Dans l'espace aérien irakien, missiles et drones iraniens croisent les avions de chasse israéliens, obligeant Bagdad à redoubler d'efforts pour éviter d'être happé par un énième conflit régional. «Il existe un risque notable de voir le conflit déborder en Irak», résume le politologue Sajad Jiyad.
Car les précédents abondent pour les autorités de ce pays qui se livrent depuis des années à un exercice d'équilibriste entre leurs deux alliés, les Etats-Unis, grand parrain d'Israël, et l'Iran. Des groupes armés irakiens, soutiens de Téhéran, ont ciblé par le passé des troupes américaines de la coalition internationale antijihadistes qui sont stationnées en Irak.
Et c'est à Bagdad en 2020, sous la première présidence Donald Trump, qu'un drone américain avait tué le général iranien Qassem Soleimani, figure des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de l'Iran.
Alors que les principaux alliés régionaux de l'Iran ont récemment été affaiblis par Israël, les regards se tournent aujourd'hui vers les factions irakiennes.
Pour l'heure, «l'Iran essaye d'éviter des dommages collatéraux pour ses réseaux, en maintenant ses alliés régionaux en stand-by. Mais cette position pourrait évoluer.»
Interrogé, un haut responsable sécuritaire irakien assure que parmi le camp pro-Iran, «tout le monde» souhaite «maintenir l'Irak à l'écart du conflit.»
L'Irak doit concilier son alliance avec l'Iran, avec qui il partage une frontière, des liens politiques, économiques, culturels, et un partenariat stratégique et militaire avec les Etats-Unis, opposés au programme nucléaire de Téhéran. Œuvrant à éviter une propagation du conflit, Bagdad a sommé les Etats-Unis d'«empêcher» l'aviation israélienne de pénétrer l'espace aérien irakien pour attaquer l'Iran, des «violations» ayant enragé les groupes armés pro-Iran.
Si les influentes Brigades du Hezbollah ont indiqué que l'Iran n'avait besoin «d'aucun soutien militaire de qui que ce soit», elles ont assuré surveiller «de près» l'armée américaine.
Dénonçant les activités «déstabilisatrices» des «milices alignées sur l'Iran», un responsable américain a appelé le gouvernement irakien à «protéger les missions diplomatiques et le personnel militaire américain». Faisant allusion aux importations de gaz iranien dont dépend le pays pour ses centrales électriques, il a indiqué:
Pour Sajad Jiyad, en cas d'implication des Etats-Unis dans l'attaque israélienne sur l'Iran, «des éléments pro-Iran en Irak pourraient prendre pour cible l'ambassade américaine, le consulat à Erbil (nord), ou les troupes américaines et la base d'Aïn al-Assad» hébergeant dans l'Ouest irakien la coalition internationale.
Quand éclatait en octobre 2023 la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas palestinien en Israël, l'Irak semblait au bord du précipice. Les factions armées menaient des dizaines de frappes en Irak et en Syrie contre les soldats américains de la coalition. Washington avait alors riposté en les bombardant.
Ces mêmes groupes, au sein de la «Résistance islamique en Irak», avaient ensuite revendiqué des tirs contre le territoire israélien, la plupart interceptés. En octobre 2024, un drone tuait cependant deux soldats israéliens dans le Golan syrien occupé par Israël.
Pour Tamer Badawi, les groupes armés pro-Iran «conservent la capacité de cibler Israël depuis l'ouest de l'Irak», et pourraient viser «les intérêts américains» en Jordanie. Mais à l'horizon, il y a aussi les législatives prévues en novembre en Irak, encourageant la classe politique à chercher la stabilité.
Une étape essentielle même pour les factions armées, disposant de députés au Parlement. «Certains groupes se sont engagés dans l'action politique», reconnaît un responsable de la «Résistance islamique».
Et d'assurer que ces groupes ne laisseront pas l'Iran «mener tout seul la bataille.»