L'humanité veut retourner sur la Lune. Pour cela, l'agence spatiale américaine Nasa a lancé le programme Artemis. Plus d'un demi-siècle après la dernière mission habitée sur la Lune, des astronautes doivent explorer la région du pôle Sud, qui n'a pas encore été fouillée. Dès 2026, deux personnes devraient se poser à la surface de la Lune dans le cadre de la mission Artemis 3, dont, pour la première fois, une femme.
D'une part, la Lune doit devenir un tremplin pour de futures missions vers Mars. D'autre part, les ressources de la Lune doivent être exploitées à long terme à partir d'une base lunaire habitable en permanence. Des matières premières pourraient ainsi être extraites dans le cadre de l'exploitation minière, ce qui intéresse de nombreux Etats.
C'est également pour cette raison que la Nasa et le Département d'Etat américain ont rédigé, en 2020, des règles selon lesquelles la Lune et l'espace devront être explorés et utilisés à l'avenir. Ces accords Artemis ont été signés par 38 pays. L'Allemagne les a signés il y a six mois et le conseiller fédéral Guy Parmelin l'a fait ce lundi 22 avril à Washington au nom de la Suisse.
Peter Wurz, le directeur de l'Institut de physique de l'Université de Berne, était présent lors de la signature. «Les accords Artemis se basent sur le traité spatial de 1967 et tiennent compte de l'état actuel de la technologie», explique-t-il. Selon le spécialiste de l'espace, les accords portent sur une meilleure coopération afin d'augmenter le potentiel d'une recherche spatiale sûre et robuste. «Et l'assistance mutuelle en cas d'urgence ainsi que l'enregistrement correct des objets spatiaux», complète-t-il.
Il existe certes un bureau d'enregistrement de l'ONU pour les satellites et les fusées (Registration Convention), mais tous les pays n'en font pas partie. Grâce à l'enregistrement, les orbites des objets volants sont connues, ce qui permet d'éviter les collisions. «L'enregistrement est donc important pour éviter les débris spatiaux», explique Valentin Bickel du Center for Space and Habitability de l'Université de Berne.
De nombreux principes ont été repris de l'ancien accord spatial. Mais en 1967, on n'avait pas pensé à l'utilisation des ressources lunaires ni aux entreprises spatiales privées, comme le déclare Valentin Bickel:
Mais ce qui est important, c'est surtout l'échange mondial et transparent de données scientifiques.
Les accords prévoient également qu'une zone de sécurité pourrait être établie pour protéger une mine lunaire. Cela doit permettre à des nations individuelles de délimiter des territoires sur la Lune et d'autres corps célestes. Selon Peter Wurz, il n'est pas tout à fait clair, en raison de la formulation de l'accord, si de telles zones interdites sont réellement possibles. En tout cas, cela devrait permettre d'éviter les conflits liés à l'exploitation des ressources naturelles.
Or, c'est précisément ce point des accords Artemis qui est critiqué: en ayant des zones privées, un pays pourrait avoir trop de pouvoir. Afin d'éviter des conflits territoriaux, la transparence dans l'information mutuelle est décisive. Peter Wurz estime:
Thomas Zurbuchen, ancien chef de recherche de la Nasa et professeur à l'ETHZ, s'interroge lui aussi sur l'utilisation de la Lune pour l'exploitation minière. Il propose de créer des sortes de parcs nationaux sur la Lune afin de la préserver pour les générations futures. En février, il a déclaré:
Avec la signature des accords Artemis, la Suisse a la chance de prendre une part active dans l'espace, aux yeux de Valentin Bickel. Et Peter Wurz d'ajouter: «Nous avons déjà une bonne et vaste coopération dans les projets Artemis. La reconnaissance de ces principes permettra de l'étendre. Cela offre également de nombreuses possibilités à l'industrie suisse». En effet, seuls ceux qui signent les accords peuvent participer à Artemis.
La participation internationale au projet Artemis «nous profite énormément, à l'université de Berne», déclare Peter Wurz. Les accords ne présentent aucun inconvénient pour la Suisse. «Les accords Artemis sont une déclaration d'intention. Si la collaboration évolue de manière défavorable, on peut très facilement se retirer.»
Mais tous les pays ne veulent pas participer aux accords Artemis. La Russie n'a pas encore signé. La Chine non plus. Valentin Bickel suppose que ces pays vont probablement mitonner leur propre recette spatiale afin de ne pas perdre leur contrôle étatique sur l'espace. Les deux pays se sont réunis au sein de l'International Lunar Research Station (ILRS).
Des pays comme l'Egypte, la Turquie, l'Afrique du Sud et le Venezuela se sont joints à eux. Il pourrait donc y avoir à l'avenir deux grandes parties qui forgeront leurs propres plans dans l'espace. L'Inde, en tant que puissance spatiale émergente, s'est toutefois rangée du côté de l'Occident et a signé les accords Artemis.
Comme son collègue, Peter Wurz ne pense pas que la Russie signera les accords Artemis, en tout cas dans un avenir proche. Mais il n'est pas aussi dubitatif en ce qui concerne la Chine. «Les grands projets, comme la Station spatiale internationale (ISS), à laquelle participent également les Russes, ne sont pas réalisables sans la coopération internationale. Le programme Artemis de la Nasa non plus», explique le chercheur en sciences spatiales.
La signature de Guy Parmelin aura des conséquences directes pour Valentin Bickel. A l'EPFZ, il a lancé il y a quelques années un projet pour la mission lunaire Artemis 3. Il cherche et caractérise des sites d'atterrissage appropriés sur le pôle Sud. Ce projet est toujours en cours, et le chercheur suisse vient de collaborer avec des spécialistes indiens de l'espace.
Dans le cadre du programme Artemis, Valentin Bickel soutient aussi la planification de la mission du Viper Rover, qui doit forer de l'eau au pôle Sud de la Lune l'année prochaine. La Suisse est donc impliquée de diverses manières dans Artemis et pourra continuer à le faire grâce à la signature de Guy Parmelin.
Pour le plus grand plaisir de Marco Sieber, qui était présent lors de la signature. Âgé de 35 ans, il a suivi la formation d'astronaute auprès de l'Agence spatiale européenne (ESA) en juin 2023. Son objectif est de devenir, grâce à Artemis, le premier Suisse à se rendre sur la Lune. Lundi 22 avril, Marco Sieber deviendra officiellement astronaute de l'ESA.
Traduit et adapté par Tanja Maeder