La soirée est bien entamée, ce dimanche, lorsque les services de police et les pompiers de la petite ville d'Edgartown se lancent dans un laborieux porte-à-porte. Avec l'espoir, peut-être, d'obtenir des informations sur une étrange disparition.
Quelques heures plus tôt, à 19h46 précises, les recherches ont été déclenchées suite à un signalement inquiétant: un individu pratiquant du paddle sur le lac aurait brusquement sombré dans les eaux saumâtres d'Edgartown Great Pond, alors qu'il avait de la peine à se maintenir hors de l'eau.
L'homme n'est jamais remonté.
Peu avant 22 heures, les habitants de l'île de Martha's Vineyard sont informés de la disparition du paddler. Dans un communiqué, la police exhorte les résidents à se tenir à distance du lac et de ses environs, afin de permettre aux intervenants d'urgence de poursuivre les recherches.
Un climat inhabituel de peur règne sur l’île de l'Etat du Massachusetts, prisée des plaisanciers fortunés, des kayakistes et des paddleboarders. Sa promesse? Un voisinage paisible, un anonymat relatif, des côtes sauvages, autant de vignobles, d’étangs, de criques et de sublimes couchers de soleil. Ce dimanche justement, les conditions sont idéales. Le ciel est clair, l'air vif, il fait une petite vingtaine de degrés Celsius.
Parmi les plus célèbres vacanciers, séduits par les charmes de Martha's Vineyard: les présidents Bill Clinton et John F. Kennedy. Cependant, c'est un certain Barack Obama qui s'est offert, le premier, une propriété dans la région.
Un vaste terrain isolé de douze hectares sur la rive sud d'une valeur de 11,75 millions de dollars, avec vue sur la plage et l'océan. L'acquisition, en 2019, a fait les gros titres de la presse locale.
Les recherches du paddler disparu se prolongent toute la soirée. Police d'Etat, garde-côtes, diverses unités de pompiers et plongeurs sont mis à contribution pour ratisser les eaux et les berges de l'étang, d’une superficie de plusieurs centaines de mètres carrés. Toujours rien. Seul indice: une planche à pagaie et un chapeau, repêchés dans la soirée.
La quête ne reprendra que lundi matin, avec l'appui supplémentaire d'hélicoptères et de bateaux. Vers 10 heures du matin, les plongeurs de la police d'Etat détectent une présence sur les radars, à une trentaine de mètres du rivage et à une profondeur de 2,5 mètres sous la surface. Un cadavre.
Le corps est repêché et rapidement identifié: il s'agit de Tafari Campbell, 45 ans, chef de cuisine privé de la famille Obama.
Cuisinier talentueux né à Dumfries, en Virginie, le cuistot avait été embauché à la Maison-Blanche au temps de la présidence de George W. Bush. C'est toutefois sous l'ère Obama que le sous-chef a taillé sa renommée, notamment en brassant la fameuse «bière au miel de la Maison-Blanche» à base du nectar récolté dans les ruches de Michelle Obama.
Cuisinier créatif et talentueux à la personnalité chaleureuse, le jeune sous-chef fait si bonne impression à ses employeurs qu'au moment de quitter la Maison-Blanche, il rejoint l’équipe de quatre cuisiniers que les Obama décident d'embaucher pour leur personnel privé. «Nous avons demandé à Tafari de rester avec nous, et il a généreusement accepté», s'est épanchée la famille de l’ancien président, lundi après-midi, dans un communiqué. «Il fait partie de nos vies depuis, et nos cœurs sont brisés qu'il soit parti.»
Ce n'est pas la première fois que le chef cuisinier d'un président américain disparaît dans des circonstances tragiques. Comme le New York times juge bon de le rappeler, l'ancien chef exécutif sous les administrations Clinton et Bush, Walter Scheib, s'est noyé accidentellement en 2015, lors d'une randonnée à Taos.
La noyade de Tafari Campbell est d'autant plus dramatique que le cuisinier était également connu pour être un nageur accompli, au point de publier régulièrement des vidéos de ses prouesses aquatiques sur les réseaux sociaux.
Si la police d'Etat du Massachusetts enquête encore sur les circonstances précises de l'accident, elle a indiqué que Tafari était «en visite» sur l'île de Martha's Vineyard le jour de sa mort. Le 44e président des Etats-Unis et sa femme ne se trouvaient pas dans leur résidence.
Autant d'éléments «suspects» dont s'empare déjà l'extrême droite américaine, friande des théories du complot les plus fumeuses. Parmi les spéculations qui fleurissent sur les réseaux sociaux? Le chef Tafari Campbell aurait été purement et simplement «éliminé» pour empêcher la publication d'un prétendu «livre sur son expérience» à la Maison-Blanche, contenant «de nombreuses informations nuisibles à la réputation d'Obama».
D'autres se contentent de «simplement» souligner le nombre de collaborateurs dans l'orbite de l'ancien président, disparus dans des circonstances troublantes, depuis la fin de son mandat.
Certains, enfin, y décèlent une énième intervention de «l'Etat profond», contrôlé par d'abominables satanistes et pédophiles, dont feraient partie les Obama, les Clinton et la reine d'Angleterre. Et qui aurait coûté la vie à plusieurs de leurs cuistots.
Si le vengeance est un plat qui se mange froid, l'extrême droite américaine réchauffe manifestement sa paranoïa au micro-ondes.