Alvin Bragg est le 37e procureur de district élu à Manhattan. Il est présenté comme le «Fils de Harlem», l'un des ces gosses qui a vécu la guerre de la drogue et l'ultra-violence à la fin des années 1980. Il a lui-même été victime d'une agression en plein jour, un couteau pointé sous sa gorge par des adolescents, et a même vécu une arrestation musclée avec pistolet sur la tempe. Les policers le suspectaient d'avoir la drogue.
Sa chance a été d'évoluer dans un cadre familial dit sain. Une mère professeure de mathématiques et un père qui bosse pour New York Urban League, une association d’aide aux Noirs, écrit Le Monde.
Après une adolescence dans les quartiers chauds, il sort des rangs de l'Université de Harvard, après un cursus immaculé qui le verra empocher un master puis un doctorat de droit à la prestigieuse Harvard Law School.
En 2021, il a été le premier procureur afro-américain élu dans le district de Manhattan. Deux ans plus tard, l'homme est désormais inscrit dans les livres d'Histoire du pays de l'Oncle Sam.
En janvier 2022 déjà, Bragg avait pris ses fonctions en pleine enquête sur l'ancien président Donald Trump. Les procureurs de Manhattan ont accusé, cette année-là, l'entreprise de Trump – et son chef des finances de longue date – de fraude fiscale.
Le 3 janvier 2022, date de l'arrivée à son poste, Bragg pond un mémo à ses équipes pour revoir la politique pénale à Manhattan. Moins d’incarcérations, moins de prison préventive, moins de sentences longues. Il annonce qu'il n'y aura plus aucune poursuite concernant les infractions jugées mineures comme les refus d'obtempérer ou les résistances aux interpellations. Le magistrat considère aussi la prison comme un dernier recours.
Le diplômé d'Harvard préfère concentrer ses forces sur les cols blancs. Impossible de transiger avec Alvin Bragg. A travers sa politique contre les délits de l'élite new-yorkaise, le magistrat a supervisé des affaires sensibles telles que celles visant le producteur Harvey Weinstein ou encore les abus fiscaux de la Trump Foundation. Pour l'enfant d'Harlem, pas de passe-droit pour les puissants.
Mais le procureur ne fait pas l'unanimité. Le maire de New York, Eric Adams, l'avait dans le collimateur. La raison est liée à la politique très répressive du crime voulue par le maire de la mégalopole, qui se heurtait à la vision progressiste de la justice de Bragg.
Blâmé et bousculé, son entrée en lice a été compliquée. Ses trois premiers mois en tant que procureur du district de Manhattan n'ont pas été de tout repos. Si bien que deux procureurs, Carey R. Dunne et Mark F. Pomerantz, en charge de l'enquête sur l'ancien président ont démissionné avec fracas. Le dossier traitait de soupçons sur les valeurs artificiellement gonflées de son empire et comment il aurait fraudé le fisc. Alvin Bragg avait indiqué qu'il avait des doutes quant à la poursuite de l'enquête.
Malgré le tumulte, Bragg a, toutefois, fait condamner un cadre de Donald Trump ayant fraudé le fisc, tout comme la firme familiale Trump à 1,6 million de dollars d'amende. Des dossiers qualifiés de secondaires par la presse. Sans mettre en cause directement Trump, les accusations et les condamnations sont effectives. L'ancien président a d'ailleurs traité samedi dernier le procureur, à propos du cas Stormy Daniels, d'être «corrompu et très politisé».
Mais aujourd'hui, l'affaire des 130 000 dollars pour acheter le silence de la star de cinéma pour adulte est une aubaine pour faire tomber un autre puissant. Face à la frénésie médiatique, il lui faudra du sang froid face à un Donald Trump remonté à bloc.