Sans incident majeur mais dans la psychose des violences des groupes criminels, les électeurs équatoriens ont voté dimanche pour des élections présidentielles anticipées. Les premières tendances donnent la première place à la dauphine de l'ex-président Rafael Correa.
«La situation est très difficile, nous ne sommes en sécurité nulle part, mais nous devons élire un président avec l'espoir qu'il y aura une amélioration», a commenté à Quito Magdalena Maurisaca, résumant l'état d'esprit d'un pays qui fut longtemps un havre de paix en Amérique latine.
Selon des résultats préliminaires diffusées au compte-gouttes dans la soirée par l'autorité électorale, portant sur 23,38% des bulletins dépouillés, la candidate Luisa Gonzalez, héritière de l'ex-dirigeant aujourd'hui en exil et condamné pour corruption, arrivait en tête avec 33,04%.
Le journaliste Christian Zurita, qui a remplacé au pied levé le candidat centriste assassiné, son ami et ex-collègue Fernando Villavicencio, est en troisième position avec 16.29%.
Quelque 82% des 13,4 millions électeurs se sont rendus aux urnes, selon la commission électorale (CNE), qui a salué une mobilisation «massive»:
Les Equatoriens votaient pour élire leur président, leur vice-président et les 137 députés du Congrès monocaméral. Les premiers résultats doivent être publiés le soir même.
Les huit candidats ont voté sans incident, mais toujours sous d'omniprésentes escortes, et en gilet pare-balles apparent pour au moins deux d'entre eux. Meilleur ami du défunt Villavicencio, le journaliste Zurita, 53 ans, a voté sourire aux lèvres à Quito, avec en plus un casque lourd sur la tête.
Une haie de militaires en armes et gardes du corps l'entourait, le cachant presque totalement à la vue des nombreux journalistes présents. Ce protagoniste inattendu du scrutin a réaffirmé sa «détermination» à «sortir l'Equateur de cette période sombre et difficile», portant le discours anti-corruption de son ami assassiné.
Tous deux avaient mis au jour ces dernières années de retentissants scandales de corruption, dont l'enquête qui a abouti à la condamnation de Rafael Correa à huit ans de prison et à son départ en exil.
Rivale de Zurita et seule femme dans la course à la présidence, Luisa Gonzalez se pose elle comme l'héritière de l'ancien président déchu. «Tout est entre les mains du peuple équatorien, le plus probable est que nous n'aurons qu'un seul tour», a affirmé celle qui était la favorite des sondages jusqu'à l'assassinat de Villavicencio.
Mais c'est finalement un autre candidat de droite, Daniel Noboa, lui aussi partisan de la méthode musclée contre les gangs, qui semble avoir tiré son épingle du jeu. Fils de l'un des hommes les plus riches du pays et benjamin du scrutin à 35 ans, il est un adversaire résolu du corréisme, et porteur d'un discours de soutien aux entreprises.
Taux d'homicide record, massacres entre gangs rivaux dans les prisons... Jusqu'à il y a peu surtout réputé pour ses bananes, ses crevettes et les emblématiques îles Galapagos, l'Equateur a été contaminé ces dernières années par le trafic de drogue venant de Colombie et du Pérou, organisé par les cartels mexicains.
A cette violence s'ajoute une crise institutionnelle privant le pays de Congrès depuis trois mois après la décision du président Guillermo Lasso d'appeler à ces élections générales anticipées pour éviter sa destitution sur fond d'accusations de corruption.
Trois discours ont dominé ces élections: les promesses par Zurita de lutte contre la corruption, le discours musclé - en particulier de Topic - contre la criminalité, et le discours corréiste ou de gauche, aux accents plus sociaux et prônant la lutte contre le chômage pour réduire l'insécurité.
Ce dimanche, les Equatoriens se prononçaient aussi par référendum sur la poursuite ou non de l'exploitation pétrolière dans la forêt amazonienne de Yasuni (Nord-Est), terre indigène et réserve unique de biodiversité. Une consultation «historique» aux yeux des défenseurs de l'environnement et du climat, alors que le pétrole amazonien est le premier produit d'exportation du pays et source de financement majeur de l'Etat.
Toujours selon les premières tendances dimanche soir, 59% des électeurs se prononçaient en faveur de la suspension de la production, contre 41%. (ats/jch)