La Cour suprême des Etats-Unis est la plus haute autorité judiciaire du pays. Son rôle consiste à statuer, en dernier recours, pour ou contre une décision prise au sein de l’un des cinquante Etats ou par l’Etat fédéral lui-même. Ses décisions permettent souvent de trancher dans les grands débats de société qui animent le pays.
Ce mercredi 1er décembre, elle se penchait sur une décision du Mississippi visant à restreindre le droit à l'avortement. La procureure générale de cet Etat conservateur, Lynn Fitch, a plaidé pour abroger le droit fédéral à l’avortement. Ce dernier avait été imposé à tout le pays, en 1973, à travers un arrêt de cette même Cour suprême, devenu aujourd'hui très célèbre: «Roe v. Wade». Elle semble avoir été entendue.
«Roe v. Wade» a réglementé la manière dont les Etats pouvaient intervenir dans les grossesses des Américaines. La Cour a créé un cadre pour équilibrer les intérêts de l'Etat avec le droit à la vie privée des femmes. Elle divise la grossesse en trois trimestres de douze semaines:
Dans les faits, «Roe v. Wade» a établi un droit constitutionnel à l'avortement et empêche les Etats d'interdire l'avortement avant la viabilité du fœtus, soit environ 23 semaines.
La loi adoptée par le Mississippi, en 2018, aimerait interdire la plupart des avortements à partir de la quinzième semaine de grossesse, soit pendant le deuxième trimestre, et ce, même dans les cas de viol ou d’inceste. C'est en cela qu'elle remet en question l'arrêt «Roe v. Wade».
A titre de comparaison, en Suisse, la décision d'avorter n'incombe qu'à la femme concernée pendant les douze premières semaines après la fin des dernières menstruations. Passé ce délai, un avis médical est nécessaire.
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C'est ce qu'il paraît. En effet, elle a signalé, mercredi, qu'elle était sur le point d'opérer un changement majeur dans sa jurisprudence sur l'avortement après avoir entendu pendant près de deux heures les arguments des avocats du Mississippi, d'un acteur de la santé actif dans l'avortement et de l'Administration du président Biden, rapporte le Washington Post.
Un constat partagé par l'autre grand quotidien américain, le New York Times. Le journal explique que les six juges conservateurs (la Cour en compte neuf en tout) sont néanmoins divisés sur la manière de traiter l'affaire.
Les six membres de la majorité conservatrice (ce sont eux qui vont donc décider de limiter l'avortement) se disputent sur la façon de s'y prendre:
Côté conservateur, en supposant que les trois membres les plus à droite de la Cour soient prêts à annuler complètement «Roe v. Wade», le juge en chef Roberts (plus modéré) devrait obtenir au moins deux voix pour faire passer son avis. Son option? Confirmer la loi du Mississippi sans annuler «Roe v. Wade». Mais les candidats les plus propices à s'allier à lui, les juges Brett M. Kavanaugh et Amy Coney Barrett, n'ont guère laissé entendre qu'ils étaient enclins à adopter cette approche pour l'instant.
Sans surprise, les trois membres libéraux de la Cour – les juges Stephen G. Breyer, Elena Kagan et Sonia Sotomayor – ont été catégoriques sur le maintien de «Roe v. Wade». Estimant notamment que la Cour n'avait pas à se déjuger.
Si l'arrêt «Roe v. Wade» est annulé, au moins 20 Etats rendront immédiatement ou rapidement illégaux presque tous les avortements. Cela obligerait les femmes qui peuvent se le permettre à parcourir de longues distances pour se rendre dans un Etat où l'acte est permis.
La vénérable institution va prendre son temps. Selon les observateurs avisés, elle devrait rendre son verdict à l'été 2022. Ce qui est certain, au vu de la majorité conservatrice, c'est que les Américaines verront leur droit à l'avortement limité. Reste à savoir à quel point.