Les étincelles qui font et provoquent des guerres. Le documentaire Un Président, l'Europe et la guerre nous montre Emmanuel Macron, qui marche sur des œufs en se rendant au Kremlin, pour échanger avec Vladimir Poutine au sujet de l'Ukraine. Alors que Guy Lagache, le présentateur, voulait rendre accessible l'Union européenne (UE) aux téléspectateurs de France 2, c'est un tout autre chemin qu'il va emprunter: le spectre mortifère de la guerre.
Lagache a commencé à filmer le 4 janvier, mais c'est surtout ce 7 février qui va lancer les hostilités du documentaire: l'entrevue entre Macron et Poutine, de plus de cinq heures, assis à plusieurs mètres l'un de l'autre à la même table, qui s’entretiendront à huis clos.
Et le lendemain, la caméra de Lagache va atterrir dans une autre rencontre au sommet: entre Volodymyr Zelensky et le président français. Les deux cellules diplomatiques sont à pied d'œuvre pour la signature de plusieurs contrats industriels, surtout celui d'Alstom, valant plus d'un milliard. Mais le contrat a planté. «Les Ukrainiens disent que c'est Alstom, Alstom dit que c'est les Ukrainiens», entend-on des proches du président. «Un contrat d'une grosse valeur politique, le renouvellement de tout le réseau ferroviaire ukrainien», renchérit Emmanuel Bonne, le chef du pôle diplomatique.
L'urgence est au menu et la cellule diplomatique adresse une note d'urgence. Le contrat est signé dans la foulée. Tout est bien qui finit bien. Mais l'autre sujet brûlant arrive: l'ennemi russe qui se presse à la frontière.
Il est question de la mise en place des accords de Minsk. Poutine dit que Zelensky ne fait rien pour arranger la situation. Le problème est la place des séparatistes et la lecture biaisée de Poutine concernant les accords de Minsk. C'est là que Macron assène ce fameux: «Je ne sais pas où ton juriste a appris le droit». Mais le tsar n'en démord pas, le problème persistant du gouvernement qui «n'a pas été démocratiquement élu», irrite le chef du Kremlin.
Poutine loue cette relation qu'il entretient avec Macron, basée sur la confiance. La poigne du président de la République est d'ailleurs assez impressionnante. Les différentes discussions entre les chefs d'Etat sont nombreuses: de Mario Draghi à Olaf Scholz en passant par Boris Johnson, c'est un véritable ballet politique.
L'immersion s'intensifie six heures avant la guerre. L'appel téléphonique de Zelensky, qui avoue une première crainte de l'invasion russe. On entend Macron confirmer les premiers envois de matériel militaire français. Mais le président ukrainien se montre rassurant, alors que l'agression se prépare.
Et les premiers combats aux frontières débutent, les premiers faciès sont amers, dépités; les mines sont défaites quand Poutine met à exécution ses menaces. «Ils ont mis les écoutilles au Kremlin, quel courage. Ils ont le culot de faire la guerre, mais pas le courage de parler», déplore Bonne, l'une des pierres angulaires du documentaire.
Un affront à la démocratie, un rappel des fantômes du passé de la Seconde Guerre mondiale, comme l'écrit Alice Rufo, cheffe adjointe du pôle diplomatique, pour l'allocution télévisée du président français. La caméra de Guy Lagache bascule vers un nouvel entretien avec son homologue ukrainien, qui lui explique que les Russes ont envoyé des forces spéciales partout en Ukraine, depuis la Biélorussie.
Les nombreuses menaces du président russe architecturent les positions de garde rapprochée de Macron. Emmanuel Bonne répond à Guy Lagache, à la question de la menace nucléaire brandie par Poutine: «Nous sommes aussi une puissance nucléaire, capable de riposter. C'est le grand jeu, maintenant».
La peur d'une catastrophe nucléaire, d'un nouveau Tchernobyl en somme. C'est surtout les réponses de Zelensky qui vont souvent couvrir ce documentaire ultra-immersif. «Les Russes sont tellement cyniques qu'ils pillent nos magasins.» Des paroles de détresse qui se greffent à cette demande incessante du président ukrainien, de laisser son pays intégrer l'UE.
Il y aura plusieurs réunions au sommet pour clarifier l'adhésion de l'Ukraine - en huis clos et malheureusement non filmées. La caméra se tourne une nouvelle fois vers Emmanuel Bonne qui pose un constat sur la réticence des Vingt-Sept:
Macron parle d'étapes franchies, sur le plan moral et politique. Lagache demande à Macron pourquoi il persiste à garder la discussion ouverte avec Poutine.
Et d'enchaîner: «Je suis inquiet», dit-il avec le regard vide, «mais nous saurons le faire. L'Europe ne peut pas s'effriter. On n'a pas le droit. Elle (réd: l'UE) en ressortira plus forte», avant que le film ne close sur ces notes teintées d'espérance.
Il aura fallu 6 mois, à être 7 jours sur 7 au sein de la cellule diplomatique. Guy Lagache s'est exprimé dans Le Figaro, expliquant qu'il n'a pas eu «open-bar». Il a également proposé un visionnage pour ne pas révéler «des informations secret-défense et classifiées».
L'Elysée, réputé quasi impénétrable, l'a été le temps d'un documentaire.