Newsmax est une chaîne de télévision américaine qui se situe, pour autant que cela soit possible, à droite de Fox News. Donald Trump y a accordé l'une de ses nombreuses interviews exclusives et s'est également exprimé sur Vladimir Poutine. L'accent n'a pas été mis sur la guerre brutale contre l'Ukraine. Au lieu de cela, Trump a demandé à Poutine de révéler enfin une histoire réfutée depuis longtemps concernant Hunter Biden.
Une théorie du complot circule depuis des années dans les médias conservateurs, selon laquelle la femme de l'ancien maire de Moscou aurait versé près de trois millions de dollars à Hunter Biden. Pour quoi faire, ce n'est pas clair. Rien ne permet de prouver cette thèse. Poutine lui-même l'a déjà démentie publiquement.
Quoi qu'il en soit, on sait que Trump ne se laisse pas troubler par les faits. C'est pourquoi il a déclaré à l'intervieweur John Solomon: «Poutine n'est pas vraiment un fan de notre pays. Qu'il fasse enfin la lumière sur cette affaire. Je pense que Poutine devrait maintenant être prêt à fournir les réponses. Je suis sûr qu'il les connaît».
John Solomon, cela dit en passant, est un journaliste qui a joué un rôle majeur dans l'histoire d'Hunter Biden en Ukraine. Il est également un invité régulier de Fox News.
Trump et Poutine entretiennent une bromance d'un genre particulier. Lors de la campagne électorale de 2016, Trump a profité du fait que les services secrets russes avaient piraté les e-mails d'Hillary Clinton et les avaient rendus publics au bon moment via Wikileaks. 30'000 de ces e-mails n'ont toutefois pas été découverts. C'est pourquoi Trump a publiquement demandé à la Russie de les rendre également publics.
Lorsque Trump a été interrogé lors d'une interview télévisée sur le fait que Poutine était un tueur, il a répondu: «Nous, Américains, n'avons pas à faire preuve d'hypocrisie, nous ne valons pas mieux». Et lorsque Trump s'est présenté avec Poutine lors d'une conférence de presse à Helsinki en 2018, il a expliqué, à la consternation de son propre peuple, qu'il faisait plus confiance à Poutine qu'à ses propres services de renseignement.
Enfin, au début de la guerre en Ukraine, il a qualifié l'action de Poutine de «géniale» et «astucieuse». Il a ainsi discrédité le président en exercice de son propre pays en pleine crise.
Une écrasante majorité de républicains condamne la guerre de Poutine, mais l'ex-président agit manifestement selon la devise de la mafia: l'ennemi de mon ennemi est mon ami. Concrètement, celui qui est contre Joe Biden est dans mon camp - peu importe qu'il soit un meurtrier de masse et un criminel de guerre.
L'histoire d'Hunter Biden semble digne d'intérêt, mais les pistes ne mènent pas à Moscou, mais à Pékin.
Après le New York Times, c'est au tour du Washington Post de s'intéresser de près à l'ordinateur portable du fils du président américain. Le résultat ne plaide pas vraiment en faveur des Biden.
Mais reprenons les choses dans l'ordre: le 12 avril 2019, Hunter Biden a apporté son MacBook Pro défectueux dans un magasin de Wilmington (État du Delaware) pour le faire réparer. Près de 129 000 e-mails y étaient stockés. Malgré plusieurs rappels, Biden n'est jamais allé chercher cet ordinateur portable. Finalement, le propriétaire du magasin, John Paul Mac Isaac, en a eu assez. Il a alors prévenu le FBI. Celui-ci a confisqué l'ordinateur portable. Isaac avait toutefois fait auparavant une copie du disque dur.
Par des voies tortueuses, une copie de cette copie est arrivée entre les mains de Steve Bannon et Rudy Giuliani. Ceux-ci l'ont à leur tour transmise au New York Post, un journal appartenant à l'empire Murdoch qui tire sur tout ce qui sent le démocrate. Le journal en a fait un scoop, affirmant que le fils Biden avait été corrompu et que son père en avait également profité.
L'histoire du New York Post n'a pas fait de grandes vagues. Le journal ne jouit pas de la meilleure réputation, Giuliani et Bannon non plus. Des experts renommés ont en outre émis le soupçon que tout cela n'était qu'une nouvelle opération mise en place par les services secrets russes dans le but de discriminer Joe Biden dans la campagne électorale. Les médias sérieux n'y ont donc pas touché, Facebook et Twitter ont interdit toute diffusion sur leurs canaux. Les milieux conservateurs ont poussé des cris d'orfraie.
Or, il s'avère qu'au moins une partie de ces e-mails semble être authentique. Le Washington Post a entre-temps également reçu une copie du disque dur et l'a fait vérifier par deux experts renommés. Ils sont arrivés à la conclusion que les faits étaient certes «chaotiques», mais qu'environ 22'000 de ces e-mails n'étaient probablement pas des faux.
Il ressort de ces e-mails que Hunter Biden a planifié, avec son oncle James Biden, une grosse affaire avec CEFC China Energy. Il s'agissait de transactions pétrolières et gazières en Afrique. Comme d'habitude, l'affaire est compliquée. Mais apparemment, Hunter Biden et son oncle ont reçu au total 4,8 millions de dollars. Rien n'indique que Joe Biden était au courant de ces transactions douteuses, ni même qu'il était impliqué.
Au moment où ces transactions ont été planifiées, Hunter Biden traversait une grave crise existentielle. Il était lourdement endetté, sa femme avait divorcé, il était devenu père d'une fille illégitime et était accro au crack. Le ministère américain de la justice continue d'enquêter sur cette affaire.
Fixé sur l'Ukraine et Poutine, Trump détourne l'attention du véritable scandale Hunter Biden, et gâche ainsi le travail des médias conservateurs.