L'ambiance n'était pas à la fête, ce lundi, à la Maison-Blanche. Malgré la ribambelle de convives en tenue pastel et des nuées enfants slalomant joyeusement entre les lapins géants pour dénicher des oeufs de Pâques. Ce n'était pas la mort du pape François. Plutôt qu'un nouveau scandale venu entacher la réputation déjà pas toute propre du secrétaire à la Défense, Pete Hegseth. Oui. Encore lui.
Vous n'avez pas pu passer à côté de la première affaire majeure à ébranler l'administration 2.0 de Donald Trump, fin mars. Lorsqu'un éminent journaliste du magazine The Atlantic s'est retrouvé, malgré lui, intégré à un groupe de discussion Signal non sécurisé, destiné à coordonner les plans américains pour frapper les rebelles houthis au Yémen.
Le ministre de la Défense s'en était sorti par une pirouette et quelques excuses, arguant qu'aucune information sensible n'avait été divulguée et que, de toute façon, ce n'était pas de sa faute. Circulez, y'a rien à voir.
Et bien, selon des révélations dans le New York Times ce dimanche, il semblerait que Pete Hegseth ait remis ça.
En effet, c'est toujours sur Signal, mais sur un autre chat, que le ministre aurait communiqué d'autres plans de guerre sensibles, avec un public divers composé de fonctionnaires et proches sans aucun lien avec le gouvernement – dont son épouse Jennifer, son frère Phil et son avocat personnel. Un groupe qui, contrairement au précédent qui a fait tant parler de lui en mars, a été créé par le chef du Pentagone lui-même.
Il n'en fallait pas plus pour provoquer un mélange d'indignation, de colère, d'hilarité et de désarroi mêlés – ainsi que les premiers appels à limoger l'imprudent secrétaire à la Défense de Donald Trump, y compris dans le camp républicain.
D'autant que ces nouvelles révélations s'inscrivent dans un contexte de crise plus vaste au sein du Pentagone. La semaine passée, pas moins de quatre conseillers principaux ont quitté brutalement l'agence. A commencer par l'ancien porte-parole du ministère, John Ullyot, qui a publié dans la foulée de sa démission une tribune pour dénoncer le «chaos total» qui règne ces dernières semaines.
D'autres conseillers lui ont succédé – Dan Caldwell, Colin Carroll et Darin Selnick – tous trois escortés vers la sortie du Pentagone après avoir été accusés d'avoir divulgué des informations à la presse. Le trio s'est empressé de publier une déclaration commune sur X, qualifiant ce licenciement d'«inadmissible». Ils n'auraient même pas été informés des accusations qui leur sont reprochées.
On comprend mieux la mauvaise humeur de Pete Hegseth, ce lundi, sur la pelouse de la Maison-Blanche, au moment de répondre aux questions des journalistes entre deux enfants et lapins géants.
Interpellé pour commenter ce nouveau scandale, c'est un secrétaire aussi tiré à quatre épingles que furibard qui s'en est pris à la presse. Un doigt pointé vers le groupe de journalistes, Pete Hegseth accuse ces «charlatans»: «Vous colportez des sources anonymes provenant de fuyards qui ont des intérêts en jeu et vous rassemblez le tout comme s'il s'agissait d'une nouvelle!»
Après quoi, le secrétaire a passé un bras autour de son épouse et s'en est allé, sa progéniture sur les talons. Un peu plus loin sur la pelouse, son patron non plus n'a pas pu esquiver les questions. Flanqué de la première dame, Melania, et d'un lapin à la veste vert pâle, Donald Trump a balayé ce nouveau scandale. «Et voilà! Une perte de temps. Pete fait un excellent travail.»
«Demandez aux Houthis comment il se débrouille», a encore ironisé Donald Trump, faisant référence aux attaques américaines au Yémen.
Malgré ce soutien affiché et la défense mordicus de la Maison-Blanche, Pete Hegseth n'est de loin pas tiré d'affaire. A Washington, depuis ce week-end, les discussions vont bon train sur la liste restreinte de candidats susceptibles de le remplacer, indique The Atlantic. Même son de cloche de la part d'un haut responsable anonyme interrogé par la chaîne NPR, qui affirme également que le travail de recherche d'un nouveau dirigeant est déjà entamé.
D'autres partisans, au contraire, assurent que Donald Trump est encore disposé à soutenir l'ancien présentateur de Fox News à la tête de son département. Après tout, le président a dépensé un capital politique considérable, l'automne dernier, pour obtenir la confirmation de son poulain, alors que ses chances de confirmation étaient compromises par des allégations d'alcoolisme et d'inconduite sexuelle.
Licencier un homme pour lequel il s'est battu quelques mois plus tôt reviendrait pour Donald Trump à admettre qu'il a commis une erreur. Pire: à concéder une victoire aux journalistes et à tous les experts en sécurité nationale qui ont averti que l'ancien animateur n'avait pas l'expérience requise pour devenir l'un des plus hauts responsables du pays.
D'autres arguments plaident en faveur du maintien de Pete Hegseth, malgré les scandales qui lui collent à la peau comme un parfum bon marché. Tout d'abord, selon des sources dans Politico, une âpre et complexe bataille de confirmation pour lui trouver un remplaçant, dont l'administration se passerait bien.
En outre, contrairement à ses prédécesseurs sous la première administration Trump, limogés pour avoir tenté de contrecarrer les plans présidentiels, Pete Hegseth s'est montré d'une loyauté sans faille. Une qualité qui compte pour Donald Trump. Alors que ce dernier scandale le rend encore davantage redevable auprès du président, le secrétaire pourrait se montrer d'autant plus enclin à faire tout ce qu'on lui demande. Sa présence pourrait donc être appréciée pour un moment.
Si un haut-conseiller suggère dans Politico que le scénario le plus probable est que le président décide de le «marginaliser» plutôt que de le destituer, Pete Hegseth ne reste pas plus à l'abri que les autres des coups de sang de l'impétueux et imprévisible Donald Trump. Menacé d'être expédié d'un coup rapide. Une guillotine sous forme de post sur Truth Social.
Avec ça, comme le glisse une personne proche de la Maison-Blanche dans Politico, l’ancien présentateur de Fox News pourrait tout aussi bien... «imploser de lui-même».