La découverte des ossements du petit Emile, en mars 2024, avait apporté un premier élément de réponse. Mais de nombreuses questions demeurent encore à ce jour. La mort du jeune garçon est-elle accidentelle? S'est-il perdu tout seul dans la forêt? A-t-il été enlevé? Attaqué par des animaux?
Retour sur une sombre affaire qui, malgré des mois d'investigation dans le sud de la France, reste à ce jour une énigme.
Le matin du samedi 8 juillet 2023, Marie, la mère du petit blond aux yeux bruns, amène l’enfant à ses grands-parents dans le hameau du Haut-Vernet, à 1200 mètres d'altitude. La famille y possède une maison, achetée dans les années 2000. C’est une belle journée d’été, les jeunes oncles et tantes de l’enfant en profitent pour construire une cabane.
En fin d’après-midi, le garçonnet de deux ans et demi échappe à la vigilance de ses grands-parents, alors que son grand-père est en train de charger le coffre de la voiture de piquets pour clôturer un pré pour ses chevaux. Le petit Emile est aperçu une dernière fois vers 17 heures 15 par deux habitants du hameau, un adolescent et un sexagénaire, marchant seul sur un chemin en pente. Quelques minutes plus tard, il s'est volatilisé.
L'alerte est donnée à 18 heures 12, lorsque les grands-parents, après avoir cherché l’enfant en vain pendant trois quarts d’heure, préviennent la gendarmerie des Alpes-de-Haute-Provence. Dans le village, c’est le branle-bas de combat.
Un impressionnant dispositif de recherches est mis en place. Durant six jours, des centaines de gendarmes, de pompiers et de bénévoles ratissent la région. Dans de vieilles maisons en pierres, dans des pentes escarpées, dans les forêts environnantes…
Des chiens pisteurs sont aussi mobilisés, un hélicoptère survole la zone, des drones et des caméras thermiques tentent de déceler une présence. Un appel à témoins est lancé par le procureur; 1400 signalements sont effectués, mais ils ne donnent rien. Emile reste introuvable. Près d’une semaine après la disparition de l’enfant, afin d’endiguer «un éventuel tourisme de curiosité» et de permettre aux enquêteurs de travailler en paix, le maire du village prend un arrêté municipal interdisant l'accès du public au hameau.
Et le doute s’installe. Les enquêteurs peinent à comprendre comment un enfant aussi petit a pu disparaître en si peu de temps, et ce, sans laisser la moindre trace. Les lieux sont scrutés, retournés, analysés. Près de 100 hectares sont fouillés, faisant dire au journal Le Monde qu’il s’agit «sans doute l’une des plus importantes opérations de ratissage judiciaire jamais conduites». En vain.
Une disparition si soudaine et sans témoin direct est d’autant plus déroutante que le hameau, isolé en altitude, semble peu propice aux fugues accidentelles ou aux enlèvements en pleine journée.
Face à ce silence assourdissant, l'affaire prend une ampleur nationale. L'opinion publique se passionne pour cette disparition inexplicable, et la presse suit chaque développement de près. Pourtant, les jours passent et l'espoir de retrouver l'enfant en vie s'amenuise.
Dès les premiers jours, plusieurs pistes sont étudiées. L'hypothèse d'un accident semble plausible: un enfant si jeune aurait pu tomber dans un ravin, se perdre dans la forêt, ou se noyer dans un cours d'eau. Mais comment expliquer que les battues, menées avec une rigueur militaire, n’aient pas permis de déceler le moindre indice? Aucun vêtement, aucune chaussure, aucune trace de lutte. Rien.
L'hypothèse criminelle devient alors privilégiée. Un enlèvement paraît possible. Qui aurait pu agir si vite, sans être vu ni entendu, dans un hameau où chaque habitant connaît l’autre? Les gendarmes interrogent méthodiquement la quarantaine de résidents présents ce jour-là, épluchent leurs déplacements, recoupent leurs déclarations. Aucun suspect ne se dégage.
Les chiens pisteurs ajoutent au mystère: leurs traces s’arrêtent net sur le chemin où Emile a été aperçu pour la dernière fois. Ce détail trouble les enquêteurs. Une telle interruption pourrait signifier qu’il a été emporté à bord d’un véhicule. Mais là encore, aucun témoin ne rapporte avoir vu une voiture étrangère circuler à cette heure-là.
Les parents d’Emile, rapidement mis hors de cause, subissent un déferlement médiatique et des rumeurs incessantes. Leur entourage est scruté, leurs appels téléphoniques examinés, mais aucune preuve d’un quelconque acte malveillant ne vient étayer la thèse d’un crime familial.
Comme dans toutes les affaires criminelles non résolues, les rumeurs vont bon train. Certains accusent la famille, notamment le grand-père du petit garçon, dont le passé intrigue. D’autres insinuent que les gendarmes auraient négligé des indices. Sur les réseaux sociaux, des théories farfelues circulent, alimentant la confusion.
En septembre 2023, la destruction d’une dalle en béton sur la propriété des grands-parents relance les soupçons. Certains imaginent qu’Emile aurait pu y être enseveli. Mais les fouilles ne donnent rien.L’hypothèse de l’accident naturel persiste. Certains avancent même la possibilité qu’un aigle royal ait pu s’emparer du petit garçon, une théorie jugée peu probable… mais pas totalement impossible par des experts en faune sauvage.
La piste sectaire est elle aussi évoquée. La famille du garçonnet est proche de la mouvance catholique traditionaliste, et certains imaginent un enlèvement lié à cette appartenance. Rien ne vient cependant étayer cette hypothèse.
Les médias, quant à eux, oscillent entre prudence et sensationnalisme. Certains reportages alimentent les spéculations en évoquant des pistes non confirmées, renforçant la frustration de ceux qui espèrent encore une explication claire. Le hameau est encerclé par les caméras pendant des jours.
Le 28 mars 2024, une mise en situation est organisée afin de reconstituer, minute par minute, le moment où l’enfant échappe à la vigilance de ses grands-parents. Les voisins et les témoins visuels, soit 17 personnes, sont tous appelés par le parquet d’Aix-en-Provence à y prendre part.
Mais c’est deux jours plus tard, le 30 mars 2024, que l’affaire prend une tournure dramatique. Une randonneuse, Sadia, fait une découverte macabre: en se promenant sur un chemin qu’elle connaît bien, proche du hameau du Haut-Vernet, la femme tombe sur un crâne. Mais le temps se gâte, et la sexagénaire a peur que le vent emporte le crâne. Car elle est convaincue d’une chose: ces ossements appartiennent au petit garçon et elle ne peut se résoudre à les laisser là.
Avec précaution, la randonneuse décide d’emporter le petit crâne avec elle et retourne au village. Elle prévient immédiatement les gendarmes, qui confirment par des analyses ADN qu’il s’agit bien d’Emile.
Peu après, d’autres ossements ainsi que des vêtements appartenant au garçonnet sont retrouvés à proximité. Une question obsède alors les enquêteurs: comment ces restes ont-ils atterri là, dans une zone qui avait pourtant été fouillée à maintes reprises?
Les examens révèlent des traces de morsures animales, mais aucune lésion pré-mortem. Impossible donc de déterminer la cause du décès. Emile est-il mort sur place, ou ailleurs, avant d’être transporté dans cette zone? Si oui, comment? Et pourquoi n’avait-on rien trouvé plus tôt?
Ce samedi 8 février 2025, après des mois d’attente, la famille du petit Emile lui a enfin offert une sépulture. La famille du garçon souhaitait qu’il soit enterré au Haut-Vernet, mais il le sera finalement à La Bouilladisse, dans le caveau familial, à une trentaine de kilomètres de Marseille.
Car si la mairie du Vernet avait exceptionnellement autorisé une concession pour Emile, comme le raconte BFMTV, elle a refusé la création d’un caveau familial pour que ses parents puissent y être enterrés eux aussi. Toujours selon le média français, ce refus serait lié, en partie du moins, à la crainte d’un tourisme morbide. Ce que semblent confirmer certains habitants:
L’enquête, elle, est loin d’être terminée. Les analyses ADN sur les vêtements de l’enfant ont révélé la présence de deux traces inconnues. Elles ne correspondent à aucun membre de la famille, mais elles sont trop dégradées pour permettre une identification. Les enquêteurs poursuivent leurs investigations en explorant les moindres détails de l’affaire. Chaque élément, aussi infime soit-il, est analysé et recoupé dans l’espoir d’apporter une réponse définitive.
Pour l’heure, cette affaire de disparition, qui aura défrayé la chronique pendant de longs mois en France, mais aussi en dehors des frontières de l’Hexagone, demeure l’une des plus énigmatiques de ces dernières années.