Vous voulez connaître le mot de passe qui vous ouvrira les portes des Etats-Unis? (Et non... ce n'est pas «sésame ouvre-toi»).
Allez, on vous aide: La formule magique, c'est ESTA. L'abréviation pour Electronic System for Travel Authorization. Ou, en français, système électronique pour l'autorisation de voyages. On est d'accord, c'est nettement moins poétique.
Le formulaire ESTA est LA clé pour permettre aux voyageurs en provenance de pays étrangers, comme la Suisse, de poser un pied sur le territoire américain. Absolument obligatoire, il nécessite de répondre à des questions très bizarres, parmi lesquelles:
«Avez-vous l'intention de participer ou avez-vous participé à des activités terroristes, d'espionnage, de sabotage ou de génocide?»
Ou encore, tout aussi savoureux:
«Souffrez-vous d'une maladie physique ou mentale ou êtes-vous consommateur de drogue ou toxicomane?»
Une fois le formulaire dûment rempli sur Internet et payé la modique somme de quatorze dollars, en règle générale, vous recevez l'autorisation par email au bout de quelques minutes. Ça, c'est la procédure standard.
Si la procédure pouvait déjà paraître complexe avant la pandémie, c'est une toute autre affaire depuis la pandémie.
Un Suisse et son épouse américaine en ont fait l'expérience au mois d'août dernier: Quelques semaines avant leur voyage, au terme de la procédure habituelle, le Suisse avait obtenu son visa ESTA comme prévu. En principe, cette autorisation est valable plusieurs mois.
Mais le matin du départ, c'est le choc: Le voyageur reçoit par courriel un message selon lequel son visa a expiré. Et ce, sans la moindre explication. Paniqué, il remplit donc à la hâte un nouveau formulaire en ligne, mais n'obtient aucune réponse. Arrivé à l'aéroport, ça ne manque pas: Sans ESTA, l'enregistrement s'avère impossible. On dirige le couple vers un autre terminal, où un agent de sécurité pourra prendre contact directement avec les autorités américaines.
Le Suisse sent le stress monter d'un cran. L'agent de sécurité parvient en effet à atteindre les Etats-Unis, fait parvenir les documents nécessaires par scan et une description du cas. Toutefois, il ne se veut pas trop rassurant:
La perspective de louper l'avion devient de plus en plus concrète. Le couple refait alors ses valises, au cas où l'épouse est contrainte de partir seule et de laisser son mari sur place.
Et finalement, soulagement: Le passager reçoit par mail la confirmation que son autorisation ESTA est renouvelée.
Une bonne nouvelle dont se moque l'agent de sécurité: Maintenant qu'il a ouvert un nouveau dossier (qui reste sans réponse des Etats-Unis), l'embarquement n'est pas possible. L'apaisement se mue en stress. L'attente continue.
Enfin, à la toute dernière minute, le feu vert des autorités américaines tombe enfin. L'agent de sécurité donne son accord, et le couple peut prendre son vol.
L'histoire de ce passager suisse n'est de loin pas un cas isolé.
Mais pourquoi donc? L'ambassade américaine de Berne n'a pas fourni de réponse claire.
«Les autorités américaines contrôlent les réservations des voyageurs américains de manière très étroite et restrictive», explique pour sa part Nathalie Berchtold, porte-parole de la société Swissport, qui gère le processus d'enregistrement dans les aéroports pour des compagnies aériennes comme Swiss.
Le problème de l'ESTA n'est pas nouveau, mais pendant la pandémie, les Etats-Unis ont durci les contrôles, dont certains sont effectués de manière aléatoire: «Nous avons remarqué que le niveau de contrôle avant embarquement, prescrit par les autorités américaines, s'est considérablement accru».
Lorsqu'un passager est rejeté, les autorités américaines ne communiquent aucune explication. «Le processus n'est transparent ni pour Swissport, ni pour les compagnies aériennes.»
Selon Nathalie Berchtold, des clarifications par téléphone directement avec les services d'immigration américains sont nécessaires sur place, à l'aéroport. Une chose est certaine: Sans autorisation, tout embarquement est absolument impossible.
«En ce moment, cela se produit presque quotidiennement à l'aéroport de Zurich», précise encore la porte-parole. En effet, il arrive que l'autorisation des autorités ne parvienne qu'au bout de plusieurs heures... alors que l'avion est déjà dans les airs.
Bon, pour le rejet inexpliqué, on saura. A noter aussi que, pour l'instant, les Etats-Unis n'accordent une autorisation d'entrée qu'à un panel de population très restreint:
Cela suffit déjà à créer de looooongues files d'attente pour le contrôle des documents à l'embarquement.
Doit-on donc déjà s'attendre à un véritable chaos à partir du 8 novembre? Nathalie Berchtold ne balaie pas cette perspective:
Concernant les clarifications avec les autorités américaines, qui nécessitent beaucoup de temps, elles seront effectuées dans un bureau spécial créé à cet effet. «Comme les autres vols sont moins fréquents en hiver, nous pouvons déployer ce personnel en plus pour les vols USA», a encore précisé la porte-parole de Swissport.
Il est recommandé aux voyageurs d'arriver à l'aéroport au minimum trois heures avant le départ, conseille Nathalie Berchtold. Toutefois, même dans ce cas, il est possible que tous les passagers ne reçoivent pas leur permis de voyager à temps – au cas où les Etats-Unis réclament des clarifications supplémentaires.
On ignore le nombre de passagers qui sont restés bloqués cette année.
Dans ce cas de figure, les voyageurs refoulés peuvent encore espérer une place sur un vol le lendemain, mais Swiss ne prend pas en charge les frais de réinscription. On aurait préféré qu'il suffise de dire «Sésame ouvre-toi».
Traduit et adapté par mbr.