Maintenant, c'est moi le boss. Ron De Santis ne l'a pas exprimé en ces termes. Mais le ton était donné, ce lundi 27 février, au moment de révoquer le statut spécial dont bénéficie le parc d'attractions Disneyworld dans l'Etat de Floride. Une victoire ô combien satisfaisante pour le gouverneur de Floride. Celui qui est présenté comme le principal adversaire républicain de Donald Trump pour la présidentielle 2024 mène depuis près d'un an une guerre acharnée contre «Woke Disney» - petit surnom dont il a affublé l'entreprise.
Aux origines du conflit? Un projet de loi porté par Ron DeSantis en personne. Lequel n'a strictement rien à voir avec les dessins animés.
Officiellement baptisée «Florida parental rights in education act» («Loi de Floride sur les droits parentaux en matière d'éducation»), officieusement surnommée «Don’t say gay act» («Ne dites pas gay») par les démocrates, cette législation interdit aux enseignants d’aborder la question de l’homosexualité et de l'identité de genre à l'école, avant l'âge de huit ans.
Jusque-là, Disney s'était soigneusement tenu à l'écart de tout débat politiquement (trop) sensible. Pour se montrer plus inclusive, l'entreprise américaine a toutefois procédé discrètement à une série de changements au cœur de son catalogue de films ou de ses parcs d'attractions. Celui d'Orlando, par exemple, a supprimé le message d'accueil «Mesdames et Messieurs, garçons et filles» de certains de ses feux d'artifice ou réorganisé certains manèges, parmi lesquels l'attraction Pirates des Caraïbes.
Mis sous pression, le directeur général, Bob Chapek, a pourtant été sommé de sortir de son silence et de prendre publiquement position contre la loi «Don't say gay». Il n'en fallait pas plus pour déclencher une guerre ouverte avec le gouverneur conservateur.
Sitôt sa loi promulguée en 2021, Ron De Santis s'attaque au statut spécial de Disney. «Je ne permettrai pas à une société woke basée en Californie de diriger notre Etat», clame le gouverneur l'an dernier. «Disney s'en tire avec des offres spéciales de l'Etat de Floride depuis trop longtemps.»
Il est vrai que le groupe bénéficie depuis plus d'un demi-siècle d'une désignation de «district fiscal spécial», statut particulier qui a permis au parc d'attractions de Floride de fonctionner comme un véritable petit Etat autonome.
Ce qui n'était encore qu'un vaste marais de 11 000 hectares au début des années 1960 a pu devenir, grâce à ce traitement de faveur, un gigantesque complexe comprenant 4 parcs à thème, 18 hôtels, un centre commercial en plein air, un complexe de basketball, de football, de volley, de crosse et de baseball ou encore une large flotte de bus.
Le complexe, qui attire pas moins de 50 millions de visiteurs par an, peut prélever des taxes, gérer ses propres services de protection contre les incendies, et même produire une partie de son électricité. Et, surtout, économiser des millions de dollars par an d'impôts.
La victoire n'est pas totale pour Ron DeSantis, qui a dû renoncer à la dissolution de ce régime spécial. La disparition du régime spécial, initialement programmée pour le 1er juin 2023 selon le New York times, aurait contraint les contribuables des comtés voisins d'Orange et d'Osceola à prendre en charge les gigantesques coûts d'entretien du parc de Disneyworld. Sans oublier de récupérer sa dette, estimée à quelque un milliard de dollars.
L'ambitieux gouverneur est toutefois parvenu à placer l'entreprise sous un niveau de contrôle sans précédent et à mettre la main sur son conseil d'administration.
Désormais, le district ne sera plus en mesure de nommer les cinq membres de son conseil d'administration. Ce pouvoir incombera désormais au gouverneur de Floride. Nous avons nommé: Ron DeSantis.
L'intéressé ne s'est pas privé de faire usage de ses nouveaux pouvoirs. Lundi, au moment de prendre le contrôle du conseil, il a annoncé les noms des cinq alliés politiques choisis pour remplacer les cadres de Disney.
Parmi eux, un généreux donateur républicain, Martin Garcia, mais aussi Bridget Ziegler, épouse du président du parti républicain de Floride et cofondatrice de Moms for liberty, ou encore Ron Peri, un républicain qui «débite régulièrement des bêtises sur le nationalisme chrétien et la décomposition des écoles locales», selon le Daily beast.
Un nouveau cadre avec lequel Jeff Vahle, actuel président de Walt Disney world resort, s'est dit «prêt à travailler». «Nous continuerons d'innover, d'inspirer et d'apporter de la joie aux millions d'invités qui viennent en Floride pour visiter Walt Disney world chaque année», poursuit sobrement dans le communiqué.
De la joie, les poulains de Ron DeSantis pourraient en éprouver très vite, à l'occasion de la première réunion du nouveau conseil d'administration lundi prochain. «Ils seront en charge (...). Alors, attachez votre ceinture», a promis Ron DeSantis.