Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est soumis à une forte pression politique intérieure. En Occident, il est considéré comme un homme d'action et un héros, mais en Ukraine, beaucoup le voient avec plus de scepticisme, notamment parce que la corruption au plus haut niveau de l'Etat est toujours d'actualité. En matière de corruption, l'Ukraine se classe à l'avant-dernière place en Europe, devant la Russie. Mais depuis la chute du kleptocrate pro-Moscou Ianoukovitch en 2014, la corruption a diminué, comme le montrent les statistiques de Transparency International.
S'il y a déjà eu une tolérance à l'égard des pratiques de corruption au sein de la société civile, la guerre les a fait totalement disparaître. Les autorités qui s'enrichissent, par exemple, en achetant des denrées alimentaires trop chères pour les forces armées sapent l'effort de guerre du pays.
C'est clair pour tout le monde. De ce point de vue, les vice-ministres, gouverneurs de province et autres hauts fonctionnaires désormais soupçonnés de corruption n'ont aucune pitié à attendre en cas de condamnation. Une douzaine d'entre eux ont d'ailleurs été licenciés par Zelensky la semaine passée ou ont quitté leur poste de leur propre initiative.
L'action décisive du président ukrainien est une bonne nouvelle dans tout ce scandale. En voici une autre: si des membres du gouvernement se sont probablement enrichis illégalement à l'aide de contrats d'approvisionnement pour l'armée, ils ne se sont pas enrichis grâce aux armes que l'Occident a livrées à l'Ukraine. Les rumeurs régulièrement alimentées par la propagande russe selon lesquelles des systèmes d'armes occidentaux auraient été bradés au marché noir en Ukraine ne peuvent pas être confirmées sur la base des connaissances actuelles.
Ce dernier point est crucial pour la poursuite de la guerre. Le commandement de l'armée ukrainienne ne cesse de répéter qu'il a besoin d'au moins 300 chars de combat occidentaux modernes pour faire reculer davantage les Russes. La décision de Washington et de Berlin de livrer des chars de combat Américains Abrams et Allemands Leopard 2 a fait sauter une digue. Celle-ci a été rendue possible par l'annonce faite auparavant à Londres et Paris de fournir à l'Ukraine des chars lourds britanniques Challenger 2 et des chars à roues légers français.
On ne sait pas encore combien de modèles occidentaux il y aura au final, mais à Kiev, on attend entre 100 et 150 chars de combat de fabrication occidentale dans les semaines et mois à venir. Pourquoi est-ce si important? Lors de ses précédentes offensives à l'est et au sud, l'Ukraine a dû s'appuyer sur ses vieux chars datant de l'époque soviétique. L'industrie de l'armement ukrainienne les a certes modernisés avant la guerre, mais ils correspondent à peu près au T-72 le plus souvent utilisé par les Russes. Les Ukrainiens se situaient donc à peu près au même niveau technique que les forces blindées de Moscou.
En termes de blindage, d'optique, d'électronique et de mobilité, les chars allemands, américains et britanniques sont supérieurs à la grande majorité des modèles russes. Peu importe que l'Ukraine lance ensuite une contre-offensive ou que les nouveaux systèmes d'armes soient utilisés pour repousser une nouvelle attaque russe de grande envergure: ils renforcent énormément la puissance de feu et la mobilité des Ukrainiens.
Ensemble, ils représentent une grande menace pour le corps expéditionnaire russe en Ukraine. Et c'est aussi la raison pour laquelle les livraisons de chars ont fait l'objet d'un pilonnage médiatique, non seulement par la propagande russe, mais aussi par les politiciens et les journalistes occidentaux qui lui sont inféodés. Pour toutes ces personnes, qui ne souhaitent rien d'autre qu'une défaite de l'Ukraine, ce serait du pain béni si une affaire de corruption concernant des systèmes d'armes occidentaux éclatait également à Kiev. Volodymyr Zelensky doit éviter cela à tout prix.