Du président Macky Sall à la star Youssou Ndour, les Sénégalais n'ont pas caché leur fierté après le titre de Prix Goncourt 2021 décroché par Mohamed Mbougar Sarr avec son roman La plus secrète mémoire des hommes. Cette fierté ressentie et affichée après le sacre de ce jeune de 31 ans, pur produit de l'école sénégalaise, n'a duré que le temps d'une rose. En quelques jours, Mohamed Mbougar Sarr est passé du statut de héros à celui de paria. Curieusement, dans son pays, la chute de la cote de popularité de l'écrivain a été provoquée par un tweet enthousiaste et militant de la présidente d'Amnesty International France.
#Goncourt : très heureuse à la fois pour Mohammed Mbougar Sarr et pour l’éditeur, un indépendant pour une fois !
— Cécile Coudriou (@CecileCoudriou) November 4, 2021
Et qui sait, il fera peut-être aussi avancer la cause #LGBT au Sénégal https://t.co/ToBMXfFVGn
Exhumant une interview de 2018 avec Le Monde dans laquelle l'auteur dénonçait le calvaire des gays au Sénégal, la présidente d'Amnesty International France a exprimé son souhait de voir le sacre de Mohamed Mbougar Sarr faire évoluer la cause LGBT. Mais, dans ce pays de l'Afrique de l'Ouest où «l'acte impudique ou contre-nature avec un individu de même sexe» est puni de peines d’un à cinq ans d’emprisonnement, la question reste sensible. Une partie de l'opinion publique et les mouvements religieux réclament un durcissement de la loi avec la criminalisation de l'homosexualité. Il n'en fallait pas plus pour provoquer une virulente vague d'indignation et de rejet sur les réseaux sociaux.
J'ai instinctivement ressenti une certaine fierté en voyant un jeune sénégalais recevoir une aussi grande distinction... Alors sans même savoir de quoi parlais son livre,J'ai eu à lire quelques extraits où cet amphibiens de mbougar faisait l'apologie de l'homosexualité... pic.twitter.com/wSNWeKfOlg
— Sidy Abass (Se7en ASM) 🇸🇳+🇮🇹 (@bigbeuz33) November 3, 2021
Sacré à Paris et désormais rejeté à Dakar, celui qui fut élu «Meilleur élève du Sénégal» en 2009 (année où Marie Ndiaye, auteure d'origine sénégalaise, a remporté le Goncourt avec le roman Trois femmes puissantes) n'a pas que des détracteurs au pays de Senghor. En effet, une frange de la population continue de manifester son soutien au plus jeune lauréat du plus prestigieux prix littéraire français.
Quoi qu'il en soit, entre l'écrivain et une partie de ses compatriotes, le désamour a succédé au coup de cœur fulgurant provoqué par le sacre de l'auteur. Un désamour qui pourrait être résumé par ses mots tirés de La plus secrète mémoire des hommes: «L'écart entre nous s'était creusé. Il ne se mesurait plus en minutes, mais en mondes».