«L'Arctique dans son ensemble regorgerait de 25% (...) des réserves restant à découvrir d'hydrocarbures conventionnels» dans le monde, explique Mikaa Blugeon-Mered, chargé d'enseignement géopolitique à Sciences Po, en se référant à un rapport de l'Institut géologique américain (USGS).
Le réchauffement climatique entraîne une fonte rapide des glaces polaires dans l'Arctique qui stimule l'activité économique, dont le tourisme, malgré l'environnement inhospitalier. Selon l'observatoire Copernicus, l'Arctique européen est la région qui se réchauffe le plus au monde. Et les pays voisins cherchent à accéder au pétrole, au gaz, aux minerais dont regorgent les sous-sols, ainsi qu'aux vastes ressources halieutiques de la zone.
Quant au passage du Nord-Est, une voie maritime passant au large de la Sibérie rendue graduellement praticable en raison du réchauffement climatique, il promet un gain de temps – une à deux semaines – et de carburant pour relier l'Europe et l'Asie par rapport à la route classique via le canal de Suez. L'enjeu est aussi militaire.
De quoi aiguiser les appétits du président américain Donald Trump, qui clame haut et fort ses projets d'annexion de l'immense île arctique du Groenland. La semaine dernière, il a assuré que les Etats-Unis «obtiendront» le territoire autonome danois. La fin de la Guerre froide avait ouvert une ère de coopération entre les huit Etats riverains: Norvège, Danemark (via le territoire autonome du Groenland), Suède, Finlande, Russie, Etats-Unis, Canada, Islande.
Mais le Conseil de l'Arctique qui rassemble ces pays depuis 1996 a perdu sa capacité d'action, surtout depuis l'invasion russe en Ukraine en 2022.
Plus de 50% des côtes bordant l'Arctique sont russes et Moscou exploite la zone depuis des décennies. Selon une compilation de chiffres réalisée par ce chercheur, plus de 80% du gaz et 60% du pétrole russes sont aujourd'hui produits dans l'Arctique.Pour Max Bergmann, du cercle de réflexion américain CSIS, c'est bien la Russie qui représente la plus grande menace pour les Etats-Unis dans l'Arctique.
Mais l'expert ne cautionne pas pour autant l'expansionnisme de Donald Trump qu'il juge «inutile». Selon lui, «prendre le Groenland (...) surévalue la menace de sécurité nationale.»
«La seule raison de posséder le Groenland serait d'avoir un accès aux minéraux» comme les terres rares utilisées dans la transition énergétique et présentes en grande quantité sur l'île danoise, estime-t-il. Or, le président «a signé des décrets pour stopper la transition». Côté Union européenne, les visées de Trump sur le Groenland ne laissent pas indifférent. Plusieurs responsables européens s'en sont inquiété ces derniers jours
Pour ajouter aux crispations régionales, la Chine, un autre acteur majeur mais non-riverain de l'Arctique, parvient à avancer ses pions dans la région. «Les Russes n'ont plus d'autre choix que de collaborer avec la Chine (...) le premier acheteur, à long terme, de ressources de l'Arctique russe», analyse Mikaa Blugeon-Mered en évoquant les pertes commerciales de Moscou en Europe depuis le début de la guerre en Ukraine.
Cette montée en puissance de Pékin en Arctique est vue d'un mauvais oeil par Washington. En juillet, le Pentagone a mis en garde contre une coopération sino-russe renforcée dans la région. Pendant que la Russie renforçait sa présence militaire dans l'Arctique en rouvrant et en modernisant plusieurs bases et aérodromes abandonnés depuis la fin de l'ère soviétique, la Chine a injecté des fonds dans l'exploration et la recherche polaires.