Après les émeutes provoquées par la mort de Nahel, le gouvernement français a accru la pression sur les réseaux sociaux, accusés de relayer les violences, en faisant retirer des milliers de messages illicites et en suggérant même de restreindre leur fonctionnement, une démarche juridiquement compliquée.
Le gouvernement pourrait envisager de «suspendre des fonctionnalités» sur les réseaux sociaux en cas de nouvelles émeutes, a expliqué mercredi son porte-parole Olivier Véran, alors qu'Emmanuel Macron a même évoqué mardi soir la possibilité de les «couper», déclenchant un feu de critiques.
La veille, devant quelque 300 maires de communes victimes de violences, le locataire de l'Elysée avait souhaité «une réflexion sur l'usage de ces réseaux chez les plus jeunes, dans les familles, à l'école, les interdictions qu'on doit mettre» et jugé que «quand les choses s'emballent pour un moment, (on peut) se dire: on se met peut-être en situation de les réguler ou de les couper».
Les réactions n'ont pas tardé:
Couper les réseaux sociaux ?
— 🇫🇷 Olivier Marleix (@oliviermarleix) July 4, 2023
Comme la Chine, l’Iran, la Corée du Nord ?
Même si c’est une provocation pour détourner l’attention, elle est de très mauvais goût. https://t.co/tXGGi2o520
«Ce serait renoncer à l'idée que la démocratie soit plus forte que les outils qu'on détourne contre elle. Ce serait une erreur», a aussi estimé le député du parti présidentiel Renaissance Eric Bothorel.
Durant les émeutes, les ministères de l'Intérieur et de la Justice ont multiplié les réquisitions de retrait de contenus illicites auprès des grandes plateformes - Twitter, Tiktok, Meta (Facebook et Instagram) et Snapchat -, dont les représentants avaient été convoqués vendredi par les ministres de l'Intérieur Gérald Darmanin et du Numérique Jean-Noël Barrot.
Les quatre réseaux sociaux ont très rapidement répondu à leurs demandes, parfois en moins d'une heure, et «retiré des milliers de contenus illicites et suspendu des centaines de comptes», s'est félicité le ministère délégué mercredi. Dans le viseur, les appels à la violence et les divulgations de données personnelles (de policiers, par exemple).
Les représentants de Tiktok, Snapchat et Meta ont tous affirmé qu'ils effectuaient une modération proactive des contenus illicites et répondaient aux demandes de l'Etat.
Sur une régulation accrue des réseaux, cibles des critiques du gouvernement depuis une semaine, pour éviter «de réagir sous le coup de l'émotion», Jean-Noël Barrot a proposé mardi soir au Sénat la mise en place d'un groupe de travail sur les mesures à prendre en cas d'émeutes.
De nouvelles mesures pourraient donc cet été compléter le projet de loi visant à sécuriser le numérique, actuellement en discussion au Sénat.
Au nom de la liberté d'expression, la balance des droits reste cependant très favorable aux réseaux sociaux, qui ne font guère d'efforts de modération sauf dans les crimes et délits graves, a réagi Me Amélie Tripet, avocate du cabinet August Debouzy:
Quant à suspendre le partage, «cela provoquerait sans doute un débat houleux, car cela pourrait signifier qu'il faudrait repérer et marquer un contenu pour limiter sa propagation».
Pour elle, «il faut voir les appels du gouvernement comme une pression toujours plus forte pour provoquer la collaboration active des plateformes», qui n'ont pas l'obligation de rechercher des contenus similaires à ceux qui leur ont été signalés, estime encore la femme de loi. (ats/jch)