Nella n'a plus de nouvelles de son fils, Muzika, depuis le 12 avril 2022. Il l'avait alors appelée de Marioupol pour lui dire que les Russes leur avaient demandé de se rendre et lui avait assuré que tout irait bien. Depuis, silence radio. L'état-major a entre-temps confirmé la capture de Muzika.
Nella est assise à la terrasse d'un café dans une petite ville de l'ouest de l'Ukraine. Sa belle-fille Alina est en face d'elle. La jeune femme a combattu à Marioupol avec son mari. Elle aussi a été capturée par les Russes. Depuis près d'un an, elle est à nouveau libre.
Aucune trace en revanche de Muzika – du moins presque: une lettre, mais qui n'est pas écrite de sa main, des appels manqués d'un numéro kazakh auquel personne ne répond ensuite, ou des témoignages d'autres prisonniers qui disent l'avoir vu, donnent de l'espoir à Alina et Nella.
Alina estime que les appels en provenance du Kazakhstan sont bon signe. Lors des interrogatoires, on lui a toujours demandé s'il y avait des contacts téléphoniques. Peut-être s'agissait-il simplement de tentatives de la part des fonctionnaires de confirmer l'authenticité du numéro.
Il n'y a donc pas de contact direct entre la famille et le détenu, même si cela est autorisé par la Convention de Genève. Dans le café, Nella raconte, les larmes aux yeux, les démarches administratives longues et frustrantes. Trop souvent, on lui aurait refusé des renseignements. «Nous ne savons rien», disent les deux femmes.
On ne sait pas combien de soldats ukrainiens sont actuellement prisonniers en Russie. Selon Alina et Nella, ils seraient cinq originaires de la petite ville de 50 000 habitants où elles vivent. Il n'existe pas de chiffres officiels, seulement des récits d'anciens prisonniers de guerre, comme celui d'Alina.
En tant que membre des troupes frontalières, elle était basée à Marioupol. Avec son mari, elle a combattu jusqu'à la fin dans l'aciérie d'Azovstal. Elle a ensuite passé six mois dans un camp de prisonniers russe. Elle résume brièvement cette période:
Le traitement des prisonniers de guerre et l'échange de prisonniers relèvent de la zone grise en Ukraine. La réintégration de ses propres prisonniers est une question sensible. L'organe compétent du côté ukrainien est l'état-major de coordination. Celui-ci élabore les listes de soldats à échanger, les négocie et gère le transfert des prisonniers sur le front. Selon Alina, le nom de Muzika figure également sur cette liste.
L'état-major de coordination est en outre chargé de l'encadrement des soldats ukrainiens échangés après leur retour au pays. C'est le cas d'Alina. Après sa libération, elle a bénéficié d'un débriefing à Kiev. Elle a ensuite passé trois semaines dans un hôpital de l'ouest du territoire pour un examen médical et une rééducation. Elle a ensuite repris le travail.
Aujourd'hui, Alina officie à nouveau avec son chien à une douane situé à la frontière avec la Pologne, où elle contrôle les voitures.
La réintégration des prisonniers de guerre ne se passe pas toujours aussi bien que pour Alina. Souvent, la captivité laisse de graves séquelles – à cause de la malnutrition ou lorsque les blessures n'ont pas été suffisamment soignées, par exemple. Mais il y a surtout des séquelles psychologiques. Et plus la captivité est longue, plus elles sont sérieuses.
Les psychologues Julia Yevstratova et Dmytro Jantalets travaillent pour l'état-major de coordination avec les Ukrainiens qui sont rentrés de captivité. Une séance de psychothérapie au moins est obligatoire après la fin de la captivité. Si quelqu'un a besoin de plus, c'est toujours possible, disent-ils. Ce qui est très souvent le cas.
Même de petits événements peuvent provoquer de grandes réactions émotionnelles chez les anciens prisonniers de guerre. En outre, ils souffrent souvent de dépression et de troubles du sommeil. Julia Yevstratova explique:
Les habitudes sociales doivent parfois être réapprises. Mais selon Yevstratova, elles doivent surtout apprendre à accepter que leur environnement social ait évolué et changé.
Simultanément, les familles de ces personnes doivent comprendre que leurs proches rentrés au pays ne sont plus les mêmes: «Les familles aimeraient les voir tels qu'ils étaient autrefois», dit Dmytro Jantalets. «Mais ils ne le sont plus».
Les proches doivent par exemple apprendre que les dépressions nerveuses des ex-prisonniers de guerre n'ont rien à voir avec eux, mais avec le stress auquel ces personnes ont été exposées. Ils devraient comprendre que ces personnes doivent d'abord apprendre à gérer tout l'amour, l'affection et la joie dont elles sont souvent inondées. Il en va de même pour le statut de héros qui leur est en partie imposé.
Traduit et adapté par Valentine Zenker