«L'Etat d'Israël a présenté aujourd'hui sa contestation officielle remettant en cause la compétence juridictionnelle de la CPI (dans cette affaire) ainsi que la légalité de la requête du procureur», a indiqué Oren Marmorstein, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, dans un message sur X.
Pour rappel, en mai dernier, le procureur de la CPI, Karim Khan, avait requis des mandats d'arrêt internationaux contre Netanyahu et Gallant, ainsi que plusieurs dirigeants du Hamas, pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés dans la bande de Gaza et en Israël depuis le début des hostilités déclenchées par le mouvement islamiste palestinien le 7 octobre.
Des responsables israéliens ont indiqué sous couvert d'anonymat que ces documents avaient été soumis aux juges de la section préliminaire amenés à se prononcer sur la requête du procureur. Cette procédure pourrait prendre des années.
«Israël a présenté deux opinions juridiques exhaustives» contre cette décision, a encore précisé Oren Marmorstein. Dans l'un, «Israël a souligné que la CPI était manifestement dépourvue de la compétence juridictionnelle pour cette affaire». Dans l'autre, ajoute le porte-parole, Israël détaille «les violations du procureur aux statuts de la Cour et au principe de complémentarité, en ce qu'il n'a pas donné à Israël l'occasion d'exercer son droit à enquêter par lui-même sur les accusations lancées par le procureur» avant que celui-ci ne saisisse les juges de sa demande.
«Une multitude d'Etats de premier plan (...) d'organisations et d'experts de par le monde partagent les positions présentées par Israël», assure le porte-parole.
L'attaque du Hamas a entraîné la mort de 1205 personnes du côté israélien, en majorité des civils tués le 7 octobre, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes et incluant les otages morts ou tués en captivité dans la bande de Gaza. Sur les 251 personnes emmenées en otages le 7 octobre, 97 sont toujours détenues à Gaza, dont 33 ont été déclarées mortes par l'armée israélienne.
Plus de 41 270 Palestiniens ont été tués dans la campagne militaire israélienne de représailles sur la bande de Gaza, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.
Karim Khan a réclamé le 20 mai des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant, pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés tels que «le fait d'affamer délibérément des civils», «homicide intentionnel» et «extermination et/ou meurtre». Il avait demandé simultanément des mandats d'arrêt à l'encontre du chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinouar, et d'autres dirigeants du mouvement pour des crimes contre l'humanité présumés commis en Israël et dans la bande de Gaza, tels que «l'extermination», «le viol et d'autres formes de violence sexuelle», «la torture» et «la prise d'otages».
Le président américain, Joe Biden, avait jugé «scandaleuse» la requête de M. Khan à l'endroit des deux dirigeants israéliens. Rome avait jugé «inacceptable» et «absurde» de «mettre sur le même plan le Hamas et Israël», un «parallèle» également dénoncé par d'autres capitales européennes. Comme Israël, les Etats-Unis n'adhèrent pas au traité de Rome ayant institué la CPI, ce qui ne les empêche pas d'introduire des contestations juridiques auprès de la Cour.
Pour prouver une entorse au principe de complémentarité, un requérant devra démontrer que les tribunaux d'un pays enquêtent véritablement, et si nécessaire, poursuivent les mêmes individus que ceux auxquels s'intéresse la Cour, et pour les mêmes motifs, indique à l'AFP Gabriele Chlevickaite, experte au Asser Institute for International Law de La Haye. Sur la question de la compétence de la Cour, elle rappelle que celle-ci a déjà statué en 2021 que sa compétence territoriale s'étendait à Gaza, et juge «improbable» que la requête israélienne n'entraîne la réouverture de cette question. (mbr/ats)