C'est une scène peu commune qui s'est déroulée à la télévision d'Etat russe. Selon Margarita Simonian, la Russie mène en Ukraine «la guerre la plus difficile et éprouvante de l'histoire russe». Cette déclaration ne sort pas de la bouche de n'importe qui, mais bien de celle de la rédactrice en chef de la chaîne RT (Russia Today). En clair: l'une des plus puissantes armes de propagande du Kremlin.
Encore plus intrigants, ces mots sentencieux ont été lancés sur la télévision publique. Un extrait a été partagé par Anton Gerachtchenko, conseiller du ministre ukrainien de l'Intérieur, sur X (ex-Twitter).
"Obviously, we do not live in the same world that we lived in even a year ago. Every morning we wake up and wait for news: what happened overnight in Crimea, in the waters of the Black Sea, with the Bridge; have any more drones flown over our cities?" - muses Russian propagandist… pic.twitter.com/8zUyyGGA2b
— Anton Gerashchenko (@Gerashchenko_en) September 4, 2023
Dans cette guerre, la Russie n'a «absolument pas d'alliés», analyse Margarita Simonian. Celle-ci ne suit donc pas la ligne du Kremlin, qui qualifie la guerre contre l'Ukraine d'«opération militaire spéciale».
La seule guerre comparable dans laquelle la Russie a combattu seule est la guerre de Crimée de 1853 à 1856, qui s'est «mal terminée», raconte la journaliste. Lors de ce conflit, la Russie a combattu une alliance composée de la France, de l'Empire ottoman, du Royaume-Uni et du royaume de Sardaigne.
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Après trois ans de guerre, on déplorait, au total, près de 700 000 morts, dont plus des deux tiers du côté russe. Au vu de cette tournure peu glorieuse de la première, Margarita Simonian ne souhaite pas trop rapprocher les deux guerres.
La cheffe de la chaîne RT cite la Première et la Seconde Guerre mondiale comme points de comparaison. Dans les deux grandes guerres, la Russie a combattu aux côtés du Royaume-Uni, de la France et des Etats-Unis. Lors de la Seconde Guerre mondiale, l'URSS a compté un «nombre énorme» de pays comme alliés. «Evidemment, la Russie a frappé plus fort que tous les autres», déclare la propagandiste. «N'oublions jamais qu'aucun autre pays n'a détruit autant de fascistes, de divisions fascistes, de potentiel humain fasciste et d'équipement fasciste que l'Union soviétique.»
«Autant qu'ils l'ont pu, les autres pays ont combattu aux côtés de l'Union soviétique», poursuit Margarita Simonian, qui assène:
Selon la responsable de RT, ces pays ne nient plus qu'il ne s'agit seulement d'une guerre entre la Russie et l'Ukraine, mais qu'ils y sont eux-mêmes impliqués. La propagandiste cite, en exemple, une vidéo montrant la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock (Verts), au Conseil de l'Europe début janvier. Elle avait déclaré:
La Russie pourrait, toutefois, avoir un allié, comme l'a reconnu la propagandiste: la Biélorussie. «Mais il est difficile de la désigner comme telle, car elle fait partie de nous.»
Margarita Simonian a également cité les pays des Brics et un grand nombre d'autres Etats d'Amérique latine, d'Afrique et du monde arabe. Selon elle, ils ont, dans l'ensemble, une population bien plus importante que celle des adversaires de la Russie. «Ce sont des pays qui ne nous condamnent pas», a déclaré la propagandiste:
Ceux-ci n'envoient certes ni soldats ni armes à la Russie, mais ne le font pas non plus avec l'Ukraine. Au lieu de cela, ils «se contentent d'observer avec bienveillance», déclare la responsable de la chaîne RT.
Cette intervention peut surprendre dans le cadre de la guerre d'agression que mène la Russie contre l'Ukraine. On est bien loin des discours triomphants et populistes servis d'ordinaire par les marionnettes du Kremlin.
Interprété de l'allemand par Tanja Maeder