Femmes noires contraintes de lisser leurs cheveux, moqueries contre les roux ou encore les blonds: l'Assemblée nationale en France a voté jeudi une proposition de loi contre la «discrimination capillaire», malgré des réserves sur l'utilité d'une telle initiative.
Le texte du député de l'île de Guadeloupe Olivier Serva (groupe indépendant) a été largement adopté en première lecture, par 44 voix contre 2, avant d'être transmis au Sénat où l'accueil que lui réservera la majorité de droite et du centre est incertain.
«En France, la discrimination reposant sur l'apparence physique est déjà punie en théorie», a convenu le député Serva. «Mais de la théorie à la réalité, il y a un gouffre», a-t-il souligné, en plaidant pour «clarifier» une «loi mal comprise ou mal appréhendée»
Olivier Serva a évoqué «les femmes noires qui se sentent obligées de se lisser les cheveux» avant un entretien d'embauche, «les personnes rousses, victimes de nombreux préjugés négatifs», ou les «hommes chauves».
Sa proposition précise la loi en ajoutant textuellement la discrimination capillaire à la liste des discriminations passibles de sanctions pénales. Avec l'objectif d'empêcher des employeurs de contraindre leurs salariés à lisser leurs coupes afro ou à cacher leurs tresses et dreadlocks.
Portant un «regard bienveillant» sur ce texte, le gouvernement s'en est remis à «la sagesse» des députés. Il a «le mérite de mettre en lumière ce type de discriminations», même si la loi permet «déjà de lutter» contre elles, a relevé la ministre française chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, Aurore Bergé.
La gauche a soutenu ce texte face à un problème «réel, sérieux et politique», qui touche «principalement les personnes racisées», a souligné Danièle Obono, députée de la gauche radicale, en dénonçant tout comme l'écologiste Sabrina Sebaihi un «racisme systémique».
Ce dernier terme a hérissé la droite. Dans le tumulte, le député Xavier Breton a fustigé une «idéologie militante», des «propos qui ne visent qu'à fracturer notre société». Il a combattu la proposition de loi, «du droit bavard», «une fuite en avant» vers une «liste de discriminations» au risque d'établir «une hiérarchie».
Si le phénomène de la discrimination capillaire est difficile à quantifier, certains cas médiatisés ont marqué les esprits, comme celui de l'ancienne porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye dont la coupe afro avait entraîné de nombreux commentaires acerbes dès sa prise de fonction en avril 2019.
Audrey Pulvar, adjointe à la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, ou dernièrement Eve Gilles, Miss France 2024, ont également dû affronter critiques et moqueries. (ats/jch)