L'avenue Montaigne, ses magasins de luxe, sa population huppée, ses grandes tables... La réputation du quartier niché dans le 8e arrondissement, à deux pas des Champs-Elysées, et qui fait le bonheur des fashionistas, n'est pas à refaire. Pourtant, depuis quelques jours, un restaurant renommé du coin est dans le collimateur des réseaux sociaux, et maintenant dans celui de la justice.
En effet, la diffusion d'une vidéo TikTok, dans laquelle des femmes noires se voient refuser l'entrée, fait enfler une polémique sur la toile. Vigile renvoyé, managers aux abois, on fait le point sur le MankoGate.
Une vidéo accusant de racisme le Manko, un restaurant parisien branché situé à l'avenue Montaigne, fait le buzz sur TikTok depuis une dizaine de jours.
La scène prend place le 16 juillet. Trois femmes de couleur se font refouler du très chic établissement parisien le Manko par la sécurité. Motif invoqué: une tenue non adaptée au standing du lieu. Dans la vidéo qui a trouvé un écho retentissant dans les médias français, on peut voir les trois malheureuses battre le pavé devant le club, alors qu'elles viennent de se faire recaler.
Le hic, comme on peut le voir sur les images, c'est que ces trois Canadiennes, spécialement venues de Montréal pour visiter la capitale, s'étaient mises sur leur 31 pour l'occasion, et étaient parées de robes, pantalons, chemises, talons, le tout saupoudré de paillettes. Pas vraiment la tenue du parfait campeur.
Que s'est-il donc passé? Pour l'auteure de la vidéo, qui a filmé son trio accablé, il s'agit d'un cas clair de discrimination en fonction de l'origine. Dans sa vidéo, elle note que les personnes blanches ne sont pas questionnées sur leur tenue. «C'est ma première expérience de racisme, ça existe vraiment», déplore la Canadienne sur son compte TikTok. «On ne porte pas de jeans pourtant! J'ai une réservation, c'est une blague», peut-on encore percevoir dans le brouhaha.
Depuis, les témoignages ne cessent d'affluer. Bryan explique pour sa part avoir été recalé par les videurs sous prétexte qu'il portait un jogging. Pourtant muni d'un double Graal - un pantalon classique et une réservation en bonne et due forme - , il convoque un manager pour tenter d'éclaircir la situation. Mais il ne recevra qu'un vague haussement d'épaules en guise de réponse.
«Dehors, devant le restau, il y n'avait que des personnes de ma couleur de peau. Il y avait même des filles bien habillées en tenues de soirée», souffle, abasourdi, le jeune homme, qui note qu'une «personne non racisée est même rentrée en claquettes».
Peiné par l'expérience, Bryan n'en veut pas au vigile. Mais il souhaite que l'établissement change sa façon de faire.
Les clients blancs sont entrés, les clients noirs sont restés à la porte. Ça s'est passé samedi 16 juillet, au restaurant le Manko, aventue Montaigne à Paris. Bryan, qui avait réservé, faisait partie des refoulés. Il nous raconte. pic.twitter.com/um3JGdv2h3
— Loopsider (@Loopsidernews) July 21, 2022
Sur Twitter, les déclarations incriminantes et les appels au boycott font florès.
Lundi, une enquête a été ouverte pour «discrimination fondée sur l'origine, l'ethnie ou la nationalité», nous informe le site de BFMTV.
Le Manko estime pour sa part qu'il s'agit d'un acte isolé, perpétré par un employé engagé par un intermédiaire, et qui ne refléterait en rien ses valeurs, ni sa ligne managériale. Saisissant son compte Instagram, l'établissement s'est fendu d'un message d'excuses le 22 juillet:
«Nous sommes un restaurant dont l'essence même est la diversité de ses collaborateurs, c'est ce qui fait notre force», a encore ajouté le club parisien pour prouver sa bonne foi.
Pour Damien, le vigile licencié, la situation est sérieuse: il reçoit des menaces de mort sur les réseaux. Face au badbuzz, il a donné sa version des faits lundi sur BFMTV.
Dans son témoignage, il pointe du doigt ses supérieurs et énonce clairement n'avoir fait que suivre la politique de l'établissement, laquelle, selon ses mots, consiste à filtrer la clientèle en fonction des origines. Et le restau-bar n'en serait pas à sa première accusation de racisme:
💬 "On m'a dit: 'Tu ne dois pas laisser entrer beaucoup d'Africains et de Maghrébins'"
— BFMTV (@BFMTV) July 25, 2022
Enquête pour racisme au restaurant "Le Manko": le videur se défend et évoque des "consignes de managers" pic.twitter.com/ZPkLDel3Ai
Tony Gomez, le Président du Manko, réfute toute accusation liant l'établissement à un quelconque profilage racial. «Quand j'ai appris ça, j'étais en furie», commente-t-il devant les caméras de BFMTV. Et d'évoquer les images de ses clientes remerciées à l'entrée: «J'ai dit, mais c'est quoi ces histoires? Elles sont belles comme le jour, elles sont élégantes, elles sont pétillantes, elles sont tout ce que j'aime», cherche à tempérer le gérant.
Pas sûr qu'une telle ligne de défense, au temps de réseaux sociaux et des réactions en chaîne, permette à la brasserie de redorer son blason de sitôt.