«Quand la terreur est montée les premiers jours, on a fait des barrages, comme les émeutiers, mais nous, c’était pour nous protéger.» Manon (prénom modifié) est une mère de famille de 56 ans originaire de Toulouse. Le 11 mai, elle a atterri en Nouvelle-Calédonie avec sa fille cadette âgée de 17 ans. Elle venait rendre visite à son aînée, 24 ans, en couple avec un Calédonien natif de l’archipel, dont l’un des arrière-grands-pères est kanak.
Deux jours après son arrivée, les émeutes, fomentées par des indépendantistes kanaks opposés au projet de dégel du corps électoral, éclataient. La mère et sa fille cadette avaient prévu de repartir le 22 mai. Elles sont toujours à Nouméa, bloquées dans la capitale. Jointe par téléphone, Manon raconte les jours et les nuits d’angoisse.
«J’avais loué un Airbnb au sud de Nouméa, dans le quartier touristique de la Baie des citrons, proche de la mer. Les émeutes ont éclaté le 13.»
Manon poursuit:
La Française est également tombée sur une épicerie asiatique restée ouverte. «Leurs propriétaires étaient terrorisés. Avec les réserves qu’ils avaient dans leur frigo, ils ont fait des nems.»
Manon a passé les jours suivants confinée avec ses deux filles. «Au sud de la capitale, c’était calme, comparé au nord. On avait de la chance.» L’ami de sa fille aînée, lui, était resté avec sa mère et son compagnon, ainsi que ses grands-parents, qui résident au nord, dans le quartier de Dumbéa, au cœur des émeutes:
Elle raconte:
Instauré le 15 mai, l’état d’urgence a été levé le 28.
«Mais il reste des barrages, affirme Manon. Certains qui ont avaient été nettoyés ont été réinstallés. A ce que je sais, beaucoup sont piégés par des bonbonnes de gaz. Les démanteler s’apparente à du déminage. Les gens, dans les rues, sont hagards, comme lessivés par ce qu’ils ont vécu. La Nouvelle-Calédonie, je parle de Nouméa et de ses environs, est en partie détruite.»
«L’essence et le gaz sont rationnés. Je n’ai pas fait le plein depuis que je suis arrivée. Je ne prends la voiture que pour les trajets essentiels. Des boulangeries ont rouvert, mais la quantité de pain qu’on peut acheter est limitée.» La mère de famille dort désormais un peu mieux:
La famille attend désormais de pouvoir rentrer en France.
La fille aînée de Manon et son compagnon devaient partir s’installer pour un temps indéterminé en Australie. Une expérience de vie tentée par beaucoup de jeunes dans cette vaste région du Pacifique Sud. Le projet sera probablement remis. Et la fille aînée rentrera peut-être à Toulouse avec sa mère et sa petite sœur. La location du Airbnb commence à peser lourd dans le budget de Manon, «responsable administrative et financière d’une grosse association».