Il fallait le voir durant l'investiture de son pote Donald Trump, lundi, dans la rotonde du Capitole. Excité comme un gamin devant les portes de Disneyland, à fixer le plafond, rouler des yeux, bondir dans tous les sens et parler à des amis imaginaires. Incapable de contenir la moindre de ses émotions, Elon Musk, qui carbure à la kétamine pour (dit-il) traiter son «état d'esprit négatif», semblait proprement incontrôlable. Ce fut d'ailleurs le cas à chacune de ses apparitions publiques, depuis qu'il traine dans les jupes du (nouveau) pouvoir.
On s'était moqué de lui lors de son coming-out MAGA, à Butler, en Pennsylvanie. Souvenez-vous de ses petits sauts de cabri qui avait essaimé entre les algorithmes de sa propre plateforme et pendant plusieurs jours.
Alors que des médias américains affirmaient lundi que c'est sous les conseils d'Elon Musk et de JD Vance que Donald Trump a choisi de décapsuler un discours étonnamment tout en retenue, le patron du «département de l'efficacité gouvernementale» a complètement pété les plombs, une fois ovationné par la foule. Jusqu'à la catastrophe. Par trois fois, l'homme le plus riche du monde à tapé sèchement contre sa poitrine, avant de lever le bras tel qu'il ne sera plus jamais raisonnable de le faire.
Pour beaucoup, ce fut un salut nazi volontaire et assumé. Pour d'autres, une énième provocation ou des cœurs qu'il envoie à la foule ou une bête maladresse ou les conséquences de son syndrome d'Asperger. Des historiens semblent catégoriques: c'est un geste purement antisémite réalisé avec soin et avec le bon angle. L'Anti-Defamation League considère que c'est «geste maladroit dans un moment d'enthousiasme, et non un salut nazi». Pour un certain nombre de démocrates, enfin, c'est le symbole par l'action de son rapprochement avec les extrêmes droites européennes et la politique que va déployer Donald Trump durant les quatre prochaines années.
L'accusé, lui, ne s'est pas expliqué ou excusé, mais a réagi à la sauce Musk, en catapultant la faute sur ceux qui le condamnent: «Cette éternelle attaque qui veut que "tout le monde soit Hitler", c'est tellement fatigant...» Voilà pour l'onde de choc post-point Godwin de l'investiture. Qui a tort? Qui a raison? Qu'en faire? Alors que nous n'aurons sans doute jamais le fin mot de l'histoire, cet incident explique mieux qu'un discours le fait qu'Elon Musk ne sera plus jamais un nerd incompris de la tech.
Il sait pertinemment qu'un tel geste est impardonnable. Pas de bras, pas de choc. Et en décidant d'enfiler la casquette (noire) du puissant chef d'Etat qui ne dit pas (encore tout à fait) son nom, il est devenu politiquement responsable de ce qu'il dégage et suscite.
Appuyer et applaudir l'élection de Donald Trump, face à des milliards de citoyens à travers le monde, n'a plus grand-chose à voir avec la présentation d'un énième robot devant un parterre d'ingénieurs ébahis. Qu'importe que l'on trimballe un syndrome d'Asperger, un inconfort social ou une maladresse crasse. Si une grande partie de l'opinion publique décide que Musk a volontairement armé un «Sieg Heil», il se doit (ré)agir en conséquence.
Ce qu'il ne fera jamais. Et Donald Trump a montré la voie bien avant lui. Il y a pire qu'un geste controversé: les suivants. Ce salut nazi, qui flotte désormais sur l'intronisation de Trump, c'est l'incarnation d'une époque où, durant les quatre prochaines années, les Etats-Unis seront dirigés par un boys club inconsistant, impulsif, inculte et profondément immature.