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Flottille Gaza: Italie et Espagne «savent qu'il y a un problème»

Dr Hicham El Ghaoui témoigne de l'organisation de la flottille internationale qui se dirige vers Gaza
Dr Hicham El Ghaoui raconte l'organisation de la flottille internationale qui se dirige vers GazaImage: AFP

«On ne veut pas provoquer une action militaire entre Espagne, Italie et Israël»

Le Dr Hicham El Ghaoui devait embarquer sur la Global Sumud flotilla en direction de Gaza et il est de retour en Suisse. Entre retard, lenteur administrative et attaques de drones, il nous raconte les préparatifs des bateaux en Italie, en Grèce et en Tunisie.
27.09.2025, 07:0227.09.2025, 07:02

Dr El Ghaoui, à la suite de notre dernière conversation, vous vous apprêtiez à vous rendre en Sicile pour embarquer sur un des bateaux de la flottille, pourquoi n'êtes-vous par en mer?
C'est une longue histoire, mais j'ai dû revenir pour des raisons familiales. Je ne cacherai pas que j'avais prévu, dans la mesure du possible, un déplacement d'un mois et les départs repoussés des différentes flottilles, que cela soit dû aux conditions météo ou aux attaques de drones en Tunisie par exemple, ont fortement ralenti les navires. Je devais embarquer en Italie, mais j'ai préféré céder ma place à quelqu'un d'autre et partir pour la Grèce en vue de préparer le départ d'un autre bateau.

«L'objectif était de naviguer ensemble, nous devions donc attendre les autres bateaux»

Je m'étais donné jusqu'au 20 septembre pour partir de la Grèce et cela n'a pas été le cas. J'ai donc décidé d'honorer mes obligations familiales et de rentrer en Suisse m'occuper de mes enfants.

Vous n'abandonnez pas le projet?
Pas du tout. Mon travail ne s'arrête pas à mon retour en Suisse. J'ai des responsabilités concernant la flottille suisse et je suis en contact avec l'organisation au niveau international et les équipages en mer.

Vous êtes allé en Italie, puis en Grèce, dans quelles conditions avez-vous préparé les départs depuis ces deux pays?
En Italie les préparatifs se sont très bien passés. Les bateaux que nous avions achetés nous attendaient au port, les équipes italiennes de la flottille étaient en train d'installer les caméras de surveillance à bord ainsi que les chargements et nous n'avions eu aucun problème concernant les papiers administratifs. Notre départ s'est fait sans souci. Par contre, en Grèce, c'était une autre affaire. Nous devions affréter six bateaux et nous avons eu beaucoup de problèmes administratifs. On demandait constamment aux équipes de fournir de nouveaux papiers.

«Je pense qu'il y avait une volonté de la part des autorités grecques de ralentir notre départ»

Nous avons compris que nous n'étions pas les bienvenus. Mais ces conditions de préparations n'étaient rien comparées à la Tunisie où nous avons subi des sabotages.

Justement, la flottille a déclaré avoir été attaquée par des drones en Tunisie et les autorités ont démenti, comment réagissez-vous à ces déclarations?
Je vous confirme que nous avons subi de gros sabotages en Tunisie et c'est principalement ce qui nous a retardés. Nous avons des vidéos de nos caméras de surveillance et vous pouvez en déduire que c'est n'est pas un incendie de gilet de sauvetage comme cela a été communiqué par la Tunisie, mais bel est bien un engin explosif qui est ‹tombé› sur le pont. Nous n'avons aucun doute que ces attaques de drones sur nos bateaux amarrés au port de Sidi Bou Said constituaient des tentatives de dissuasion de la part d'Israël.

«Le gouvernement tunisien a nié les attaques en prétextant que c'était accidentel»

Quand vous avez des drones qui survolent votre espace aérien national et attaquent des bateaux amarrés à l'un de vos ports, vous ne pouvez pas rester silencieux. Je pense que la diplomatie tunisienne a fait preuve de faiblesse face à ces attaques, elle aurait dû s'affirmer et soutenir notre mouvement humanitaire. Je rappelle que la flottille a été bloquée en Tunisie plus d'une dizaine de jours.

Pensez-vous que le choix de faire partir des flottilles de Tunisie n'était pas opportun?
Ce qui explique ce choix, c'est essentiellement la volonté de faire participer des personnes qui ne sont pas européennes et qui viennent des pays du Sud. Il y a une grande solidarité des pays du Maghreb envers le peuple palestinien, mais les citoyens ne peuvent pas faire valoir leur droit à manifester.

«Nous voulions leur donner la possibilité de se joindre à la flottille, sachant que de par leur statut de citoyens de pays non Schengen, il leur était impossible de monter sur les bateaux en Espagne ou en Italie.»

Je comprends tout à fait que l'organisation de la flottille à l'internationale ait voulu offrir l'opportunité de partir de Tunisie, mais vu les obstacles et autres sabotages que nous avons vécus là-bas, je pense qu'il serait préférable dans le futur de partir de pays où nous ne craignons pas de ce genre de chose.

Dans la nuit de mardi à mercredi, la flottille a été attaquée par des drones, nous avons interviewé Samuel Crettenand, témoin des événements. Suite à ces attaques, l'Italie et l'Espagne ont décidé d'envoyer des navires militaires pour protéger leurs concitoyens, comment réagissez-vous à ces derniers événements?
Nous sommes satisfaits et nous espérons que cela enverra un signal fort à Israël. Nous sommes en mission humanitaire, nous ne sommes les ennemis de personne, nos bateaux sont remplis de vivres, de lait maternel, de médicaments, nous respectons le droit international et nous souhaitons la fin de ce génocide. Je répète, ce que nous faisons est tout à fait légal, c'est Israël qui commet un génocide et qui affame toute une population. Nous essayons d'attirer l'attention du monde sur cette situation.

«Si l'Italie et l'Espagne ont décidé de veiller à notre sécurité, c'est que ces deux pays savent qu'il y a un problème de cohérence et de non respect du droit humanitaire, mais aussi une question morale que pose ce génocide.»

Nous sommes des civils attaqués dans les eaux internationales en voulant apporter de l'aide à une population enfermée, bombardée et affamée, vous vous rendez compte de l'absurdité de cette situation?

Qu'attendez-vous de ces deux navires?
Tout d'abord qu'ils nous protègent, qu'ils nous portent secours en cas d'attaque, mais surtout qu'ils soient témoins de ce qui nous arrive. Vous savez, quand nous disons, images à l'appui que nous sommes attaqués par des drones, les médias écrivent «la flottille dit avoir été attaquée› et non ‹la flottille a été attaquée», c'est ce qui s'est passé en Tunisie et dans les eaux internationales. Nous avons des systèmes de surveillance à l'interne qui peuvent confirmer l'attaque des drones, mais comme cela ne semble pas suffisant pour certains médias, désormais les navires militaires qui nous accompagnent pourront aussi affirmer que nous subissons des attaques.

«Il y a un grand paradoxe qui naît à travers l'accompagnement de notre flottille par ces bateaux militaires, celui de devoir garantir la sécurité du transport de l'aide humanitaire.»

Nous sommes obligés d'être escortés par des soldats pour apporter de la nourriture et des médicaments, dans quelle situation Israël a mis les relations internationales? L'Espagne s'est indignée depuis longtemps face à cette situation et nous sommes satisfaits que les autorités italiennes aient enfin pris conscience de la gravité des attaques que nous avons subies.

Vous savez que cette situation militaire a un risque majeur d'escalade?
Oui, et ce n'était pas notre but. Je ne cesserai de répéter que nous venons avec de l'aide humanitaire et que le blocus de Gaza est illégal et meurtrier selon le droit international. Nous sommes conscients que les tensions internationales seront à leur comble si Israël attaque à nouveau la flottille. Mais que penser d'un gouvernement qui nous a déjà taxé de terroristes et qui a déjà menacé de nous emprisonner si nous arrivions à quelques kilomètres des côtes gazaouies?

«Faut-il encore rappeler que ces côtes n'appartiennent pas à Israël et que cet Etat surveille et occupe militairement des eaux qui ne sont pas les siennes?»

Notre but n'est pas de provoquer une action militaire entre l'Espagne, l'Italie et Israël, mais d'apporter de l'aide humanitaire, nous ne savons pas jusqu'où ces navires nous accompagneront, mais nous espérons que cela sera le plus près de côtes gazaouies.

Durant notre dernière interview, vous étiez comme porté par une mission sacrée qui était d'arriver jusqu'à Gaza, aujourd'hui vous regrettez de ne pas être en mer?
Bien sûr que j'aurais voulu être en mer. Initialement je devais embarquer en Sicile, j'ai laissé ma place, puis j'ai trouvé un bateau en Grèce très rapidement qui a permis de réapprovisionner les autres navires de la flottille. Je devais embarquer sur l'un des derniers bateaux grecs et comme je vous l'ai dit, je dois aussi honorer mes obligations familiales, donc oui, un peu de regret, mais je suis toujours utile sur terre. Il y a encore des choses à préparer et de nouveaux bateaux à affréter. Dans peu de temps, un bateau composé exclusivement d'un équipage de médecins internationaux prendra la mer.

«Notre objectif est que le mouvement ne s'arrête pas, que l'on continue de grossir la flottille»

Il y a encore du travail à faire.

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