Le docu Framing Britney Spears, réalisé sous la houlette du New York Times, ne cesse d’alimenter la polémique depuis sa diffusion sur les écrans américains, début février. Ce long-métrage d’un peu plus d’une heure, désormais disponible sur Amazon Prime Video, propose de décrypter la descente aux enfers de Britney Spears, pop star devenue cible internationale de quolibets, en quelques années et plusieurs milliers de manchettes de tabloïds à travers le monde.
De Britney Spears, pardi! Du pourquoi et du comment de sa retentissante dégringolade, qui a marqué les trentenaires que nous sommes.
Après avoir démarré une carrière florissante sur les chapeaux de roue dans les années 90, Britney Spears s'illustre par plusieurs pétages de plombs publics en règle – parfaitement compréhensibles en regard de la pression qu’elle subissait alors, sur fond de traque incessante des paparazzi.
En 2008, la jeune femme finit par être mise sous la tutelle de son père, Jamie Spears. La garde de ses deux fils lui est retirée du même coup et l'opinion publique, intransigeante, la crucifie juste après l'avoir encensée.
Quand elle reprend sa vie et sa carrière en main, quelques années plus tard, la chanteuse se rend compte que cela ne change en rien les dispositions légales qui font de son père le seul gestionnaire de sa fortune, et de tout le reste en fait...
Aujourd’hui, elle essaie de se battre contre cette décision de justice, à coups de recours. Avec le soutien de son nouveau boyfriend, Sam Ashgari, qui considère le paternel comme un gros con, comme il l'exprimait récemment sur Instagram:
Dans le même temps, les fans de Britney se sont constitués en une équipe d’enquêteurs qui épient ses moindres posts sur les réseaux sociaux, pour y débusquer des appels au secours. A eux, on ne la fait pas. Un mouvement «Free Britney» rassemble des jeunes, mais aussi d’autres stars, qui n’hésitent pas à manifester pour demander la libération de la jeune femme. Sans succès. C’est sur ces rassemblements que s’ouvre le film.
Si ce documentaire était sorti avant #metoo, il n’aurait pas eu le même impact. L’heure est à la traque de toute forme d’abus et de traitements sexistes (ce ne sont pas les dirigeants de la RTS qui nous diront le contraire). Il est temps de dénoncer les comportements persécutifs, qui ont pour conséquences de graves troubles de la personnalité. Et Britney Spears en est un parfait exemple. Nous assistons à un véritable renversement des réflexes paternalistes judéo-chrétiens. L’offensive ne fait certainement que commencer.
Le documentaire en lui-même veut tout d’abord nous démontrer qu’à la place de Britney, nous aussi on aurait pété les plombs. Il s’agit d’une jeune femme propulsée du jour au lendemain dans les salons des foyers américains, censée représenter le puritanisme et la candeur tout en remplissant le rôle d’objet sexuel qu’on lui a collé d’office. «Vous vous rendez compte que vous avez déçu beaucoup de gens?», lui demande Diane Sawyer, lorsque la chanteuse est suspectée d’avoir trompé son petit-ami ET d’avoir donc consommé avant le mariage.
Comme de nombreux enfants stars avant et après elle, Britney Spears était prise en otage d’un jeu dans lequel elle ne maîtrisait aucune règle et où toutes les réactions humaines qu’elle pouvait avoir se retournaient inévitablement contre elle. Jusqu’à sa mise sous tutelle et l’interdiction pour la jeune femme d’avoir la garde de ses deux fils, Sean Preston et Jayden James.
On lui a refusé jusqu'à la possibilité de découvrir qui elle était en en faisant la propriété du public et en lui niant le droit à la moindre imperfection.
Il est pour le moins étrange de voir le même show-business responsable de ces travers se mettre à basculer dans l’extrême inverse. En fait, on peut se demander si l’impulsion qui anime aujourd’hui les dénonciateurs n’est pas similaire à celle qu’ils dénoncent, en cela que les deux comportements relèvent, l’un comme l’autre, d’une mise en scène publique destinée à offrir à la foule hurlante la ration de scandales qu’elle demande. Un peu comme lors des jeux du cirque, dans la Rome antique. Peu importe le crime, pourvu qu’il y ait un condamné.
N’est-il pas un peu tard pour réaliser qu’on a traité ces jeunes starlettes comme des distributeurs de billets ambulants? Sacrifiant leur jeunesse et leur innocence sur l'autel de la gloire? Et surtout, s'agit-il d'une réelle prise de conscience, ou d'une nouvelle façon de surfer sur la vague? Ces éléments serviront-ils vraiment à modifier la rançon du succès et les comportements qu'elle déclenche?
Il semblerait plutôt que l'on s'attaque aux conséquences et non aux causes du problème, qui trouve sa source dans le traitement réservé à la Femme dans l'espace public. Tant qu'elle sera utilisée comme objet de convoitise sur les affiches publicitaires, ou lors des Salons de l'Auto, par exemple, tant qu'on attribuera une valeur, chiffrée ou non, à ses attributs physiques, on pourra difficilement modifier les règles du jeu.