«Je suis prêt, en vertu de mon devoir constitutionnel, à recommander les mesures qu'une nation en difficulté au milieu d'un monde en difficulté peut exiger». Ces mots n’appartiennent pas à Donald Trump mais à Franklin D. Roosevelt. Le jour de son investiture, il y a 92 ans, le 32e président des Etats-Unis a voulu se donner des moyens visibles pour relancer l’économie américaine, alors étouffée par la Grande Dépression.
Objectif? Obtenir des résultats probants en trois mois.
C’est donc à cause de (ou grâce à) lui que les locataires de la Maison-Blanche sont, depuis, jugés sur leurs 100 premiers jours de règne. Donald Trump en avait, d’ailleurs, fait son obsession durant la campagne, en affirmant vouloir agir dès le premier jour pour protéger le peuple américain de tout un tas de dangers, réparer le pays «détruit» par Joe Biden et se venger au passage de ses meilleurs ennemis, même présumés.
Dans le lot: expulser tous les migrants illégaux, mettre fin à la guerre contre l’Ukraine en 24 heures, économiser 2000 milliards en mettant l’administration au régime, redonner du pouvoir d’achat aux Américains et faire baisser le prix des œufs.
Bref, rendre à l’Amérique sa grandeur.
Au lieu de ça, une fois le plaqué or rapatrié dans le Bureau ovale, le milliardaire de Mar-a-Lago a posé ses attributs masculins sur le Resolute desk, engagé le génie maléfique de la tech, craché sur ses voisins directs, secoué la finance mondiale, hurlé ses fantasmes d’invasion territoriale et ruiné les relations que les Etats-Unis entretenaient avec plus ou moins le reste du monde. Au pied de l’échelle infernale, la population américaine trinque déjà et commence à perdre patience.
Depuis 100 jours, Donald Trump enchaîne les menaces verbales, mais reste aussi étrangement obsédé par son prédécesseur. En trois mois, il aurait évoqué Joe Biden «au moins 580 fois» depuis son investiture, le 20 janvier dernier, selon une analyse de NBC News. Dernier hommage au papier de verre, les festivités de Pâques à Washington, durant lesquelles le gourou MAGA a tenu à rappeler que «la Maison-Blanche n'est plus une maison de retraite».
BREAKING: The White House is no longer a nursing home 🎉 #WHEasterEggRoll pic.twitter.com/iZdjPyWsyo
— The White House (@WhiteHouse) April 21, 2025
Selon la chaîne américaine, ça pue la diversion face à des difficultés que le président peine à dissimuler. Pour le coup, rappeler à tout bout de champ que le peuple américain a désavoué Biden durant l’élection présidentielle lui permet de justifier les «efforts» que les Américains vont devoir fournir avant d’en profiter un peu .
Enfin, obsédé par la trace qu’il laissera dans l’histoire, ternir indéfiniment celle de son ancien adversaire est une stratégie qui sied plutôt bien à Trump, faute d’accomplissement majeur.
Car sa politique a beau violenter plusieurs fondements de la démocratie, l’heure est toujours aux vociférations bordéliques, aussi dangereuses soient-elles. Ceux qui souffrent le plus ne sont d’ailleurs pas tant les nations à qui il a déclaré la guerre des taxes, mais ses propres citoyens et institutions, victimes des décisions les plus concrètes, de la chasse au wokisme, aux coupes dans les aides publiques.
Sans compter que sa politique internationale aussi brusque qu’imprévisible, censée aimanter les investissements et doper l’économie américaine, est de moins en moins du goût de la population, y compris des milliardaires qui lui ont glissé des billets (verts et doux) dans la poche, une fois élu. De récents sondages publiés par YouGov pour The Economist font d’ailleurs état d’une chute de sa popularité, notamment en ce qui concerne sa capacité à maîtriser l’inflation.
Pire encore auprès des jeunes, puisque, selon le Washington Post mercredi, «seuls 15% des jeunes estiment que les Etats-Unis vont dans la bonne direction sous la présidence de Donald Trump». La faute notamment à la valse épileptique des taxes douanières, mais surtout aux multiples pas de recul du président qui ne font que grignoter la confiance dont il jouissait pourtant en janvier, en empoignant son second mandat.
Son récent rétropédalage face à la Chine tend enfin à prouver que sa stratégie, défendue par la Maison-Blanche avec l'éternel Art Of The Deal de l'ancien promoteur immobilier, le fragilise chaque jour un peu plus.
Sans aller jusqu’à minimiser le grave tournant autoritariste qu’il a choisi d’emprunter, et ses nombreuses conséquences, Donald Trump s’approche de ses 100 jours de règne sans grandes réalisations.
Si on l’a vu signer des décrets à la chaîne, comme des autographes à lui-même et caméras braquées sur son stylo, la tendance est tout autre lorsqu’il s’agit de faire passer des lois. «Trump a signé moins de projets de loi à ce stade de son mandat que n’importe quel autre président ayant pris ses fonctions au cours des sept dernières décennies», rappelle le média politique PunchBowl.
On le sait, Donald Trump a utilisé Musk et son département Doge pour affaiblir l’administration sans paperasse et les décrets pour tenter d’aller plus vite que le Congrès, là où les républicains n’ont qu’une faible majorité. Une stratégie bulldozer qui est encore loin de porter ses fruits, même si le président affirme que «ce n’est que le début».
En vrac? Le projet de paix (à la Trump) entre la Russie et l’Ukraine s’enlise. Il en est rendu à ce point que JD Vance menace de retirer les Etats-Unis de la médiation. L’expulsion des migrants illégaux, bien que visuellement impressionnante, est criblée de failles et de zones d’ombre et les taxes douanières voulues par le président semblent ne convaincre que lui. Enfin, on ne compte plus les polémiques qui lacèrent sa garde rapprochée, du «Signalgate» aux bourdes répétées du secrétaire à la Défense Pete Hegseth.
Avec une crédibilité qui chute de manière inédite – «il est le seul président moderne à afficher une cote de popularité négative à ce stade de son mandat», rappelle le New York Times, Donald Trump n’a plus que quelques jours pour impressionner son monde durablement. Son début de règne a beau avoir été le plus marquant de ces dernières décennies, la période de grâce post-élection est retombée et sa rentrée de septembre pourrait être encore plus terrible que pour ses prédécesseurs.
Ensuite, il lui faudra entrer dans le gras de la fonction, avec des résultats solides, s’il ne veut pas risquer de perdre la face et le soutien de cette majorité d’Américains qui l’a hissé au sommet de la plus grande puissance mondiale. Le tout, avant les Midterms, première étape majeure vers 2028. Et sa haine de Joe Biden, cette fois, ne pourra rien pour lui.