Sous le couvert d'une chaîne d'information, Russia Today (RT) diffuse largement la propagande du Kremlin et le tout est piloté par une rédactrice en cheffe: Margarita Simonian. Cette dernière n'est pas n'importe qui, elle est considérée comme une proche du président russe Vladimir Poutine. A tout le moins, de ses idées.
Si l'on parle de cette femme haute placée dans l'appareil de propagande du Kremlin, c'est parce qu'elle vient de publier l'enregistrement d'une conversation entre des officiers supérieurs de l'armée de l'air allemande. Les membres de la Bundeswehr y évoquent les possibilités – toutes théoriques – de défense de l'Ukraine contre la Russie avec l'emploi de missiles de croisière Taurus. Des armes de fabrication allemande.
Avec la diffusion de cet enregistrement, la Russie veut surtout prouver que l'Allemagne est depuis longtemps partie prenante à la guerre – un argument important dans la propagande russe qui pointe du doigt le soutien de l'Occident à l'Ukraine. C'est aussi pour cette raison que Simonian a mis en scène la publication sur RT, son média.
Margarita Simonian a depuis pas mal de temps une dent – pour ne pas dire une animosité certaine – envers l'Occident. Elle écrivait, déjà en 2018, par exemple, qu'il y avait en Occident un «mépris arrogant pour les valeurs libérales fondamentales». Au lieu de cela, elle affirme que l'application d'«idées ultra-libérales» y est forcée.
Malgré tous les reproches adressés aux médias occidentaux, qu'elle estime donc pilotés, elle ne considère pas comme un problème le fait que sa propre chaîne défende une position politique clairement orientée en faveur du pouvoir russe:
La portée ne se limite pas à la Russie. La chaîne est également suivie par de nombreuses personnes à l'étranger, auxquelles s'ajoutent des filiales en langues étrangères.
Dans la plupart des pays d'Europe (mais pas en Suisse), Russia Today est désormais interdite, et sa célèbre patronne figure elle-même sur la liste des sanctions. Mais la chaîne, elle, a toujours réussi à diffuser sa propagande malgré tout.
Mais d'où vient cette mousquetaire du programme poutiniste du Kremlin? Margarita Simonian a connu une carrière fulgurante au cours des dernières années. Née en 1980 de parents arméniens à Krasnodar, dans le sud de la Russie, elle a grandi dans un milieu pauvre. En classe de seconde, elle a gagné sa bourse du Département d'Etat américain et a passé un an dans l'Etat du New Hampshire.
Après ses études, elle a commencé sa carrière de journaliste, d'abord dans un journal local, puis pour une chaîne de télévision locale. Parallèlement, elle a étudié le journalisme à l'université d'Etat de Kouban, dans sa ville natale. Elle a également fréquenté une école spécialisée dans la télévision. Revenant sur ces années de fin 1990, elle commente:
Elle poursuit: «Ils préféraient embaucher des gens sans expérience. Il y avait même des offres d'emploi qui disaient: "Nous cherchons des journalistes sans expérience"».
Son ascension a commencé par des reportages sur la guerre en Tchétchénie à la fin des années 1990. Elle a reçu une distinction de l'Union des journalistes pour ses reportages sur la guerre et les inondations dans le sud de la Russie. En tant que correspondante pour la chaîne Rossja 1, elle a été l'une des premières à se rendre sur place. Elle a couvert, en 2004, la prise d'otages de Breslan, menée par des combattants tchétchènes et a assisté en témoin au meurtre de 334 personnes, dont 196 enfants.
Peu après, elle s'est installée à Moscou et couvrait l'actualité du Kremlin. En 2005, alors qu'elle n'avait que 25 ans, elle se voit propulsée rédactrice en chef de la chaîne de télévision RT. Et elle a une vision. En 2013, elle a qualifié son entreprise de «ministère de la Défense» du Kremlin et «d'arme comme les autres».
C'est en ce sens qu'elle utilise son média dans la guerre hybride que mène le régime russe contre l'Ukraine. D'ailleurs, elle cale son langage sur celui du maître du Kremlin et continue, aujourd'hui encore, à parler d'une «opération militaire spéciale» plutôt que de guerre. Depuis l'invasion russe, Simonian a tenu, à plusieurs reprises, des propos dénigrants à l'égard des Ukrainiens. Lors d'émissions et de conférences, elle a parlé de «nazis» et d'«anthropophages». Elle a personnellement remercié le maître du Kremlin de «tuer les cannibales» en Ukraine.
Vous l'aurez compris, elle fait indéniablement partie des fidèles de l'autocrate. Après la réélection de Poutine, en 2018, elle a d'ailleurs lancé déclaré:
La propagandiste est très visible et une potentielle cible de choix pour les adversaires du régime. Si bien que les renseignements russes, le FSB, affirment avoir empêché son assassinat en juillet 2023.
Côté vie privée, elle est l'épouse du journaliste et réalisateur Andreï Blagodyrenko. Leur fille, Mariana, est née en août 2013. Par la suite, elle a entretenu une relation avec le réalisateur de films Tigran Keosayan, avec qui elle a eu deux enfants: un fils, Bagrat, en septembre 2014, et une fille, Maro, en 2019.
Mais malgré sa proximité avec le pouvoir et le dirigeant suprême de la Russie, Simonian a récemment critiqué l'état déplorable des troupes russes. Les autorités et les médias ne doivent plus «mentir» à ce sujet, a-t-elle déclaré. Elle s'en prend ainsi avant tout au commandement militaire.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)