Emmanuel Macron a promis jeudi de «rebâtir» Mayotte, archipel français de l'océan Indien, cinq jours après le passage dévastateur du cyclone Chido, et a appelé à «renforcer la lutte contre l'immigration clandestine».
Face à l'ampleur des dégâts, le chef de l'Etat français, attendu initialement pour quelques heures, a annoncé qu'il resterait jusqu'à vendredi dans l'archipel, afin de visiter des zones plus reculées.
«Les secours, ils sont pas arrivés chez moi», «ce n'est pas normal», s'emporte un responsable associatif lors d'un échange tendu résumant la détresse de nombreux Mahorais. «On n'a pas besoin de promesses, on a besoin des actes!», martèle-t-il en haussant la voix.
«Vous êtes énervé, je comprends», mais «aidez-nous» plutôt que d'«engueuler tout le monde», lance Emmanuel Macron.
Un peu plus tard à Cavani, quartier du chef-lieu Mamoudzou, une mère de trois enfants lui dit que la «mobilisation» de l'Etat et des secours vantée par le président «ne vient pas». «On est complètement démunis, on ne sait pas pleurer, on ne sait pas sourire», soupire-t-elle, avant de fondre en larmes dans les bras du président qui l'a longuement enlacée.
«On a été capables de rebâtir notre cathédrale en cinq ans. Ce serait quand même un drame qu'on n'arrive pas à rebâtir Mayotte», répond le chef de l'Etat en référence à Notre-Dame de Paris, rouverte début décembre après avoir brûlé.
Mais pour la reconstruction de l'archipel comme pour celle de l'édifice religieux, il dit vouloir changer les «compétences» et les «règles». Et «renforcer la lutte contre l'immigration clandestine, en même temps qu'on rétablit évidemment les écoles, on reconstruit l'habitat, on reconstruit l'hôpital, etc.».
Emmanuel Macron a aussi annoncé un «fonds d'indemnisation» pour les non-assurés, dont il n'a pas encore dévoilé le montant.
A l'hôpital de Mamoudzou, la discussion a porté sur le recensement très compliqué du nombre de morts, alors que de nombreuses localités, aux habitations précaires, restent injoignables. Et que dans la tradition musulmane, les défunts sont enterrés au plus vite.
«Dans les bidonvilles, des corps sont enterrés directement (..) dans des fosses communes», renchérit un homme lors d'un échange avec les personnels de santé. «Où?», demande avec insistance le président, en concédant que «beaucoup» de morts n'ont pas encore pu être recensés.
Il assure que des «maraudes» seront lancées dès jeudi après-midi, dans le cadre de la mission de recherche des morts diligentée par le préfet.
Selon des chiffres provisoires, 31 morts et quelque 1400 blessés ont été officiellement recensés, mais les autorités craignent un bilan beaucoup plus lourd, alors que 70% des habitants ont été gravement touchés.
Aux Mahorais qui lui expriment leurs besoins et leur désarroi face aux pénuries, Emmanuel Macron tente d'apporter des réponses. «La téléphonie va être rétablie dans les prochains jours», rassure-t-il.
Dans le centre hospitalier, où les vitres ont été soufflées, des services inondés et du matériel détruit, beaucoup pointent aussi le manque d'eau et de nourriture, comme dans le reste de l'archipel.
«Monsieur le président, on est tous insécurisés. Les gens se battent pour avoir un peu d'eau. Les avions militaires sont pas arrivés ici», relève une femme. «C'est pas la goutte d'eau, c'est le gros cyclone qui vient bousculer un système qui tenait à un fil», renchérit un soignant.
«Il y aura 50% de l'électricité qui sera rétablie d'ici à demain, à peu près pareil pour l'eau», promet le président à plusieurs reprises, avant de reconnaître que pour les communes les plus «isolées», il faudra toutefois «plusieurs semaines».
Mais il se montre ferme aussi quand l'intervention des autorités est mise en cause. «Je ne peux pas laisser dire (...) que l'Etat aurait ici démissionné», affirme-t-il. «Je n'ai jamais lâché Mayotte.»
Un homme attire l'attention sur les pillages. «Les gens rentrent par les toits qui sont partis», dit-il. «Monsieur le président on a peur que ce soit Haïti!», s'alarme une autre personne face aux risques de débordements. Un couvre-feu est en vigueur depuis mardi.
Emmanuel Macron écoute, serre le bras d'une dame qui sanglote, passe du service de psychiatrie à l'unité de réanimation où les traitements manquent pour les malades chroniques.
Les doléances avaient accompagné le chef de l'Etat dès son arrivée à l'aéroport de Petite-Terre peu avant.
Les doléances avaient accompagné le chef de l'Etat dès son arrivée à l'aéroport de Petite-Terre peu avant. «S'il vous plaît, ne partez pas trop vite ! Il n'y a rien qui reste», l'a supplié en larmes Assane Halo, employée à la sûreté de l'aéroport.
«Donnez des aides. Des solutions mais des solutions qui aboutissent», exhorte-t-elle.
Le président s'est aussi rendu compte, à bord d'un hélicoptère de la gendarmerie, de l'étendue de la catastrophe dans le plus pauvre département français.
Environ un tiers de la population, soit plus de 100 000 habitants, notamment les personnes en situation irrégulière venant des Comores voisines, vivent dans des logements précaires, dont la plupart ont été pulvérisés. (ats)