International
Commentaire

Marine Le Pen, toute-puissante? On est tous responsables

Marine Le Pen sur les bancs du Rassemblement national à l'Assemblée nationale.
Marine Le Pen sur les bancs du Rassemblement national à l'Assemblée nationale. image: keystone
Commentaire

Marine Le Pen, toute-puissante en France? On est tous responsables

Avec 88 députés, un record, le Rassemblement national de Marine Le Pen est le deuxième parti le plus puissant de l'Assemblée nationale. A qui la faute?
21.06.2022, 16:5521.06.2022, 19:39
Plus de «International»

Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen est le deuxième parti le plus puissant de France. C’est ce que disent les résultats des élections législatives. Il obtient 88 sièges, moins que les 121 de Renaissance (ex-LREM, majorité présidentielle), mais plus que les 75 de la France insoumise, la formation de Jean-Luc Mélenchon.

L’extrême droite fait une entrée fracassante à l’Assemblée nationale. Elle frappe même plus fort que sa cousine allemande l’Alternative für Deustchland (AfD) au Bundestag, la Chambre basse outre-Rhin. Avec 80 députés sur 736 (577 en France), l’AfD n’est que le cinquième parti en Allemagne.

Désigner des coupables, vite!

C’est dire la performance réalisée par le RN en France, qui engrange la juste part de son implantation politique. Auparavant, la formation se voyait mécaniquement refuser l’accès, sauf exception, au saint des saints de la représentation parlementaire française. Du fait, souvent, de triangulaires au second tour des législatives. Du fait, surtout, du «front républicain», cette tradition consistant à «faire barrage» au second tour à l’extrême droite.

Cette fois-ci, les digues ont sauté. Et c'est comme s'il fallait de toute urgence désigner des coupables. Car le RN «deuxième parti de France», ça la fiche mal à l’international et ça dit des choses désagréables sur l’état de la France, ses tourments et ses impasses. Le front républicain à présent «kaputt», la réalité politique du pays apparaît dans sa lumière la plus éblouissante de vérité. La nouvelle Assemblée nationale est flippante comme peut l'être un tableau de Van Gogh. La vérité dérange. On se portait mieux quand elle était cachée.

Le Monde accuse Macron

Des coupables, donc. En démocratie, il est normal et même assez sain de chercher la cause des maux chez le plus fort, et en général, il occupe le pouvoir. En l’occurrence le président Emmanuel Macron et sa coalition, Ensemble. Si le RN pénètre dans l’Assemblée telle une déferlante, ce serait pour partie, pour beaucoup, de la faute de la macronie. Le directeur du Monde, le grand quotidien de centre gauche, l’affirme dans un éditorial:

«(…) c’est le parti présidentiel qui [a porté le coup fatal au front républicain], dans l’entre-deux-tours de ces législatives, en ne donnant pas de consigne nationale pour faire battre les candidats RN, alors qu’Emmanuel Macron doit en bonne partie sa réélection face à Marine Le Pen au respect de cette discipline entre formations républicaines»
Jérôme Fenoglio, directeur du Monde

Certes, les macronistes n’ont pas toujours été clairs face au RN dans l’entre-deux-tours. Certains, non sans raison, ont mis l’extrême droite et la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), ciblant ici la France insoumise de l’emblématique Jean-Luc Mélenchon, au même niveau de dangerosité.

Mais l’attitude ambiguë du camp Macron – pas de tous les macronistes – vis-à-vis de l’extrême droite ne suffit pas à expliquer la percée du RN. Le front républicain était en réalité craquelé sur toute sa surface bien avant les législatives. Sinon, comment Marine Le Pen aurait-elle pu atteindre près de 42% des voix au second tour de la présidentielle d’avril, dans son opposition à Emmanuel Macron (huit points de mieux qu’en 2017)?

Le RN? Une fatalité française

Pendant toutes ces années, le RN a en quelque sorte fait office de bouc émissaire des ratés de la politique française. Son absence, lui qui était volontairement tenu à l'écart de la délibération nationale, caché comme une maladie honteuse, faisait diversion. Il était là sans être là. Désormais, il est bien là. Il va falloir faire avec et ce ne sera pas tous les jours dimanche, certains de ses membres étant capables de propos indignes.

Sauf que personne n’a les mains propres, que personne n’est pur face au Rassemblement national. Sa montée est une coproduction elle aussi nationale. Ce parti raconte quelque chose de la France, de ses fractures sociales, territoriales et historiques. Il est d’une certaine manière une fatalité française, celle qu'on tente en vain de mettre sous le tapis, celle des questions qui fâchent et qui font honte: la précarité, la cohabitation pas toujours simple entre cultures différentes, ce qui entraîne des ruminations de part et d’autre sans empêcher des moments de solidarité.

Les images désastreuses du Stade de France, dans le cadre de la finale de la Ligue des champions entre le Real et Liverpool, faisant apparaître une réalité dérangeante, où l’on voyait des jeunes gens «issus de l’immigration» agresser des supporters anglais et espagnols, ont pu se métamorphoser en votes RN lors des dernières législatives.

Le Rassemblement national n’a de toute façon pas le monopole des basses pensées ou pensées interdites, s’il l’a jamais eu. La gauche, gardienne autoproclamée du bien, est aussi contaminée par le populisme, par l’esprit de rejet et de revanche, même s’il est dirigé contre les «riches» et les «élites mondialisées», paraissant de la sorte plus compréhensible, sinon plus légitime.

Durant la campagne des législatives, des journaux comme Le Monde et Libération ont fait peu de cas, voire aucun, des dérives d'un Jean-Luc Mélenchon, se gardant de rappeler son bilan pour partie catastrophique: ses insinuations antisémites, sa drague des islamistes, son soutien à la Russie, à la Chine, à Chavez puis Maduro au Venezuela. Si le front républicain est aujourd’hui à terre, c’est beaucoup à cause du peu de considération que lui a témoigné cette partie de la gauche donnant dans le dégagisme et la démagogie.

Ah, ces vieux tweets compromettants...

On constate de plus en plus l'existence de passerelles entre l'extrême droite et la gauche radicale. C’était apparu autour de la personne de Dieudonné, dont l’antisémitisme mordait à droite mais surtout à gauche.

Non, face à l’extrême droite, personne n’a les mains propres. Pas même cette élue née ivoirienne présentée comme «femme de ménage», Rachel Kéké, une mère courage qui concourait sous les couleurs de la Nupes et dont ressortent d’anciens tweets de soutien à Marine Le Pen et Bachar al-Assad.

Mais les gens changent. Ils peuvent gagner en qualité, en ouverture d’esprit. Le ressentiment fait parfois place à la gratitude. La même Rachel Kéké a remercié la France pour son élection:

Les impurs parlent aux impurs

L’ennemi de la démocratie, c’est très souvent la pureté, qu’elle soit raciale ou sociale. Dans cette Assemblée nationale complètement foutraque, il va falloir apprendre à se parler entre impurs. Et se mettre à parler même à ceux du Rassemblement national.

Quand TF1 prédisait les températures en 2050 (et on est en avance)
Video: watson
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Le Tennessee veut autoriser les enseignants à porter une arme
Une quinzaine d'Etats américains autorisent le port d'arme pour le personnel scolaire. Le Tennessee pourrait bientôt s'ajouter à la liste.

Des professeurs armés: le parlement du Tennessee, Etat du sud des Etats-Unis, a adopté mardi une proposition de loi autorisant les enseignants, les directeurs et autres membres du personnel scolaire à porter une arme de poing, un an après une tuerie dans une école.

L’article