Parler de l'évolution de la langue française, c'est comme affirmer qu'on dit «le» ou «la» Nutella: c'est un débat hautement sensible, qui risque à tout moment de s'enflammer.
Tout récemment, c'est la contraction de trois petites lettres qui fait l'objet de toutes les controverses. Elle vient de faire son entrée dans Le Robert – LA référence en matière d'orthographe. Ce mot qui fâche, c'est «iel».
Si ce pronom ne vous dit rien, voici la définition:
Apparu au début des années 2020 sur les réseaux sociaux, le terme est utilisé pour qualifier les personnes non-binaires, autrement dit qui ne se retrouvent ni dans le genre masculin ni dans le genre féminin.
Si sa reconnaissance par une instance officielle a suscité des réactions positives auprès des jeunes internautes, d'autres ne l'ont pas vu d'un si bon œil..., voire sont carrément montés au front.
#Iel : il faut boycotter le Petit Robert et se tourner vers d’autres dictionnaires qui, eux, respectent la langue française !
— Florian Philippot (@f_philippot) November 17, 2021
Il faut en outre interdire au plus vite l’affreuse écriture inclusive !
c'est quand même amusant de voir les mecs s'évanouir pour un mot de 3 lettres dans le dico pic.twitter.com/vPZjN8nnXh
— Babou Lou (@babou_lou) November 17, 2021
Voilà. Très bien. 👍 Maintenant que les affaires courantes sont classées, est-ce que le gvt pourrait maintenant s'occuper des 10 millions de pauvres, du délabrement des services publics, du pouvoir d'achat, des atteintes aux droits et libertés, de l'environnement etc ?
— Koitesse 🍓🐙 (@koitesse1) November 17, 2021
🔴 Brigitte #Macron: "Il y a deux pronoms : il et elle (...) La langue est si belle et deux pronoms c'est bien." #iel #PetitRobert
— Guillaume Daret (@GuillaumeDaret) November 18, 2021
DERNIERE MINUTE : Les locaux du Petit Robert encerclés par les forces de l'ordre, la rédaction refuse toujours de revenir sur l'introduction de "iel" dans son dictionnaire, Gérald Darmanin annonce se rendre sur place.
— Le Gorafi (@le_gorafi) November 16, 2021
Dans le camp des farouches opposants, on compte le député François Jolivet, révolté au point d'interpeller mardi l'Académie française. Il fustige une «intrusion idéologique manifeste qui porte atteinte à notre langue commune et à son rayonnement».
Le député a été soutenu par le ministre de l'éducation Jean-Michel Blanquer sur Twitter:
Je soutiens évidemment la protestation de @FJolivet36 vis-à-vis du #PetitRobert
— Jean-Michel Blanquer (@jmblanquer) November 16, 2021
L’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française.
Alors même que nos élèves sont justement en train de consolider leurs savoirs fondamentaux, ils ne sauraient avoir cela pour référence: https://t.co/09thJzQ7iN
Le directeur général des éditions du prestigieux dictionnaire, Charles Bimbenet, lui a donné la réplique dans un communiqué publié mercredi.
Se défendant de tout militantisme, Bimbenet confirme l’ajout il y a «quelques semaines» du mot «iel». Il précise que l’usage de ce mot est «encore relativement faible», mais que depuis quelques mois, les documentalistes du Robert ont constaté qu’il était «de plus en plus utilisé». Il conclut:
Cette justification n'a pas refroidi le ministre de l'Education dans sa croisade contre le soi-disant courant woke.
Jean-Michel Blanquer a confirmé cette semaine au journal Le Point le lancement d’un plan européen pour la promotion de l’enseignement du latin et du grec. Il faut dire que les langues anciennes sont l'une des cibles privilégiées du mouvement. En juin dernier, la prestigieuse université américaine de Princeton a annoncé qu’elles ne seraient plus obligatoires pour les élèves en Lettres classiques, considérant que la culture antique reposait sur l'esclavagisme et le racisme.
Pour sa part, Le Robert ne s'estime pas encore atteint de «wokisme» aigu – un mot dont il promet d'ailleurs prochainement la définition. On se réjouit de voir les débats enflammés que cela va provoquer. Alea jacta est!