«Pour moi, être dans un avion, c'est comme vivre dans une belle maison.» Oui, enfin... ça dépend. Donald Trump est connu pour être un papy plutôt casanier et peu sûr de lui une fois en vol. Ce qui ne l'a jamais empêché d'exprimer une certaine obsession pour le symbole de réussite numéro un des gens qui ont plus d'argent que nous. Avant sa première campagne présidentielle, le magnat de l'immobilier se bornait à atterrir là où ses affaires l'imposaient.
Presque à contrecœur.
Une fois installé dans le Bureau ovale, il fut le locataire ayant le plus tardé avant d'effectuer son premier voyage officiel à l'étranger, depuis les années soixante et le 36e président des Etats-Unis, Lyndon B. Johnson. Trump finira par effectuer un périple de huit jours à bord de l’un des Boeing VC-25 de Washington, connus sous le nom générique d'Air Force One.
Suffisant pour arroser cinq pays de sa présence, de l'Arabie Saoudite à Israël, en passant par l'Italie et Bruxelles.
Sept ans plus tard, alors qu'il compte bien voler une nouvelle fois à bord du petit palais présidentiel, l'homme qui a toujours accumulé les richesses se voit contraint de se séparer de son joujou «très spécial au sein de Trump Aviation, souvent surnommé the rocket in the sky». C'est Business Insider qui, le premier, annoncera que le Cessna 750 Citation X, construit en 1997, avait changé de propriétaire le 13 mai. Alors qu'il croule sous les dettes judiciaires, Donald Trump vient de vendre son jet privé.
Selon les informations disponibles dans la paperasse de la Federal Aviation Administration, l'avion n'est plus enregistré au nom de la DT Air Corp., propriété de la Trump Organization, mais à celui de MM Fleet Holdings LLC. Cette entreprise est associée à Mehrdad Moayedi, un magnat de la construction irano-américain basé au Texas et propriétaire de Centurion American Custom Home, le géant de la baraque.
Si les détails de cette transaction n'ont pas été dévoilés, un Cessna 750 Citation X, dont la production a été stoppée en 2018, coûte entre 9 et 10 millions de dollars. Et 340 exemplaires se promènent actuellement sur la surface du globe, d'après l'expertise du site EvoJets.
Voilà pour le jargon économique.
Plus intéressant, ce probable nouveau propriétaire est un donateur de poids, puisqu'il a déjà soutenu la campagne du républicain en 2020, armé de 245 000 dollars. Enfin, selon le site officiel de la Trump Org., ce jet-privé peut accueillir «jusqu'à neuf personnes, dans un luxe amélioré et personnalisé, grâce à un intérieur haut de gamme et la signature de Trump».
Confortable, ce Citation X? C'est une question de point de vue. Sachant que sa hauteur de plafond est de 170 cm et que le milliardaire n'est pas loin du double mètre, pas de quoi sauter à la corde, mais toujours bien plus cosy que le vieux zinc qu'on se coltine chez EasyJet.
Vous l'aurez sans doute compris, Donald Trump est à l'aviation ce que le propriétaire d'une Golf GTI tunée est à l'automobile. A ceci près que le politicien bling-bling en a fait un emblème qui l'a durablement aidé durant sa carrière. Et le petit Cessna 750 Citation X, bien que «très utile pour atteindre les petits aéroports» durant la campagne de 2016, n'a jamais eu le magnétisme de son Boeing 757-200, plus connu sous le modeste blase de «Trump Air Force», puis de «Trump Force One».
Equipé de «deux turboréacteurs à double flux Rolls-Royce RB211», si l'on en croit Wikipédia, cet ancien avion de ligne cumule les superlatifs d'apparat. Configuré pour accueillir jusqu'à 43 personnes, il abrite une belle salle à manger, une salle de bains, une autre pour la douche, une chambre parentale, une autre pour les amis et une cuisine équipée. Sans oublier que tout est plus ou moins recouvert d'or 24 carats et de bois qu'on dit noble.
En réalité, cette carlingue vieillissante, fabriquée en 1991, a surtout une valeur marketing inestimable pour le candidat républicain. Après avoir fait les beaux jours d'une compagnie aérienne norvégienne (puis mexicaine), le Boeing s'est refait une première fois la façade en devenant le joujou préféré de Paul Allen, cofondateur de Microsoft, pendant une dizaine d'années. Ce n'est qu'en 2011 que Donald Trump en fera non seulement son bureau volant, mais son décor de théâtre populiste.
Pour la modique somme de 100 millions de dollars.
Un bibelot imposant et vintage qu'il trimballe à grands frais (environ 18 000 dollars l'heure de vol) pour en mettre plein la vue à ses foules d'adorateurs. Un «panneau publicitaire sur roues», comme le décrit le New York Times, qu'il parque toujours bien en vue, à l'aéroport de La Guardia, dans le quartier du Queens. Si Trump a toujours préféré l'avion de ligne à l'élégant jet privé, c'est pour se la jouer groupe de rock ou équipe de foot. Autre raison, moins glam, celui qui n'est jamais très rassuré en vol préfère grimper dans des avions qui ont une «grande expérience dans les airs».
Il avait d’ailleurs fait la même chose en 1997, lorsqu'il s'était payé son premier Trump Force One. Un vieux Boeing 727 VP-BDJ, deux fois plus petit que le 757 mais invariablement flanqué de son nom, qu'il utilisait surtout pour relier New York à Mar-a-Lago.
Quoiqu'il en soit, en 2016, son avion actuel fut l'un des investissements les plus conséquents et rentables de sa campagne, car il s'agissait d'impressionner les électeurs et de prouver qu'il avait déjà la stature d'un président bien calé dans un siège d'Air Force One. Une réussite: ce Boeing mythique squatte depuis bientôt dix ans ses meetings en bordure de tarmac.
Son gros coucou l'aidera également à conserver une certaine stature, lorsqu'il fut contraint d'atterrir à New York, sous les flashs et les caméras, pour y être officiellement inculpé en 2023.
Notons tout de même que Trump a dû le clouer au sol pendant de longs mois, dans le New Jersey, pour cause de rénovations aussi obligatoires qu'onéreuses (plus de 6 millions de dollars). En octobre 2022, fier comme un pilote qu'il n'a jamais été, le magnat de l'immobilier dévoilera un Trump Force One quasi neuf. Pour l'occasion, il fera remplacer le «T» par un drapeau américain et son nom passera de l'argent à l'or.
Ce tic de n'acheter que des croûtes d’occasion, Donald Trump l'infligera aussi à ses trois hélicoptères. Si les deux premiers, des Sikorsky S-76B de 1989, ont longtemps été au service du businessman, ils vont lui être particulièrement utiles durant sa campagne en 2015. Par exemple pour enquiquiner Hillary Clinton, à Des Moines en Iowa. Le 16 août, alors qu'elle paradait au sol, le républicain a déboulé des airs, perturbant jusqu'à l'attention des plus grands fans de la candidate démocrate.
Pour ne rien arranger, une fois sur le plancher des vaches, le milliardaire a eu la mauvaise bonne idée de transformer son hélicoptère en une attraction de luxe pour les gamins. De quoi camper le père de la nation, sous le nez d'une Hillary Clinton temporairement éclipsée.
Le troisième hélico? Un Sikorsky S-76B de 1990 qui vaudrait aujourd'hui 940 000 dollars et qui trimballe les riches golfeurs en Ecosse.