International
Commentaire

ONU: l'Europe ne doit pas plier face à l'Iran et la Turquie

Le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Commentaire

Islamisme: ne pas plier face à Erdogan

Cette semaine aux Nations unies à New York, les présidents turc et iranien se sont érigés en défenseurs des musulmans en Europe, dénonçant, entre autres, l'«islamophobie». Une technique vieille comme l'islamisme.
21.09.2023, 19:0722.09.2023, 08:36
Plus de «International»

L’Assemblée générale des Nations unies, c’est comme le Concours Eurovision de la chanson, sauf qu’on y délivre des partitions politiques, le tout en mondiovision. Le but est de se faire entendre en marquant les esprits. L’outrance est un moyen d’y parvenir. La 78e session (19-22 septembre) ne déroge pas à la règle. Mardi, les présidents turc et iranien ont haussé la voix. C’en était presque intimidant. L’objectif recherché. Public pointé du doigt: l’Occident et l’Europe en particulier.

Pressions iraniennes et turques

A la tribune de la grande salle du siège new-yorkais de l’ONU, le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan s’en est pris, sans les citer, à des pays européens où «le racisme, la xénophobie et l’islamophobie» auraient atteint des seuils «intolérables». Il a jugé que «les attaques ignobles en Europe contre le Coran (…) assombrissaient l’avenir» de l’Europe. Il faisait allusion à des autodafés du livre saint des musulmans en Suède et au Danemark.

epa10870552 Iran's President Seyyed Ebrahim Raisi holds up a book while addressing the 78th session of the United Nations General Assembly at the United Nations Headquarters in New York, New York ...
Le président iranien Ebrahim Raïssi, à la tribune de l'ONU à New York. 19 septembre 2023.Image: EPA

Le président iranien Ebrahim Raïssi a cherché à impressionner l'assistance en se drapant dans la «vérité divine», qu’il a opposée au «feu de l’irrespect». Il avait avec lui un exemplaire du Coran, qu’il a brandi et embrassé à plusieurs reprises.

«L’islamophobie et l’apartheid culturel que l’on peut observer dans des pays occidentaux – allant de la profanation de livres saints du Coran à l’interdiction du hijab dans des écoles – et d’autres et nombreuses discriminations regrettables ne relèvent pas de la dignité humaine.»
Ebrahim Raïssi

La France, qui vient d’interdire l’abaya à l’école, s’est sentie visée.

L'islamisme, c'est politique

Rien de neuf sous le soleil de l’islamisme, est-on tenté de dire. Depuis la révolution islamique de 1979 en Iran, ces discours culpabilisateurs destinés à l’Occident n’ont jamais cessé, et l’ONU leur offre une caisse de résonance planétaire. N'y a-t-il que des islamistes pour parler au nom des musulmans?

L'islamisme est un discours politique avant d'être une religion. Il s'inscrit dans un rapport conflictuel, compétitif, concurrentiel, avec l'Occident. Apparu au début du XXe siècle en réponse à la colonisation, mais pas seulement, l'islamisme est une idéologie à la fois victimaire et suprémaciste, qui entend faire valoir le primat de l'islam en tant que civilisation.

Les musulmans en ont été et en restent plus souvent les victimes que les adeptes

Aucune religion n'est persécutée en Europe

Le problème, c’est que ça continue. Le problème, c’est que la menace sous couvert de défense des musulmans ne faiblit pas. Tout l’enjeu pour l’Iran et la Turquie, chacun de ces pays dans son style, religieux pour le premier, civilisationnel pour le second, est d’apparaître comme la seule voix non seulement représentative, mais protectrice des musulmans dans le monde. Comme si ces derniers étaient en danger en Occident, comme s'ils devaient s'estimer opprimés. Ce n’est en rien le cas, si l’on fait abstraction de projets terroristes déjoués de groupuscules d’ultradroite en réponse aux attentats islamistes des années écoulées.

Pas plus que le christianisme ou le judaïsme, l’islam n’est persécuté en Occident. En Europe, les religions ne gouvernent pas. Cela déplaît aux islamistes, pour qui rien ne doit contrarier la «grandeur de l’islam», pour qui rien n’est au-dessus de l’islam, surtout pas la laïcité. On sait que les islamistes ont fait du voile, de la «tenue de la musulmane», disent les fréristes, un instrument de visibilité de l’islam, dans les pays musulmans comme dans ceux qui ne le sont pas. Pour que l’on sache qu’il est là.

Insupportable relativisme du secrétaire général de l'ONU

Les islamistes ont trouvé un «idiot utile» en la personne du secrétaire général de l’ONU. Livrant un plaidoyer en faveur de l’égalité, Antonio Guterres a comparé implicitement la France aux régimes islamistes:

«Dans certains pays, les femmes et les filles sont punies parce qu'elles portent trop de vêtements. Dans d'autres, parce qu'elles n'en portent pas assez»
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres

Insupportable relativisme, la veille du vote au parlement iranien d’une loi durcissant les sanctions contre les femmes ne portant pas le voile obligatoire dans les lieux publics, la peine encourue pouvant atteindre 5 à 10 ans de prison. Rappelons qu’en France, l’interdiction du port de signes religieux ostensibles s’applique à l’école, non à l’espace public, le voile intégral faisant comme en Suisse exception.

A New York, les dirigeants turc et iranien, qatari aussi, mais cela a été moins remarqué, y sont donc allés de leur coup de pression sur les opinions européennes. Au passage, ils se positionnent face à leur grand concurrent sur le marché de l'identitaire musulman, l'Arabie Saoudite, dont le prince héritier Mohamed Ben Salmane, gardien des lieux saints de l'islam en plein rapprochement avec Israël, a entrepris, du moins dans sa communication, de «désalafiser» son pays, plus important foyer de rigorisme sunnite dans le monde.

Pas d'autodafés, droit au blasphème

En Europe, si brûler le Coran en public est un acte offensant et tout à fait déplacé, cela vaut pour tout autodafé, les législations que pourront adopter la Suède et le Danemark pour interdire cette pratique risquent d’entraver une liberté bien plus fondamentale: le refus des religions, leur critique, le droit au blasphème, toutes choses combattues par les islamistes. Les gouvernements de ces pays ont promis que cette liberté ne serait pas remise en cause, mais le doute est permis.

L’enjeu, ce n’est pas seulement la liberté de croire ou de ne pas croire, c’est aussi de pouvoir vivre sans l’omniprésence, sans la pression du religieux, quelque forme qu'il prenne.

Beckham sur Netflix, la bande annonce
Video: youtube
Ceci pourrait également vous intéresser:
4 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
4
Michel Barnier fixe ses priorités pour la France
Le nouveau premier ministre français s'est exprimé vendredi soir au JT de TF1. Il a présenté ses priorités pour la France.

En France, Michel Barnier, qui a promis «des changements et des ruptures» dès sa nomination comme premier ministre, a entamé des consultations vendredi avec son prédécesseur et les dirigeants de son parti de droite, qui ont posé leurs conditions pour une participation à un gouvernement.

L’article