Spécialiste du monde arabo-musulman, Gilles Kepel vient de publier «Holocaustes: Israël, Gaza et la guerre contre l'Occident» (Plon, 216 pages), un livre qui fait suite à l'attaque du Hamas le 7 octobre dans le sud d'Israël et à la riposte israélienne à Gaza. Le chercheur et universitaire français réagit au raid iranien contre Israël dans la nuit de samedi à dimanche.
Quelles options diplomatico-militaires s'offrent à Israël suite à l'attaque aérienne iranienne?
Gilles Kepel: Probablement viser le Hezbollah libanais – ce qui affaiblirait l'Iran sans enfreindre la mise en garde de Biden de ne pas frapper directement l'Iran.
L'attaque iranienne est-elle inédite dans l'histoire tourmentée entre la République islamique et l'Etat hébreu?
Oui, c'est la première fois que le territoire israélien est visé par le ciel depuis l'Iran, même si 99 % des engins ont été détruits en vol.
Après l'attaque du 7 octobre, l'attaque iranienne dans la nuit de samedi à dimanche souligne-t-elle la vulnérabilité d'Israël?
Rappelons que l'attaque de l'Iran se voulait une riposte à la frappe israélienne du 1ᵉʳ avril contre la section consulaire de l'ambassade d'Iran à Damas en Syrie, qui a fait 13 morts, six Syriens et sept Iraniens, dont deux généraux de la Force al-Qods. Pourquoi Israël a-t-il procédé à cette frappe?
Pour affaiblir Téhéran – et sans doute le pousser à la faute en le contraignant à attaquer. Israël a pu fédérer une large coalition militaire à ses côtés face à l'attaque, y compris de gouvernements qui critiquent son action à Gaza.
Justement, comment expliquer que les régimes arabes de la région n'aient pas manifesté la moindre approbation à l'attaque iranienne?
La Jordanie a même contribué à l'élimination de drones et missiles dans son espace aérien. C'est inédit. Les Etats sunnites souhaitent le plus grand affaiblissement possible de l'Iran, qui a déjà fait conduire par ses mandataires du Hezbollah irakien ou des Houthis des attentats et attaques de drones sur les territoires émirati et saoudien.
Israël et son gouvernement peuvent-ils espérer un soutien ou plus de passivité diplomatique des Occidentaux dans la guerre de Tsahal à Gaza?
Pour la répression à Gaza, il y a une opposition occidentale à la continuation du ciblage des civils – pour Biden, c'est crucial afin de ne pas s'aliéner la base de gauche de son électorat.
Les dirigeants du Hamas sortent-ils renforcés ou affaiblis de l'attaque iranienne contre Israël?
Ils sont très affaiblis – et la cause palestinienne a été mise en arrière-plan par cette attaque.