Le dernier mandat de Mahmoud Ahmadinejad en tant que président iranien remonte déjà à 11 ans. Mais il sait toujours comment attirer l'attention sur lui. Lorsqu'il a déposé sa candidature pour les élections présidentielles anticipées du 28 juin, Ahmadinejad a fait un show devant ses partisans. Arrivé devant le bâtiment du ministère de l'Intérieur à Téhéran, l'ancien président a brandi son passeport devant les caméras en criant «Vive l'Iran».
Agé de 67 ans, il a été président du pays de 2005 à 2013. Il est le candidat le plus en vue pour succéder au chef de l'Etat Ebrahim Raisi, décédé dans un accident d'hélicoptère en mai. Au total, 80 candidats se sont inscrits pour les nouvelles élections; la plupart sont des politiciens archiconservateurs comme Ahmadinejad, le président du Parlement Mohammad Baqer Qalibaf et Saeed Jalili, un ancien négociateur nucléaire de l'Iran. Le candidat le plus connu du camp modéré est un prédécesseur de Qalibaf au poste de président du Parlement, Ali Larijani.
La mort de Raisi a réorganisé le paysage politique iranien, selon l'expert de l'Iran Ali Fathollah-Nejad, directeur fondateur du groupe de réflexion berlinois CMEG.
La candidature d'un homme presque inconnu sur la scène internationale interpelle notre expert. En effet, Vahid Haghanian, un conseiller du guide de la révolution Khamenei et ancien officier de la garde révolutionnaire, s'est déclaré candidat à la présidence. Il n'a aucune expérience des fonctions politiques, mais il a un atout dans sa manche avec lequel les autres candidats ne peuvent pas rivaliser: Haghanian connaît Khamenei, l'homme le plus puissant de la République islamique, depuis la révolution de 1979.
A 85 ans, Khamenei prépare sa succession et veut assurer la pérennité de la République islamique après sa mort. C'est pourquoi il a placé ces dernières années des hommes politiques conservateurs à tous les postes clés. Le président Raisi a joué un rôle important dans les plans de Khamenei; on lui a même attribué des chances de lui succéder. Mais après la mort de Raisi le 19 mai, le vieux guide de la révolution doit changer de stratégie.
Ali Fathollah-Nejad considère la candidature de Haghanian comme une tentative de Khamenei de s'accaparer encore plus de pouvoir. Haghanian est également proche de Mojtaba Khamenei, le fils du guide de la révolution.
Dans ce cas, la politique intérieure iranienne connaîtrait de plus fortes tensions.
Les réformes sont également peu probables en cas d'élection de l'un des autres candidats. En tant que président, Ahmadinejad a appelé à la destruction d'Israël et a attisé la confrontation avec l'Occident. Il a qualifié l'Holocauste de «grand mensonge» et Israël de «cellule cancéreuse». Des manipulations lors de sa réélection en 2009 ont déclenché des protestations dans tout le pays. Ahmadinejad, partisan d'une ligne dure, n'est toutefois pas un candidat agréable pour les dirigeants iraniens. Il se présente comme le défenseur des petites gens qui souffrent de la corruption et de la mauvaise gestion du régime. Khamenei l'a fait exclure des élections présidentielles de 2017 et 2021.
Ahmadinejad aurait toutefois un avantage en tant que candidat à la direction: il pourrait faire grimper le taux de participation. L'ex-président du Parlement Larijani, en tant que politicien relativement modéré, pourrait lui aussi attirer les électeurs vers les urnes. La participation électorale, qui a été très élevée en Iran pendant des décennies, est importante pour la légitimité de la République islamique.
Lors de la dernière élection présidentielle en 2021, la participation a chuté au niveau historiquement bas de 41%. Des millions d'Iraniens se détournent de la République islamique, en particulier depuis la répression des dernières grandes manifestations qui avaient éclaté il y a deux ans suite à la mort de Mahsa Amini aux mains de la police religieuse et à l'obligation faite aux Iraniennes de porter le voile.
Le régime veut éviter que la participation aux élections du 28 juin ne continue à baisser. Khamenei doit donc maintenant calculer quel champ de candidats correspond à ses intérêts et s'il autorise des candidats gênants comme Ahmadinejad. La décision sera prise dans les prochains jours: le Conseil des gardiens, contrôlé par Khamenei, annoncera la semaine prochaine qui pourra briguer la présidence.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)