On ne l’attendait pas forcément sur ce créneau-là, et ceux qui ignoraient sa religion ou s’il en avait une, désormais sont au courant. Gims – anciennement Maître Gims – a suscité la polémique en demandant aux musulmans de ne pas lui souhaiter la bonne année. «C’est contraire à nos convictions», affirme-t-il dans une vidéo postée samedi 1er janvier sur son compte Instagram et relayée le lendemain sur Twitter par le compte Generasonrap:
Gims pousse un coup de gueule contre les personnes qui lui souhaitent « Bonne année ».
— Generasonrap (@generasonrap) January 1, 2022
Il ne veut plus en entendre parler et fait un rappel à tous les musulmans. pic.twitter.com/LL2rr4jX2g
Une embrouille de plus sur les réseaux sociaux? Qui sera vite oubliée? L'affaire peut paraître anecdotique, sauf qu’elle mobilise des affects identitaires à fleur de peau. En djellaba et casquette Chanel, lunettes de soleil de style aviateur, le chanteur à la voix de ténor, un catholique congolais converti à l’islam, se prévaut de son appartenance religieuse dans ladite vidéo, destinée aux «frères», autrement dit à ses coreligionnaires, musulmans comme lui.
Il les invite à cesser de lui adresser non seulement la bonne année, mais tous vœux qui selon lui ne seraient pas conformes à l’islam, tels «bon anniversaire» ou «joyeux Noël». Ce ne sont pas «nos trucs à nous», assène-t-il, dans ce qui sonne comme un «rappel» – le fait, pour un prêcheur ou un individu lambda, d’invoquer le Coran ou la tradition prophétique pour ramener son auditoire dans ce qu’il estime être le droit chemin. «Est-ce que les compagnons (réd: les disciples du prophète Mahomet), ils ont fêté le Nouvel An?», demande-t-il ainsi, ne reculant pas devant l’anachronisme.
Les réactions hostiles à ce prêche improvisé ont été nombreuses. Dans les cercles identitaires français opposés à l’islam, mais aussi parmi les musulmans, qu’ils soient pratiquants ou non. Le compte Twitter officiel d’Eric Zemmour, tente au passage de compromettre sa concurrente à l’élection présidentielle Valérie Pécresse (qui soutiendrait Gims en tant que présidente de la région Île-de-France, lui-même l'ayant soutenue lors des dernières élections régionales):
Maître #Gims, soutien de Valérie Pécresse, vous parle d’identité. pic.twitter.com/21FN4QB2PN
— Eric Zemmour (@ZemmourEric) January 1, 2022
La ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, engagée auprès d’Emmanuel Macron et dont la mission consiste précisément à lutter contre le «communautarisme» et le «séparatisme» qui peuvent apparaître en filigrane des propos de Gims, a fait de même ce lundi matin sur la chaîne RMC, demandant des explications à la candidate du parti de droite Les Républicains:
Maître @GIMS , cheikh autoproclamé des rappels #séparatistes aux #Muslims , financé par la région #IledeFrance 🤔 https://t.co/HOdwYJ2y1j
— Noor_nmq (@nmq_noor) January 3, 2022
«Je préfère @MaitreGIMS rappeur que prédicateur», a pour sa part tweeté l’élue municipale d’Evry-Courcouronnes (Essonne) Najwa El Haïté:
J’ai cru à une fake News. Je préfère @MaitreGIMS rappeur que prédicateur. Je suis Française de confession musulmane et j’ai plaisir à souhaiter la bonne année à l’ensemble de mes concitoyens qu’ils soient athées, agnostiques, catholiques, juifs, musulmans, bouddhistes #Laïcité https://t.co/GyXMLmkWt5
— Najwa El Haïté (@najwaelhaite) January 2, 2022
Certains rappellent que Gims avait participé dans le passé à un «spécial Noël» sur TF1:
🔴 Le chanteur Maître Gims fait parler depuis une vidéo, il demande aux musulmans de ne pas fêter Nöel, et de ne pas lui souhaiter une bonne année. Sauf...que des internautes ont ressorti cette photo de lui, en live, chez les 12 coups de Nöel sur TF1. #Gims pic.twitter.com/PUIszX1DfN
— Franceat (@Franceatpresso2) January 2, 2022
Et même aux festivités du Nouvel An 2020 sur France 2 à Versailles avec l'animateur Stéphane Bern:
BONNE ANNEE !!! https://t.co/pZ5mskLdkx
— Perrine (@PerrineST) January 2, 2022
D’autres soulignent l’hypocrisie, à tout le moins l’incohérence entre les dernières déclarations du chanteur-rappeur et les comportements mis en valeur dans certains de ses titres:
#Gims
— Hugomastoc ¯\_(ツ)_/¯ (@hugomastoc) January 2, 2022
Ça ne le choque pas
◾Rap
◾Femme souvent dénudé
◾Alcool, Cigare
◾Invoquer les sorciers
◾Show tv pour noel car payé
Ça le choque
◾Joyeux anniversaire
◾Bonne année
En espérant que ce rappel l'aidera a arrêter la musique pour être cohérent à avec sa vison. pic.twitter.com/WXiObp4Tdg
Le militant Idriss Sihamedi désapprouve à son tour la démarche de Gims, mais pour des raisons qui ont notamment valu à son association Baraka City d’être dissoute par le gouvernement pour «islamisme radical»:
Ce monde sonne comme la fin des temps.
— Idriss Sihamedi (@IdrissSihamedi) January 2, 2022
Un homme qui combat l’islam tweet un rappeur qui chante des modèles de vies loin de l’islam en citant les compagnons en appelant aux bonnes mœurs tout en soutenant ceux qui haïssent l’islam.
Qu’Allah nous réforme sur le vrai islam. https://t.co/n81DjrEhFa
Sur Twitter encore, l'entrepreneur Aziz Senni, membre du Medef (patronat français), originaire de Mantes-la-Jolie dans les Yvelines et musulman lui-même, résume l'enjeu politico-identitaire des déclarations du rappeur:
Adresser ce type d'appel à notre jeunesse est irresponsable.
— Aziz Senni (@azizsenni) January 2, 2022
Stigmatiser les musulmans de 🇫🇷 qui comme tous les autres citoyens, célèbrent toutes nos fêtes est inacceptable.
Français de confession musulmane j'invite chacun à participer à tous les moments festifs de notre pays https://t.co/LfiP66vMos
Gims aurait-il perdu une occasion de se taire?