Ce marché de Noël suisse est le 2e meilleur d'Europe: on a testé
Selon un classement des meilleurs marchés de Noël à travers l’Europe, celui de Zurich vaut le détour. Je débarque donc devant l’Opéra, où se situe ce fameux marché qui rafle la deuxième place, en fin d’après-midi, emmitouflée comme si j’allais tenter une traversée arctique.
Dès les premiers mètres, je suis frappée par un truc: c’est mignon. Pas «mignon» façon trois guirlandes et un sapin qui a connu la Grande Dépression. Non, un mignon parfaitement designé, presque scandinave, bien Instagrammable, sans jamais tomber dans le criard. Les chalets sont tous rouges et disposés de manière à créer de fausses petites ruelles, comme un petit village éphémère et cohérent.
La lumière aussi est belle dans ce «Wienachtsdorf». Pas de LED blanches agressives, pas de vieux néons façon boîte de nuit dans une zone industrielle. Ce sont de vraies guirlandes, avec ampoules à filament, une chaleur visuelle qui donne envie d’un vin chaud chocolat chaud avant même de pouvoir utiliser le froid comme excuse.
Je traverse les allées en me disant que ça sent presque la Suède, alors qu’en vrai, ça sent surtout Zurich: c’est soigné, clean, organisé. Rien ne dépasse. C’est carré ici.
Fudge et concombre
Je me promène dans les allées de stands et tombe rapidement sur un chalet plus grand que les autres, une mini-maison dans laquelle on peut entrer. Là-dedans, c’est l’univers kitsch de Noël dans toute sa splendeur.
Des casse-noisettes, des bonhommes pain d’épices, des pères Noël, des décorations en bois sculpté avec une minutie presque inquiétante. Et puis, surtout, les décorations de sapin les plus absurdes, donc les plus formidables, que j’aie vues depuis longtemps: une baleine, une girafe, un flamant rose, un chat, un aigle…
Sans oublier le bien nommé concombre de Noël, mon préféré. Ce n’est pas tous les jours qu’un légume peut se targuer d’avoir sa place dans la féérie de l’Avent. Sans doute un truc apporté par les Rois mages ou le Père Noël et son camion Coca-Cola, je sais plus.
Je ressors et repère juste en face un stand de handmade British fudge. Je ne sais pas exactement ce que c’est, mais je sais reconnaître du sucre quand j’en vois. Je goûte un bout de caramel salé, et je comprends immédiatement pourquoi il vaut mieux m’éloigner avant de finir ruinée en cubes de fudge avec un diabète de type 2 en prime.
Mes mains commencent à geler, alors je m’offre un thé chai à 6,50 francs (à Yverdon, ça aurait coûté moins cher, mais ça aurait été moins magique, certes). Il est servi dans un gobelet consigné trop joli pour que j’aie envie de le rendre. La vendeuse m’explique que je récupère mes cinq francs si je le rapporte. Je souris poliment tout en sachant pertinemment que ce gobelet a déjà gagné son droit d’asile dans les placards de ma cuisine.
WHAM! et Bad Bunny
Pour me réchauffer, je grimpe dans un immense chalet à deux étages. En haut, il y a un bar. Ambiance chalet cosy, à peine kitsch, avec des lustres étincelants, et même un canard empaillé qui me fixe pendant que je bois mon thé et écoute… du Bad Bunny. Bad Bunny au marché de Noël, avec Lo que le pasó a Hawái.
Tant qu'à faire:
Une transition un peu brutale après Last Christmas de WHAM! dans la boutique de déco, mais pourquoi pas. Ça n’est pas mon Spotify Wrapped qui va se plaindre: en 2025, j’ai poncé Bad Bunny.
En bas, je découvre un restaurant chic. Du genre nappes blanches, ambiance feutrée. A côté, les toilettes. Et là, pardon d’avance, mais j’ose le match: Zurich, 1 - Lausanne, 0. Même ces toilettes à la zurichoise ont un charme que les trois cabines sèches alignées dans le passage souterrain de Saint-François ne connaîtront jamais.
Je continue ma balade en tombant sur la partie food. Un véritable tour du monde sous les jolies guirlandes. Des bao, des champignons frits façon faux-KFC, des stands asiatiques, des röstis, de la raclette, des spécialités du Honduras, d’Afghanistan (goûtez les «mantu» un jour, sortes de ravioles à la viande, c’est une tuerie).
Des flammeküche, des macaronis d’alpage, des gaufres, des pad thaï, des dim sum… C’est simple, si vous avez faim, c’est un paradis. Si vous êtes en régime pré-réveillon, fuyez.
Un marché quali, un brin (trop) carré
Ce qui est frappant, c’est que malgré l’abondance, on ne tombe pas dans l’effet «tout et n’importe quoi, mais surtout n’importe quoi» qu’on croise parfois dans les marchés de Noël, avec des gadgets en plastique tombés du camion ou des moules en silicone cancérogènes et moches.
Ici, la sélection est qualitative (ou «quali» comme disent les bobos lausannois que j’ai croisés, décidément, ils sont partout). On trouve beaucoup de créateurs, de pièces uniques, des marques suisses, et seulement deux ou trois stands «classiques» qu’on voit partout, dont l’incontournable stand de pashminas, évidemment.
Je réalise aussi que le lieu est incroyablement ergonomique. D’abord parce que tout est sur une place, l’imprononçable Sechseläutenplatz. Si, en sortant du bureau, vous ne voulez pas traverser la foule, vous pouvez tout simplement contourner la zone.
Ensuite parce que même à l’heure de pointe (18 heures, un jeudi) on ne s’y marche pas dessus. Les gens se regroupent autour du sapin pour boire un verre, mais les allées restent fluides. Et pour moi qui déteste les foules de gens qui piétinent ou marchent lentement, c’est cadeau.
Entre deux stands, je découvre même des chalets vides transformés en petits salons, avec livres à disposition et vieux mobilier en bois. Une parenthèse calme dans le marché. Encore une fois, c’est bien pensé. Ici, tout est propre, carré, impeccablement zurichois.
Peut-être même un poil trop: la magie de Noël y perd un soupçon de sa… magie. Mais c’est chipoter pour chipoter, parce que franchement, pour flâner, grignoter, boire un verre, faire deux ou trois trouvailles de créateurs et prendre un bain de lumières douces, c’est un marché de Noël redoutablement bien foutu.
Je commence à perdre la mobilité de mes doigts, il est temps de rentrer s'entasser dans la bétaillère le train. Mais en repartant, je me dis un truc: on peut dire ce qu’on veut de de ce côté suisse-allemand un brin carré, au moins, c'est efficace. Même pour un marché de Noël.
