Lorsque Shakeb Shanan monte la colline, vers le sanctuaire du prophète druze Sabalan, il aperçoit le Liban à travers un espace entre les collines. La frontière avec le pays voisin du nord se trouve à moins d'un kilomètre à vol d'oiseau de la ville natale de Shanan, Hurfeish, en Israël.
En raison du Hezbollah, dont les positions sont toutes proches, Shanan ne peut plus faire des barbecues sur la place devant le sanctuaire. Avant, lui et les autres habitants de Hurfeish profitaient de la fraîcheur et du vent qui souffle dans le paysage en altitude. Mais depuis le mois d'octobre, ils trouvent cela trop dangereux.
Cette ville de 7000 habitants, peuplée presque exclusivement de membres de la minorité druze d'Israël, se trouve dans la zone qui aurait dû être évacuée depuis octobre dernier. Plus de 60 000 personnes ont dû quitter la région et leur maison.
En effet, depuis neuf mois, le Hezbollah tire des roquettes et des obus antichars depuis le Liban en direction du sud, et les sirènes retentissent actuellement presque quotidiennement à des endroits différents du nord d'Israël. Au total, au moins 10 civils et 15 militaires ont été tués depuis octobre par les attaques de la milice soutenue par l'Iran.
La dernière attaque de drones du Hezbollah a eu lieu début juin à Hurfeish. Onze personnes ont été blessées, dont certaines grièvement. Malgré cela, les habitants de la ville continuent de ne pas vouloir être évacués. «Nous ne quittons pas notre pays», affirme Shakeb Shanan, membre du conseil municipal de Hurfeish et ancien membre de la Knesset. Selon lui, c'est la philosophie des Druzes.
Et si les attaques continuent à s'intensifier et qu'une guerre généralisée éclate bientôt entre l'armée israélienne et le Hezbollah?
En Israël, les discussions sur la nécessité d'une offensive terrestre au Liban ont récemment repris de manière significative, notamment en réaction aux nombreuses attaques aériennes du Hezbollah. Et l'armée a récemment annoncé avoir achevé l'entraînement nécessaire pour certaines unités susceptibles de participer à une telle offensive.
Sarit Zehavi ne peut pas dire si une offensive terrestre est le bon choix. Mais quelque chose va se produire bientôt, elle en est sûre. Elle est la fondatrice de l'Alma Center, qui documente les mouvements du Hezbollah au Liban et ses attaques contre Israël, et est, en outre, réserviste dans l'armée israélienne.
La zone industrielle de Migdal Tefen, où se trouvent les bureaux de l'Alma Center, est en dehors de la zone d'évacuation; il en va de même pour l'endroit où vit Sarit Zehavi. Mais la frontière nationale, et donc la ligne de front, est proche. Les impacts de missiles et les projectiles de défense du mécanisme de protection Iron Dome sont clairement audibles ici, dit-elle. Cela la dérange lorsqu'on lui demande quand la guerre pourrait éclater au nord. Car pour elle:
Avant octobre dernier déjà, raconte-t-elle, le Hezbollah se rapprochait de plus en plus de la frontière. Sur un grand écran, Sarit Zehavi montre des photos qu'elle a prises elle-même de membres de la milice, directement sur la clôture frontalière qui sépare Israël du Liban.
Selon la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a mis fin à la dernière guerre ouverte en 2006, le Hezbollah ne devrait pas se trouver si près de la frontière. Il devrait avoir déposé ses armes. Ces deux mesures de la résolution n'ont jamais été mises en oeuvre, bien au contraire. L'arsenal et la force du Hezbollah ont considérablement augmenté, ses positions se sont encore rapprochées d'Israël. La milice a également développé son réseau de tunnels jusqu'à la frontière israélienne – voire même en partie jusqu'au territoire israélien – depuis lors.
Une offensive terrestre visant à repousser le Hezbollah par la force des armes derrière le Litani est donc considérée par de nombreux Israéliens comme la seule possibilité de mettre fin, au moins temporairement, aux attaques de la milice sur leur territoire.
Certains Israéliens espèrent qu'un accord avec le Hamas à Gaza – dans le cadre duquel les otages seraient libérés et un cessez-le-feu commencerait – pourrait également calmer le Hezbollah.
Shakeb Shanan le dit aussi: il faut que quelque chose se passe bientôt. Car les attaques se sont infiltrées dans tous les domaines de la vie. Son petit-fils, raconte-t-il, reconnaît par exemple au bruit de quel côté de la frontière une roquette vient de tomber:
Pourtant, selon lui, il n'y a pas de meilleur endroit au Proche-Orient pour être druze qu'en Israël. La loyauté de la famille envers l'Etat est profonde: son fils aîné enseigne à l'Académie de police d'Israël. Le plus jeune a été tué lors d'une attaque terroriste sur le Mont du Temple, où il était en poste en tant que policier.
Dans sa maison, Shakeb Shanan aime recevoir de jeunes aspirants policiers, parler de son fils et des raisons pour lesquelles il a pris fait et cause pour Israël.
Selon lui, Israël doit trouver un moyen de contrer l'axe de l'Iran dans la région. «Sinon, nous tous ici devrons bientôt apprendre à nager jusqu'à Chypre.»
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)