Personne n'avait besoin de voir Mathilde Panot dans les égouts. Pas même Elizabeth Borne, pourtant la cible favorite de la patronne du groupe LFI à l'Assemblée nationale. Quant à l'égoutier en chef, chargé d'escorter Madame la députée entre les étrons des Français, pas sûr non plus qu'il en ait rêvé la nuit.
Macron, à la rigueur, c'eût été croquignolet de le voir crapahuter dans les intestins de la République. Son costard impec, sa mèche qui frôle une crotte, son air d'avoir toujours envie de lever l'auriculaire à chaque fois qu'il empoigne une tasse.
Mais, non, personne n'avait besoin de voir Mathilde Panot dans les égouts. Juré, craché.
Les Français qui triment, peut-être? Non plus. Enfin, c'est précisément l'excuse qu'elle brandit pour avoir cédé à la tentation de se mettre en scène devant des caméras. (Saleté d'époque.) Nous voilà donc aux prises avec Mathilde dans les égouts, Mathilde dans les poubelles, Mathilde dans un bus de la RATP.
Pourquoi diantre? «Parce qu'il faut savoir de quoi on parle», nous assène-t-elle sur son compte Twitter, fière comme un pilier de bar à son deuxième verre de Ricard, rotant gras sur le président hors-sol. Vous aurez évidemment compris son message sans les sous-titres, tant le cliché du bourgeois qui se frotte à la suie du gueux est un fantasme que même YouPorn considère comme démodé.
Dans cette bande-annonce d'une petite, mais pénible minute, on assiste aux gesticulations gaffeuses d'une élue de la nation, tutoyant du bout des doigts et sous de grands sourires malvenus, ce que bon nombre de travailleurs français n'ont pas souvent l'opportunité de fuir.
Ici, on subit Mathilde Panot qui enfile des frocs d'éboueuse. Là, on l'entend pouffer à l'idée de «voir comment c'est» les égouts. Le suspens est aussi lourd que le container qu'elle trimballe en prenant soin de ne pas saloper ses boucles d'oreille et le champ de la caméra. Sans oublier la musique de péplum made in France, qui nous ferait presque excuser l'existence du dernier Astérix.
Dire que c'est gênant pourrait passer pour un compliment, tellement cette minute semble en mesure d'avaler tout rond l'amour-propre de la députée. Au moins, quand TF1 ou M6 s'engouffrent dans ces toboggans populistes, c'est pour atterrir dans un tas de pognon et flatter les courbes d'audience. Sans s'embarrasser d'une quelconque morale qu'on n'ose même plus enseigner en stage de syndicalisme.
Alors, non. Non, non, non, non. Personne n'avait besoin de voir Mathilde Panot dans les égouts. Pas même les sympathisants d'extrême gauche ou les farouches opposants à la réforme des retraites. Encore moins ceux qui nettoient la merde des autres tous les jours. Qui d'ailleurs, magie du narcissisme contemporain, passent totalement au second plan.
A moins que... si, attendez, il y a bien quelqu'un qui en crevait d'envie. Mathilde Panot elle-même.
C'est d'ailleurs la seule chose d'à peu près touchante de cette insulte aux forces vives du pays. A la voir ainsi, condescendante de naïveté, s'émerveiller de la pénibilité de métiers qu'elle n'effleure que pour recevoir un peu d'attention, ça nous rappelle nos six premières années d'existence, quand on allait appuyer sur tous les boutons au travail de papa.
Coup de bol, il était cambiste.