Naim Qassem ne planifiait jamais ses apparitions. J’ai rencontré à plusieurs reprises le nouveau chef du Hezbollah, alors qu’il n’était encore que porte-parole de l’organisation chiite dans les années 1990 et 2000. Le petit religieux au turban blanc surgissait comme par magie, se lançant dans des tirades, en français soigné, sur les atrocités qu'aurait, selon lui, commis l’armée israélienne.
Un souvenir marquant: fin juillet 2006, après un raid aérien israélien qui coûta la vie à 29 civils à Cana, au sud du Liban. Qassem, comme souvent sans garde du corps, était apparu à l’improviste, s’était placé près d’un journaliste français et lui avait murmuré son point de vue.
Aujourd’hui, cet intrépide personnage prend la relève d’Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah tué par Israël. Qassem possède un don indéniable pour l’éloquence, mais il ne dispose pas de l’aura charismatique de son prédécesseur.
Ce nouveau secrétaire général du groupe terroriste n’est pourtant pas une solution de dernier recours. A 18 ans, il avait déjà rejoint Amal, un autre mouvement chiite libanais, tout en étudiant le français et la chimie à l’Université libanaise de Beyrouth. Après la révolution iranienne de 1979, il entame une formation religieuse et, lorsque le Hezbollah est fondé en 1982, il est élu au Conseil de la Choura, l’organe consultatif du parti.
En 1991, il devient l’adjoint du secrétaire général, sur décision d’Abbas al Mussawi, prédécesseur de Nasrallah, lui-même éliminé par Israël en 1992. Pendant les décennies suivantes, Naim Qassem semblait se satisfaire de son rôle de «vice-président», et il était presque admis qu’il ne succéderait jamais à son chef.
Lorsque Hassan Nasrallah est tué le 27 septembre dans une frappe de précision de l’armée de l’air israélienne, Naim Qassem sort de l’ombre onze jours plus tard pour s’adresser aux partisans du Hezbollah, abasourdis. «Le combat continue», proclame-t-il depuis sa cachette, en sueur. Dans un message empreint de défi, il ajoute que la guerre avec Israël est une lutte pour voir qui pleurera le premier.
Peu après, un autre successeur pressenti de Nasrallah, Hashem Safieddine, est lui aussi éliminé à Beyrouth par Israël. Le Hezbollah, avec des options réduites, n’a probablement eu d’autre choix que de confirmer Naim Qassem à la tête de l’organisation. Sa tâche la plus urgente, mais aussi la plus périlleuse, sera de survivre jusqu’à un cessez-le-feu, car une nouvelle «décapitation» par Israël pourrait bien porter un coup fatal au groupe.
Selon des sources libanaises et saoudiennes, Qassem aurait quitté le Liban le 5 octobre à bord de l’avion du ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, en direction de Téhéran. Cette information reste, bien entendu, non confirmée. Une évasion temporaire vers l’Iran pourrait toutefois offrir au nouveau chef du Hezbollah une meilleure marge de manœuvre pour réorganiser une structure fragilisée.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)