Lancée au début du mois de juin, la contre-offensive ukrainienne peine à engranger les résultats espérés. Fin juillet, les autorités de Kiev affirmaient avoir repris quelque 200 km2 de territoire occupé aux Russes, soit à peu près quatre fois la superficie de la ville de Berne.
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Cette lente avancée s'est faite au prix d'immenses pertes: au cours des deux premières semaines de l'opération, «des milliers de soldats ukrainiens ont été tués ou blessés», selon des responsables américains interrogés par le New York Times. Jusqu'à 20% de l'équipement déployé sur le champ de bataille a été endommagé ou détruit. Parmi les pertes figurent les blindés occidentaux sur lesquels Kiev comptait pour repousser les Russes.
Les nouvelles en provenance du front ne sont, pourtant, pas uniquement négatives. Ce mardi, les autorités ukrainiennes ont annoncé que leurs troupes étaient entrées dans le village de Robotyne, dans la région de Zaporijia. «Les soldats de la 47e brigade ont organisé l'évacuation des civils», a déclaré, images à l'appui, la vice-ministre de la Défense, Hanna Malyar.
Elle a rappelé que les Russes continuent de bombarder la localité et que «les combats se poursuivent», mais, selon plusieurs sources, les Ukrainiens contrôlent désormais la majeure partie du village.
La prise imminente de cette localité est «tactiquement significative» pour l'Ukraine, estime le centre de réflexion américain «Institute for the Study of War» (ISW). Pas vraiment pour sa taille - Robotyne compte quelque 480 habitants, mais pour son emplacement: le village est situé à proximité de la première ligne de défense russe. L'ISW développe:
Dans cette partie du front, la Russie peut compter sur trois lignes de défense concentriques, rapporte le Washington Post. Or, selon les observations de l'ISW, la deuxième ligne semble être «nettement moins bien défendue» que la première. Il s'agit d'un élément très important pour les troupes ukrainiennes, dont l'avancée a été en large partie freinée par les fortifications et les mines russes.
Dans les mois précédant le début de la contre-offensive, les Russes ont bâti un énorme système défensif dans les territoires occupés dans l'est et le sud de l'Ukraine: un ruban composé de champs de mines, dents de dragon, tranchées et positions d'artillerie s'étendant sur plus de 800 kilomètres.
La suite s'annonce difficile. Après Robotyne, les forces ukrainiennes visent la ville de Melitopol, située à une centaine de kilomètres plus au sud. Il s'agit d'une cible essentielle pour la poursuite de la contre-offensive, rapporte le Washington Post, car elle est considérée comme la porte d'entrée de la Crimée. La ville se trouve à l'intersection de deux autoroutes et d'une ligne de chemin de fer qui permettent à la Russie d'acheminer du personnel et du matériel militaire de la péninsule vers le sud de l'Ukraine.
Or, selon des espions américains interrogés par le journal, les forces de Kiev n'arriveront pas à atteindre Melitopol, mais resteront «à plusieurs kilomètres de la ville». Cela signifierait que Kiev n'atteindrait pas le principal objectif de son opération: couper le pont terrestre entre la Russie et la Crimée.
Les opérations offensives ukrainiennes se poursuivent également dans d'autres secteurs du front, notamment autour de la ville de Bakhmout, capturée par la Russie en mai, après un long siège. Les avancées y sont également très lentes: lundi, Hanna Malyar affirmait que Kiev avait libéré 43 km2 dans la région depuis le début de la contre-offensive.
Ces opérations ont toutefois leur importance, commente l'ISW: les attaques ukrainiennes autour de Bakhmout ont forcé la Russie à déployer plusieurs unités dans cette zone, leur empêchant de renforcer la résistance dans le Sud.
Les responsables ukrainiennes continuent de répéter qu'il est incorrect de «mesurer le succès de la contre-offensive en mètres ou en kilomètres». «Ce qui est important, c'est le fait que, malgré tout, nous avançons, même si nous avons moins d'hommes et moins d'armes», a déclaré Hanna Malyar à Reuters ce mardi.
Au-delà des déclarations officielles, quelque chose semble se préparer sur la ligne du front: ce dimanche, l’état-major ukrainien a interdit aux journalistes d’accéder aux zones de combat, rapportait mardi le Point. Cela peut signifier deux choses, avance le quotidien français: soit il s’agit d'une stratégie pour dissimuler les difficultés ukrainiennes, soit une opération d’envergure est sur le point d'être lancée.
Ce n'est pas la première fois que Kiev empêche les journalistes d'accéder au front: la dernière fois, c'était avant l’offensive-éclair de septembre 2022 dans la région de Kharkiv, au cours de laquelle l'Ukraine avait libéré de vastes portions de territoire. Cet antécédent nourrit les espoirs de ceux qui voient dans la nouvelle directive les prémices d'une grande attaque.
Les prochaines semaines nous diront lequel de ces deux scénarios va se réaliser. En attendant, Hanna Malyar a rappelé que la diffusion d'informations permettant de localiser les unités de l'armée ukrainienne sur le terrain est punie d'une peine de cinq à huit ans d'emprisonnement.