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L'angoisse de Manon, bloquée à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie

FILE - Smoke rises during protests in Noumea, New Caledonia, on May 15, 2024. Global nickel prices have soared since deadly violence erupted in the French Pacific territory of New Caledonia. (AP Photo ...
Nouméa pendant les émeutes, 15 mai 2024.Image: AP

«Ils étaient terrorisés»: bloquée dans le chaos de Nouméa, elle raconte

Originaire de Toulouse, Manon était venue rendre visite à sa fille aînée en Nouvelle-Calédonie. Les émeutes indépendantistes ont éclaté sitôt après son arrivée. Elle raconte son quotidien depuis bientôt vingt jours.
30.05.2024, 06:0330.05.2024, 06:03
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«Quand la terreur est montée les premiers jours, on a fait des barrages, comme les émeutiers, mais nous, c’était pour nous protéger.» Manon (prénom modifié) est une mère de famille de 56 ans originaire de Toulouse. Le 11 mai, elle a atterri en Nouvelle-Calédonie avec sa fille cadette âgée de 17 ans. Elle venait rendre visite à son aînée, 24 ans, en couple avec un Calédonien natif de l’archipel, dont l’un des arrière-grands-pères est kanak.

Deux jours après son arrivée, les émeutes, fomentées par des indépendantistes kanaks opposés au projet de dégel du corps électoral, éclataient. La mère et sa fille cadette avaient prévu de repartir le 22 mai. Elles sont toujours à Nouméa, bloquées dans la capitale. Jointe par téléphone, Manon raconte les jours et les nuits d’angoisse.

«J’avais loué un Airbnb au sud de Nouméa, dans le quartier touristique de la Baie des citrons, proche de la mer. Les émeutes ont éclaté le 13.»

«A partir de là, les émeutiers, que j’appelle des combattants, ont mis le feu toutes les nuits à des dizaines d’infrastructures, écoles, pharmacies, entreprises, supermarchés, maisons, j’en passe. Les fumées venaient jusqu’à nous.»

Manon poursuit:

«Le lendemain de la première nuit d’émeutes, on est sorti, il était 7h30, la ville était vide. Tout était fermé. On tournait avec la voiture à la recherche d’un commerce. On a fini par trouver un petit Auchan ouvert. On a fait deux heures de queue et des réserves pour trois ou quatre jours, des laitages, des surgelés de canard, du jus de fruit, du riz.»

La Française est également tombée sur une épicerie asiatique restée ouverte. «Leurs propriétaires étaient terrorisés. Avec les réserves qu’ils avaient dans leur frigo, ils ont fait des nems.»

Manon a passé les jours suivants confinée avec ses deux filles. «Au sud de la capitale, c’était calme, comparé au nord. On avait de la chance.» L’ami de sa fille aînée, lui, était resté avec sa mère et son compagnon, ainsi que ses grands-parents, qui résident au nord, dans le quartier de Dumbéa, au cœur des émeutes:

«Ils étaient prêts à se défendre et à en découdre»
Manon

Elle raconte:

«Les forces de l’ordre passaient nous dire de ne pas faire la police nous-mêmes. Ici, au sud de Nouméa, je n’ai pas vu de civils en armes, mais il y en avait ailleurs. Les gens qui se sont constitués en groupes de défense face aux émeutiers n’ont pas apprécié d’être traité de milices par les autorités.»
Manon

Instauré le 15 mai, l’état d’urgence a été levé le 28.

«Mais il reste des barrages, affirme Manon. Certains qui ont avaient été nettoyés ont été réinstallés. A ce que je sais, beaucoup sont piégés par des bonbonnes de gaz. Les démanteler s’apparente à du déminage. Les gens, dans les rues, sont hagards, comme lessivés par ce qu’ils ont vécu. La Nouvelle-Calédonie, je parle de Nouméa et de ses environs, est en partie détruite.»

«L’essence et le gaz sont rationnés. Je n’ai pas fait le plein depuis que je suis arrivée. Je ne prends la voiture que pour les trajets essentiels. Des boulangeries ont rouvert, mais la quantité de pain qu’on peut acheter est limitée.» La mère de famille dort désormais un peu mieux:

«Pendant les émeutes, je me réveillais toujours vers 3 heures du matin, de crainte qu’il n’arrive quelque chose en pleine nuit»
Manon

La famille attend désormais de pouvoir rentrer en France.

«L’aéroport international de Nouméa reste fermé jusqu’au 2 juin. On est sur liste d’attente. On nous préviendra le moment venu. Des touristes australiens et néo-zélandais ont été rapatriés en décollant d’un plus petit aéroport, celui de Nouméa-Magenta.»

La fille aînée de Manon et son compagnon devaient partir s’installer pour un temps indéterminé en Australie. Une expérience de vie tentée par beaucoup de jeunes dans cette vaste région du Pacifique Sud. Le projet sera probablement remis. Et la fille aînée rentrera peut-être à Toulouse avec sa mère et sa petite sœur. La location du Airbnb commence à peser lourd dans le budget de Manon, «responsable administrative et financière d’une grosse association».

«Mon compagnon, resté à Toulouse, garde le chien et le chat. Il se fait du souci et s'impatiente de nous voir revenir. C’est pour ceux qui restent, que c’est terrible»
Manon
Chaos en Nouvelle-Calédonie
Video: watson
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