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«Forcer Poutine à négocier serait une victoire pour les Ukrainiens»

Aéroport d'Hostomel, près de Kiev. Après destruction par l'armée russe, ce qu'il reste du hangar et de l'avion Antonov AN 225 gros-porteur qu'il abritait. 27 avril 2022.
Aéroport d'Hostomel, près de Kiev. Après destruction par l'armée russe, ce qu'il reste du hangar et de l'avion Antonov AN 225 gros-porteur qu'il abritait. 27 avril 2022.image: keystone

«Forcer Poutine à négocier serait déjà une victoire pour les Ukrainiens»

La visite américaine à Kiev, en plus de l'annonce de la livraison d'armes lourdes à l'Ukraine, marque-t-elle un tournant dans la guerre? Les réponses de l'expert Julien Grand, rédacteur en chef adjoint de la Revue militaire suisse.
29.04.2022, 06:1029.04.2022, 18:09
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Un secret très peu gardé. La visite dimanche à Kiev des chefs américains de la diplomatie et de la défense, Anthony Blinken et Lloyd Austin, n'avait pas vocation à passer inaperçue. La rencontre avec le président Zelensky, la première à ce niveau politique, côté américain, depuis le début de la guerre, le 24 février, s'est accompagnée de la promesse de livraisons d'armes lourdes à l'Ukraine.

Le lendemain, de retour d'Ukraine, le secrétaire à la Défense américain a déclaré que l'Ukraine pouvait «gagner la guerre». «Nous voulons voir la Russie affaiblie à un degré tel qu'elle ne puisse pas faire le même genre de choses que l'invasion de l'Ukraine», a-t-il dit. Le rédacteur en chef adjoint de la Revue militaire suisse, Julien Grand, livre à watson sa vision de la situation diplomatique et militaire en Ukraine et en Russie.

Le ton martial de la visite américaine, dimanche à Kiev, marque-t-il un tournant dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine?
Julien Grand:
Cette visite donne le signe d'un clair soutien des Etats-Unis à l’Ukraine. Le secrétaire d’Etat et le secrétaire la Défense, ensemble, à Kiev, c’est une manière pour les Américains de dire qu'ils sont physiquement présents en Ukraine. Mais il est trop tôt pour dire si ce coup diplomatique marque un tournant dans la guerre.

Qu’est-ce qui pourrait changer le cours de la guerre en faveur des Ukrainiens?
Les armes livrées par les Occidentaux et d’anciens pays du bloc de l’Est, comme la Pologne. Les armes jusqu’ici fournies à l'Ukraine sont principalement des armes antichars, ainsi que des lance-missiles antiaériens de type Stinger. Cet armement a permis à l’armée ukrainienne de résister. Des armes plus lourdes à présent arrivent: des chars de combat, des chars de défense antiaérienne, des canons d’artillerie. Ces armements doivent permettre aux Ukrainiens de manœuvrer et de repousser les forces russes. Avec des armes antichars, vous tendez des embuscades, mais cela ne vous permet pas de faire la décision.

«Avec le matériel lourd en cours de livraison, il y a moyen de mener des contre-attaques afin de gagner du terrain»

Quelles sont les réserves d’armements du côté des Russes? Peuvent-ils en manquer?
Il faut différencier les armements. Il y a des armements à haute technologie comme les missiles de croisière, engagés à de nombreuses reprises par les Russes au début du conflit. On peut penser que les stocks de ce type d’arme, après deux mois de guerre, sont passablement entamés. Et puis, il y a les armements plus classiques. Et là, on peut penser que les munitions de petits calibres et celles destinées à l’artillerie standard ne manquent pas.

Les Russes, en ce moment, soumettent des localités du Donbass à un déluge de feu. C'est perpétré par l’artillerie ou par l’aviation?
Par les deux. L’aviation appuie les troupes au sol. Quant à l’artillerie, elle occupe une place centrale dans la doctrine russe d’engagement. Un pilonnage des positions ukrainiennes est aujourd’hui à l’œuvre, ce qui n’était pas le cas lorsque les Russes, échouant dans leur guerre éclair, étaient bloqués devant Kiev.

«Repousser les forces russes en Russie me paraît être une gageure»

Les Américains affirment que les Ukrainiens peuvent gagner la guerre. Qu’est-ce qu’il faut comprendre ici?
On peut voir là un effet de style, à dire que l’Ukraine peut gagner la guerre. Ce qu’on peut comprendre par là, c’est que les Ukrainiens parviendraient à reconquérir une partie du territoire qui leur a été pris. Mais repousser les forces russes au-delà des frontières ukrainiennes me paraît relever de la gageure. D’autant plus que dans les régions du Donbass et de Donetsk annexées par la Russie à la veille de la guerre, vit une majorité de russophones. Autrement dit, en libérant ces territoires, les forces ukrainiennes pourraient se retrouver dans la situation dans laquelle se trouvent les Russes actuellement là-bas, avec un statut de force à la fois libératrice et occupante.

Qu’est-ce que cela pourrait vouloir dire, alors, gagner la guerre, pour l’Ukraine?
Ce pourrait être le rétablissement du statu quo ante, celui qui prévalait avant 2014, avec une éventuelle reprise de la Crimée annexée par la Russie. Mais forcer Vladimir Poutine à s’asseoir à la table des négociations serait déjà, en soi, pour les Ukrainiens, une victoire.​

Déminage d'une route en Ukraine
Video: watson
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