu de répliquer que, sans nom, il est difficile pour le président de la République de confier à quiconque du NFP le soin de former un gouvernement pour succéder à celui de Gabriel Attal, en charge des «affaires courantes». Comprenant que son indécision traduisait des divisions internes mettant en doute ses capacités à gouverner, le NFP a annoncé qu’il sortirait un nom de son chapeau «dans les prochains jours». Cela suffira-t-il à combler ses attentes?

Pas sûr. Dans une «lettre aux Français» publiée mercredi, Emmanuel Macron pose une double condition à la constitution d’un futur gouvernement issu du scrutin législatif des 30 juin et 7 juillet.

  • Premièrement, les forces appelées à le composer devront se reconnaître «dans les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française».
  • Deuxièmement, actant qu’aucun des blocs politiques de la nouvelle Assemblée nationale ne dispose d’une majorité lui permettant de gouverner seul, il invite les forces répondant à la première condition à «engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays».

La gauche gonflette

On s’écarte ici de la logique du NFP, qui demande à bâtir un gouvernement à son image. Quelle image, d’ailleurs? L’imbroglio est total dans cet attelage qui tire à hue et à dia. Où Jean-Luc Mélenchon fait du «Mélenchon», autrement dit, complique la donne par des désidératas impossibles à satisfaire. La courte majorité relative du NFP, 180 sièges sur 577, 192 en ajoutant les divers gauche, 19 de plus, seulement, que le bloc central macroniste arrivé deuxième aux législatives anticipées, ne l’autorise pas à exiger l’application de «son programme, rien que son programme», pour reprendre les termes du leader lfiste prononcés au soir du 7 juillet.

Au sein de NFP, chacun tente de tirer son épingle du jeu.

  • Olivier Faure, le patron des socialistes, sortis renforcés du dernier scrutin par rapport à LFI, s’est déclaré candidat pour Matignon, siège du premier ministre.
  • L’écologiste Marine Tondelier, la Jeanne d’Arc à la veste verte, devenue signe de ralliement, cherche à créer une dynamique autour de sa personne.
  • Jean-Luc Mélenchon, qui n’apparaît plus qu’entouré de sa garde rapprochée, fait dire qu’il reste intéressé par le poste, bien qu’il sache n’avoir aucune chance.
  • La France insoumise, la force qui donnait le «la» à gauche dans la précédente assemblée, paraît aujourd’hui au bord de l’implosion. Les «purgés» de l’entre-deux-tours des dernières législatives appellent les élus communistes et écologistes, deux formations constitutives du NFP avec le PS et LFI, à former un groupe commun à la Chambre basse.

Faut bien lire la lettre

Il faut en revenir à la «lettre aux Français» d’Emmanuel Macron. Les termes employés laissent toute latitude aux forces politiques pour s’entendre sur la formation d’un gouvernement. A ceci près que le chef de l’Etat exclut tout gouvernement qui ne soit ni «solide», ni «pluriel». Comprendre: un gouvernement qui se cantonnerait au NFP, comme le réclament de manière faussement naïve des ténors de gauche, entre autres Marine Tondelier.

De même, en rappelant les nécessaires «orientation européenne» et «défense de l’indépendance française» du futur gouvernement, le président de la République n'écarte pas seulement le Rassemblement national, dont on connaît les liens avec la Russie de Poutine, mais probablement aussi, La France insoumise, dont le chef Jean-Luc Mélenchon s’est longtemps affiché en soutien à Vladimir Poutine, et dont la ligne économique, comme celle du RN, du reste, présente des points de rupture avec les engagements européens de la France.

Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, qui incarne l’aile droite de la macronie, a prévenu: «Ni RN, ni LFI» dans le prochain gouvernement. Cela ne ferme a priori pas à la porte à ceux des LFI qui auraient rompu avec la ligne du parti, à l’image de François Ruffin ou des «purgés».

Casse-gueule

On peut d'ores et déjà tirer plusieurs enseignements de la situation anarchique créée par la dissolution de l’Assemblée nationale, qui devait amener de la «clarification», selon Emmanuel Macron, l’auteur de cette manœuvre en forme de crash.

  • Les partis qui ont pris part au «front républicain», y compris la droite LR, pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir, sont logiquement appelés à s’entendre pour diriger la France dans un gouvernement de coalition, ce qui suppose des compromis.
  • Les LR, comme probablement la majorité des macronistes, s’opposant à un gouvernement qui comprendrait LFI, ce parti n’a pas vocation à figurer dans une coalition gauche-droite, si cette configuration devait s’imposer in fine.
  • Il n’est pas certain, par ailleurs, qu'un gouvernement sans la droite qui inclurait LFI tienne en place. Le même Darmanin affirme, en effet, que toute présence lfiste dans un futur exécutif entraînerait une motion de censure immédiate. Manière de rappeler que la gauche n’est pas majoritaire à l’Assemblée nationale.
  • La formation d'une coalition entre la droite et la gauche comporte des risques. Les Français pourraient interpréter ce rapprochement comme une resucée du macronisme, ce dont les extrêmes, singulièrement le RN, pourraient tirer profit aux prochaines échéances nationales, à commencer par l’élection présidentielle dans trois ans.

Gauche en mode RN

On entend, ces jours-ci, dans les rangs NFP, une petite musique à la fois cohérente et à moitié surprenante. Cohérente, car elle consiste à rappeler à Emmanuel Macron que les Français dans leur majorité en ont assez de vivre chichement. A moitié surprenante ensuite, car ce discours prend appui sans le dire, mais le fléchage est explicite, sur les attentes de l’électorat populaire RN en matière de pouvoir d’achat. Cela revient à dire au chef de l’Etat: nous, la gauche, n’avons peut-être pas la majorité absolue, mais la politique sociale que nous souhaitons appliquer est légitime en ce qu'elle répond à la demande pressante des classes populaires, de quelque manière qu'elles aient voté. La gauche fait ici du RN un allié objectif.

Droite revancharde

Le refus des LR et d’une bonne partie de la macronie de sceller la moindre alliance avec LFI, traduit certainement la volonté de camp bourgeois de faire payer à la gauche le sacrifice que ce fut, non tant de faire barrage à l’extrême droite, que de s’allier à un courant politique appelant au renversement de l’économie de marché, à la désobéissance civile, sans parler de ses positions anti-impérialistes et de quelques compromissions avec l'antisémitisme et l'islamisme.

- Macron a-t-il traité Bardella de tartemolle?
Video: twitter
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Comment Kamala Harris et Donald Trump se préparent à leur débat
Mardi soir, Kamala Harris et Donald Trump se rencontreront pour leur premier - et peut-être unique - duel télévisé de la campagne électorale américaine. Tous deux peuvent gagner beaucoup, mais aussi tout perdre.

L'électorat américain attendait cette épreuve de force: la vice-présidente Kamala Harris et l'ancien président Donald Trump croiseront le fer verbalement mardi soir à Philadelphie. Il s'agit du premier et jusqu'à présent du seul débat télévisé prévu entre la candidate démocrate à la présidence et son adversaire républicain. Il s'agit aussi de la première rencontre personnelle entre Harris et Trump.

L’article