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L'Arctique est au coeur d'une guerre internationale

Pourquoi Xi, Poutine et Trump se battent pour l'Arctique

La banquise fond et les convoitises sur l'Arctique explosent. Les Etats-Unis, les pays nordiques, la Russie mais aussi la Chine y sont engagés dans une compétition d'influence alors que se révèle le potentiel économique et la valeur stratégique de la région polaire.
02.02.2025, 12:0702.02.2025, 12:07
Emmanuel PARISSE / afp
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«L'Arctique dans son ensemble regorgerait de 25% (...) des réserves restant à découvrir d'hydrocarbures conventionnels» dans le monde, explique Mikaa Blugeon-Mered, chargé d'enseignement géopolitique à Sciences Po, en se référant à un rapport de l'Institut géologique américain (USGS).

Le réchauffement climatique entraîne une fonte rapide des glaces polaires dans l'Arctique qui stimule l'activité économique, dont le tourisme, malgré l'environnement inhospitalier. Selon l'observatoire Copernicus, l'Arctique européen est la région qui se réchauffe le plus au monde. Et les pays voisins cherchent à accéder au pétrole, au gaz, aux minerais dont regorgent les sous-sols, ainsi qu'aux vastes ressources halieutiques de la zone.

Quant au passage du Nord-Est, une voie maritime passant au large de la Sibérie rendue graduellement praticable en raison du réchauffement climatique, il promet un gain de temps – une à deux semaines – et de carburant pour relier l'Europe et l'Asie par rapport à la route classique via le canal de Suez. L'enjeu est aussi militaire.

«D'un point de vue géopolitique, la région est centrale. Pour les avions et les missiles, le chemin le plus court entre (...) la Russie et les Etats-Unis, c'est au-dessus de l'océan Arctique. C'est aussi une zone où il y a beaucoup de sous-marins qui patrouillent, où les Russes ont leurs plus grosses bases militaires.»
Njord Wegge, professeur à l'Académie militaire norvégienne.

«Ligne de fracture»

De quoi aiguiser les appétits du président américain Donald Trump, qui clame haut et fort ses projets d'annexion de l'immense île arctique du Groenland. La semaine dernière, il a assuré que les Etats-Unis «obtiendront» le territoire autonome danois. La fin de la Guerre froide avait ouvert une ère de coopération entre les huit Etats riverains: Norvège, Danemark (via le territoire autonome du Groenland), Suède, Finlande, Russie, Etats-Unis, Canada, Islande.

Mais le Conseil de l'Arctique qui rassemble ces pays depuis 1996 a perdu sa capacité d'action, surtout depuis l'invasion russe en Ukraine en 2022.

«La ligne de fracture est militaire puisqu'en Arctique, sur les huit pays de la région, sept font partie de l'Otan»
Mikaa Blugeon-Mered

Plus de 50% des côtes bordant l'Arctique sont russes et Moscou exploite la zone depuis des décennies. Selon une compilation de chiffres réalisée par ce chercheur, plus de 80% du gaz et 60% du pétrole russes sont aujourd'hui produits dans l'Arctique.Pour Max Bergmann, du cercle de réflexion américain CSIS, c'est bien la Russie qui représente la plus grande menace pour les Etats-Unis dans l'Arctique.

«La menace, c'est vraiment la militarisation continuelle de la Russie dans l'Arctique et notre manque de présence sur place»
Mikaa Blugeon-Mered

Mais l'expert ne cautionne pas pour autant l'expansionnisme de Donald Trump qu'il juge «inutile». Selon lui, «prendre le Groenland (...) surévalue la menace de sécurité nationale.»

«La seule raison de posséder le Groenland serait d'avoir un accès aux minéraux» comme les terres rares utilisées dans la transition énergétique et présentes en grande quantité sur l'île danoise, estime-t-il. Or, le président «a signé des décrets pour stopper la transition». Côté Union européenne, les visées de Trump sur le Groenland ne laissent pas indifférent. Plusieurs responsables européens s'en sont inquiété ces derniers jours

«Risque chinois»

Pour ajouter aux crispations régionales, la Chine, un autre acteur majeur mais non-riverain de l'Arctique, parvient à avancer ses pions dans la région. «Les Russes n'ont plus d'autre choix que de collaborer avec la Chine (...) le premier acheteur, à long terme, de ressources de l'Arctique russe», analyse Mikaa Blugeon-Mered en évoquant les pertes commerciales de Moscou en Europe depuis le début de la guerre en Ukraine.

«A mesure que les Russes donnent de la place à la Chine, la Chine pénètre de facto. Et pour les Américains, que ce soit les Républicains ou une bonne partie des élus démocrates, c'est perçu comme un risque»
Mikaa Blugeon-Mered

Cette montée en puissance de Pékin en Arctique est vue d'un mauvais oeil par Washington. En juillet, le Pentagone a mis en garde contre une coopération sino-russe renforcée dans la région. Pendant que la Russie renforçait sa présence militaire dans l'Arctique en rouvrant et en modernisant plusieurs bases et aérodromes abandonnés depuis la fin de l'ère soviétique, la Chine a injecté des fonds dans l'exploration et la recherche polaires.

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