Peut-on appeler cela une crise de la quarantaine? Joshua Pruitt, 40 ans tout rond, une bouille de mec pas commode et des muscles à faire défaillir n'importe quel passionné de fonte, a été condamné ce lundi à de la prison ferme. Les procureurs demandaient au moins cinq ans. Deux agents de la police de Washington avaient même exhorté le juge Timothy J. Kelly à infliger à Joshua Pruitt une peine sévère. Il passera finalement quatre ans et sept mois derrière des barreaux fédéraux.
Mais qu'a-t-il fait pour en arriver là? En juin dernier, notre homme a plaidé coupable pour (notamment) «obstruction à une procédure officielle». Comprenez: il a semé la peur au Capitole et a été filmé en train de rejoindre une foule partie à la chasse aux policiers et brisant une pancarte à l'intérieur du bâtiment. Oui, nous parlons bien du fameux 6 janvier 2021. Il faut dire que cette photographie, prise ce même 6 janvier à l'aube, laisse peu de place à l'interprétation.
Josh Pruitt a dit «regretter» l'assaut du Capitole. Il s'est même excusé publiquement pour ses actions. Au tribunal, mais aussi en direct sur CNN, au mois de juin. (Nous sommes aux Etats-Unis, que voulez-vous.)
Reste que le quadragénaire a bien enjambé les barrières de sécurité ce 6 janvier 2021, au lieu de mater l'attaque avec une Budweiser à la main. Il aurait même été à la base de l'un des retournements de situation les plus célèbres (et traumatisants) ce jour-là, en plein assaut. Souvenez-vous, lorsqu'un officier de police du Capitole tentait de faire évacuer le sénateur Chuck Schumer et qu'il a dû, soudain, tourner les talons et s'enfuir. Oui, le baraqué qui a fait détaler les autorités dans le couloir n'est autre que Joshua Pruitt.
#SeditionHunters - at the impeachment trial in 2021, we saw chilling footage of Sen. Chuck Schumer trying to evacuate and nearly running into invaders - he did a U-turn and fled. Now we know who he encountered: the hulking Proud Boy Joshua Pruitt, #BaldBulldog. 1/ pic.twitter.com/VSIwvxOWir
— capitolhunters (@capitolhunters) June 3, 2022
«Oui, je suis désolé. Que j'aie raison ou tort sur mes sentiments», avait-il aussi chuchoté à son avocat commis d'office. Mais de quels sentiments parle-t-il? D'un amour, particulier, que l'on rencontre encore régulièrement aux USA: l'homme porte Donald Trump très haut dans son estime. Au point d'en faire une victime lorsqu'on lui demande ce qu'il pense de l'élection de Joe Biden. «Je suis persuadé que l'élection a été volée à Trump. Et je continue à le dire dès que j'en ai l'occasion.» Selon son avocat, Robert Lee Jenkins Jr, ils auraient eu ensemble de nombreuses conversations à ce sujet et «Monsieur Pruitt reste fermement convaincu, il continue de défendre Donald Trump. On ne pourra rien faire contre ça.»
Avant d'entrer dans le Capitole et dans sa cellule, Josh Pruitt soulevait des plateaux de bières et des haltères. Comme un quotidien ordinaire d'un Américain «bodybuilder pas du tout politisé», selon ses proches. (Malgré quelques arrestations pour vols et divers actes de violence, tout de même.) Mais le garçon a surtout vu son existence basculer en croisant la route des fameux «Proud Boys».
Les «Proud Boys», un groupuscule originellement d'extrême droite, mais à l'ADN un peu foutraque, d'abord réputé pour sa hargne, notamment lors d'affrontements avec des manifestants anti-Trump (tiens donc) et des militants du mouvement Black Lives Matter. Des chauvins toujours en croisade et souvent en cuir. Josh Pruitt se serait «soudain» laissé séduire, «par une idéologie anti-gauche». Lui qui avait pourtant soutenu la candidature de Barack Obama à l'époque.
Une rencontre comme un coup de foudre. Nous sommes le 14 novembre 2020 et Josh participe à une marche pro-Trump «Make America Great Again» qui avait fait du boucan dans les rues de Washington. Les militants juraient avoir réuni plus d'un million d'amoureux de l'ancien président républicain.
Anne Speckhard, psychiatre de Georgetown, pointe, par l'intermédiaire du profil de Joshua, une époque où les citoyens les plus influençables sont en danger: «Josh est un homme intelligent, mais il ne comprend que le premier degré. Face à trop de désinformation, je ne pense pas qu'il puisse s'en sortir. Surtout si cette désinformation signifie qu'il devrait rejeter un groupe qui le fait enfin appartenir à une vraie famille.» Notons d'ailleurs que sa famille de sang ne l'a pas vraiment aidé à entrer sereinement dans la vie. Joshua a vu sa mère mourir d'une overdose d'héroïne lorsqu'il avait huit ans.
Et son intronisation par le grand manitou des fiers gaillards, le féroce Enrique Tarrio, était devenue virale ce 14 novembre 2020. Le lendemain de la balade à la gloire de Trump, Pruitt s'était réveillé avec un torrent de messages le qualifiant de suprémaciste blanc, sur Facebook.
Depuis l'assaut du Capitole, ce 6 janvier 2021, Pruitt est apparu sur plusieurs vidéos prouvant sa présence et son implication. Mais rares sont celles où des actes de violence crèvent l'écran.
Il pense toujours qu'il n'avait rien fait de bien grave. Si ce n'est suivre ses sentiments. Ceux que Trump utilise, encore aujourd'hui, pour motiver sa base électorale.
Reste que deux petits jours avant l'assaut, Joshua Pruitt avait posté un selfie, muscles nus, sur ses réseaux sociaux. Accompagné d'une légende préguerrière:
Sources:
- Washington Post
- CNN
- NBC News
- New York Times