Miri Eisin a servi pendant plus de deux décennies dans les services de renseignement de l'armée israélienne. Elle est l'une des rares femmes à avoir atteint le grade de colonel. Lors du déclenchement de la guerre du Liban en 2006, elle a travaillé comme conseillère pour le Premier ministre de l'époque, Ehud Olmert. Aujourd'hui âgée de 60 ans, elle est directrice de l'International Institute for Counter-Terrorism à Tel-Aviv.
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Des préparatifs sont en cours pour une offensive terrestre de l'armée israélienne dans la bande de Gaza. L'armée va-t-elle réellement intervenir?
Miri Eisin: Je pense que oui. Ce massacre terroriste sans précédent a montré le vrai visage du Hamas. Nous devons accéder à toutes les cellules et à tous les terroristes du Hamas, à toute son infrastructure. Cela ne peut se faire que par une offensive terrestre.
Quand cette offensive va-t-elle commencer? Parlons-nous d'heures, de jours?
Je ne sais pas. Peut-être des jours.
Que peut-on attendre de cette intervention?
Israël a la capacité de pénétrer jusqu'au cœur du Hamas - je ne veux même pas parler de cœur, car ils sont inhumains - jusqu'au centre des terroristes dans la bande de Gaza.
Environ 2000 d'entre eux ont attaqué Israël samedi. Plus de 1000 d'entre eux ont été tués à cette occasion en Israël. On en trouve encore dans le pays. On ne s'arrête pas là et on ne permet pas aux autres de rester assis et de s'enivrer de leur attaque barbare. Il faut entrer et les trouver.
Le Hamas détient plus de 100 otages dans la bande de Gaza. Est-il possible de les libérer?
La réponse réaliste est non. Ce sera un élément central de l'offensive terrestre. Il s'agit d'arriver jusqu'aux terroristes. Ils resteront aussi près des otages qu'ils le peuvent. C'est là qu'ils se sentent le mieux protégés.
Israël n'a aucune intention d'occuper à nouveau la bande de Gaza.
Non. 2,2 millions de personnes vivent dans la bande de Gaza. Ce n'est pas un territoire vide, occupé par des terroristes venus de l'extérieur. Il y a là 30 000 terroristes du Hamas, j'ai cité ce chiffre un nombre incalculable de fois au cours des 15 dernières années. Le Hamas a pris le pouvoir en 2007. Ils ne sont pas seulement intégrés là-bas, ils font partie de la société.
Que se passera-t-il ensuite?
Pour l'instant, je ne peux pas encore penser au jour d'après. Les terroristes sont encore là, et ils sont prêts à nous attaquer. Le Hamas a appelé à prendre Jérusalem vendredi.
L'objectif est donc maintenant de détruire complètement le Hamas?
Je veux être très claire: il est impossible d'éradiquer ou d'éliminer complètement les organisations terroristes. Entre 2015 et 2017, toute la communauté internationale, y compris la Russie et l'Iran à l'époque, a essayé d'éradiquer l'Etat islamique. Ils n'y sont pas parvenus. Nous devons pourtant faire quelque chose. Cela pourrait être similaire à l'action menée à l'époque contre Daesh. Mais cela ne signifie pas nécessairement que l'on parviendra à éliminer complètement le Hamas. Mais oui, il faut le faire.
Outre le Hamas au sud, Israël est menacé par le Hezbollah libanais au nord. Quel est son degré de dangerosité?
Le Hezbollah est dix fois plus fort que le Hamas. La différence, c'est que nous nous armons contre cette menace depuis de nombreuses années. Ce que le Hamas vient de faire, c'est en fait le scénario du Hezbollah. Nous nous attendions à cela de la part du Hezbollah et non du Hamas. Même si nous savions que le Hamas en était capable. Le danger est dix fois plus grand, mais nous y sommes préparés de manière très différente. Le Hezbollah peut lancer 1000 roquettes par heure. Ils disposent de 150 000 roquettes au total. Selon notre armée, le Hezbollah a tiré environ 5000 roquettes sur Israël au cours des cinq derniers jours. Ils peuvent le faire pendant 150 jours.
Une attaque majeure du Hezbollah est-elle imminente?
Une attaque n'est pas imminente. Ces cinq derniers jours, ils ont testé l'ambiance. Une roquette par-ci, une grenade par-là, ils ont laissé les Palestiniens tirer et ont attendu nos réactions. Mais ils n'attaqueront pas, car nous sommes trop bien placés et trop prêts à nous défendre.
Vous avez vous-même travaillé de nombreuses années au service de renseignement de l'armée. La grande question sur l'attaque de samedi: comment cela a-t-il pu se produire?
Pour moi, ce n'est pas la grande question. C'est relativement clair. L'échec est le même que pour le 11 septembre. Si on ne cherche pas quelque chose de précis, on peut avoir toutes les pièces du puzzle, mais ne pas voir l'image globale. Au cours des deux dernières années, le Hamas a clairement changé de comportement vis-à-vis d'Israël. Nous pensions qu'ils avaient changé. Samedi, le réveil a été brutal. On ne peut pas trouver ce qu'on ne cherche pas.
Devons-nous nous préparer à une longue guerre?
Oui, cela ne se terminera pas rapidement. La situation des otages n'est pas claire. On ne sait pas non plus si le Hezbollah va intervenir. Ce n'est pas comme si nous pouvions arrêter et ainsi y mettre fin. Ils continueront à nous tirer des roquettes tant qu'ils le pourront.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)