«Ça a été d’une violence, papa.» Une jeune femme résidant dans Nouméa attaquée par des émeutiers indépendantistes écrit à son père rentré en France depuis un peu plus d’un an et que watson a joint.
Elle ajoute:
La nouvelle est tombée ce mercredi à 14 heures, heure suisse: Emmanuel Macron décrète l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie. Quatre personnes, dont un gendarme, sont mortes depuis le début des violences, lundi.
L’acte déclencheur est le projet de réforme constitutionnelle visant à élargir le corps électoral propre au scrutin provincial de Nouvelle-Calédonie, voté par l’Assemblée nationale dans la nuit de lundi à mardi. Ce projet prévoit d’ouvrir le corps électoral à tous les natifs et aux personnes ayant au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Les indépendantistes kanaks n’en veulent pas, craignant d’être minorisés.
Une autre résidente décrit la situation à notre contact:
La liste des biens incendiés dans la nuit de mardi à mercredi à Nouméa est impressionnante: des concessionnaires automobiles (Renault, Mazda, Audi), des supermarchés, des bureaux, une clinique vétérinaire, une pharmacie, des stations-services, des fast-food, des administrations, une église, des écoles primaires et maternelles. En tout, une centaine de biens ont été attaqués et pour certains totalement détruits. Les habitants barricadés chez eux redoutent que les émeutiers s’en prennent aux personnes.
Notre contact raconte:
A 14h30, l’armée est entrée en action. «C’est le début de la reprise de l’ordre», commente notre interlocuteur. Mais il ajoute aussitôt: «L’envoi de gendarmes mobiles (réd: une force militaire spécialisée dans le maintien de l'ordre public) ne suffira pas. Il faudra sans doute faire appel à l'armée proprement dite et envoyer un bâtiment de la marine nationale. Les émeutiers sont allés trop loin dans la mise en danger des résidents.»
Notre contact connaît la Nouvelle-Calédonie pour y avoir vécu pendant plusieurs années. Il y a trois ans, son lieu de travail a été attaqué par des indépendantistes, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre.
L’île est divisée en trois provinces. La province Nord est une zone indépendantiste. C’est de là que viendraient les émeutiers. La province Sud est habitée par les Caldoches, des Kanaks, des Wallisiens, des Vietnamiens et les non-natifs, appelés les «zoreilles». Les Iles loyautés forment la troisième province. Les deux routes reliant les provinces Nord et Sud auraient été bouclées par l'armée.
Selon notre contact:
Ce qu’il s’y passe actuellement est à replacer dans le contexte des accords de Matignon, signés en 1988 à Paris et qui mettaient fin à une flambée indépendantiste durement réprimée. Ces accords, paraphés par les Caldoches (loyalistes) et les Kanaks (indépendantistes), les parties opposées sur le devenir de l'île, prévoyaient un processus électoral en trois actes, trois référendums qui pouvaient mener au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France comme à son indépendance.
Le processus est allé à son terme, ancrant l’île à la France, mais en décembre 2021, lors du troisième référendum, sentant qu’ils pourraient ne pas le gagner, les indépendantistes se sont abstenus de voter et n’ont pas reconnu le résultat: le «non» à l’indépendance l’a emporté avec 96,50% des voix.
La Nouvelle-Calédonie, 270 000 habitants, dont 90 000 à Nouméa, est économiquement dépendante de ses mines de nickel. La holding suisse Glencore s'est retirée il y a près de trois mois de la mine qu'elle exploitait dans la province Nord et qui est depuis à l'arrêt. Les émeutes, où la jeunesse kanak semble jouer un rôle prépondérant, pourraient être en partie motivées par des raisons économiques. Les cours du nickel ont fortement baissé ces derniers temps. Quant à la Nouvelle-Calédonie, elle constitue pour la France une base stratégique de première importance, qui lui permet d'être présente dans le Pacifique Sud, une région convoitée notamment par la Chine.