Maryam* n’avait pas 20 ans lorsqu’elle a quitté l’Iran, au début des années 1980. Les frontières du pays, fermées depuis la révolution islamique de 1979, venaient de rouvrir. «A l’atterrissage en Suisse, j’ai ôté mon voile.» Maryam n'est pas repartie. En Iran, l’adolescente était tenue de porter le tchador, ce long voile noir couvrant, symbole du régime théocratique instauré par les mollahs et leur leader de l’époque, l’ayatollah Khomeiny, dont un buste a été récemment déboulonné à Neishabour, dans le nord-est d'un pays en ébullition.
Une statue à l’effigie de l’ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique décédé en 1989, déboulonnée par des protestataires à Neishabour, dans le nord-est de l’#Iran. #MahsaAmini pic.twitter.com/vmtoTU8x8S
— Armin Arefi (@arminarefi) October 14, 2022
Depuis la mort, le 16 septembre, de Masha Amini, après son arrestation par la police des mœurs au motif que son voile était mal ajusté, une grande partie de l'Iran est en révolte contre la dictature islamiste. «C’est une révolution», affirme Maryam:
Cette Iranienne établie en Suisse est en relation avec des proches résidant en Iran. «Le contact a été coupé pendant un mois après la mort de Masha Amini, explique-t-elle. C’est seulement au début de cette semaine qu'on a pu la rétablir via une messagerie en ligne. Je n’ose pas demander à ma famille vivant là-bas si elle participe à la révolte, je ne veux pas la mettre en danger. Mais ce qu’on me dit, c’est que les sbires du régime tuent comme des sauvages.» Depuis le début du soulèvement, 215 personnes ont été tuées par les forces de sécurité dans 19 des 31 provinces du pays, selon l’ONG Human Rights Watch (bilan au 17 octobre).
Maryam a «bon espoir que le régime tombe», et l’Internet, en permettant à l’information de circuler, y sera pour beaucoup, estime-t-elle. La suite l’inquiète déjà. «Qui remplacera les mollahs? Des militaires? Le Baloutchistan, une province à majorité sunnite du sud-est de l’Iran, se soulèvera-t-elle? Les Kurdes feront-ils de même? Y aura-t-il une guerre civile? Il faudrait que les mollahs laissent la place à un gouvernement séculier, où les femmes ne seraient pas obligées de porter le voile.»
Iran: main dans la main, des étudiants de Téhéran reprennent «Ey Irân», hymne d'unité dans le pays @1500tasvir pic.twitter.com/YGkGSzywQr
— L'important (@Limportant_fr) October 19, 2022
Lors d’un voyage en Iran en 2019, Maryam s’était aperçue que «beaucoup parmi les pro-Khomeiny tournaient leur veste». Dix ans plus tôt, en plein mouvement vert, prémices de l’actuelle révolte, Maryam, en déplacement en Iran, s’était abritée dans un immeuble pour échapper à la répression, se souvient-elle.
Adolescente, elle avait vécu ou plutôt subi la révolution islamique de 1979. «Les voiles colorés et les chignons sous les voiles, qui étaient comme une manière, déjà, d'alléger la contrainte religieuse, étaient interdits. Le Coran était pour ainsi dire la matière principale enseignée.» Sa venue en Suisse permit à Maryam d’échapper à ce carcan.
*Prénom modifié
La révolte des femmes dévoilées se poursuit en #Iran, ici à Kerman, dans le sud-est du pays, où une jeune femme défile en pleine ville en faisant virevolter son foulard obligatoire. Un geste de défiance contre la République islamique qui a fait du port du hidjab un de ses piliers pic.twitter.com/VCpSHYRL8p
— Armin Arefi (@arminarefi) October 19, 2022