Le cauchemar est de retour. Le son des sirènes et le crépitement des hélicoptères de police envahissent l'air au-dessus de la place Taksim, au cœur de la métropole turque d'Istanbul. Gyrophares tournants, des rangées d'ambulances attendent à l'entrée de la promenade du boulevard Istiklal, où une heure plus tôt des milliers de personnes se baladaient encore dans la joie et l'insouciance.
«Partez, dispersez-vous, partez d'ici», crie un homme en uniforme armé à la foule qui attend des nouvelles de personnes disparues derrière les barrières. «Plus il y a de gens les uns à côté des autres, plus c'est dangereux pour tout le monde – ces infâmes malfaiteurs pourraient frapper encore une fois». Des gens en pleurs, criants et perturbés sont conduites hors de la zone piétonne par des policiers en civil. «Elle a été déchiquetée», hurle une jeune femme. Pendant cinq ans, Istanbul a été épargnée par les attentats terroristes, mais aujourd'hui, la terreur a rebroussé chemin.
Ce dimanche est à l'image des nombreuses après-midi ensoleillées durant lesquelles des dizaines de milliers de personnes se glissent le long du boulevard Istiklal. Les magasins, cafés et restaurants sont également ouverts, touristes et locaux s'agglutinent sur la zone piétonne pour profiter de ces établissements. Des groupes de passants se forment autour des musiciens de rue et des vendeurs de glaces, et lorsque le petit train à l'ancienne passe, la foule se serre toujours un peu plus.
Mais à 16h20 heure locale (14h20 heure suisse), une explosion retentit au milieu de cette foule. Les médias parlent d'une personne vêtue de noir et portant une veste à capuche, qui aurait déposé un sac sur un banc avant l'explosion. Des images de caméras de surveillance sur Internet montrent des gens passer devant le banc, on voit également le sac.
Une vidéo filmée par un téléphone portable sur Twitter, à quelques centaines de mètres du lieu de l'explosion, enregistre une boule de feu rouge orange qui jaillit de la foule. Les passants sur l'Istiklal se sauvent en criant. Des morts et des blessés gisent sur le sol pavé.
🇹🇷 ALERTE - Attentat à la bombe près de la place Taksim en plein centre-ville d'#Istanbul, en Turquie. Des dizaines de victimes signalés. pic.twitter.com/DBWbU2TC7K
— Infos Françaises (@InfosFrancaises) November 13, 2022
Le président Recep Tayyip Erdogan évoque un attentat à la bombe dans lequel, selon les premières constatations, une femme serait impliquée. La police ferme le boulevard. Ce n'est que récemment que le boulevard Istiklal a connu un regain d'activité. Bien avant la pandémie, il était devenu silencieux — depuis l'année terroriste sanglante de 2016, qui avait plongé cette ville de seize millions d'habitants dans le sang et les larmes.
Douze touristes allemands avaient alors été tués depuis le mois de janvier dans un attentat-suicide devant la Mosquée bleue; un autre attentat avait fait plusieurs morts et de nombreux blessés en mars sur le boulevard Istiklal — à quelques mètres seulement du lieu actuel du crime. En juin de la même année, douze personnes sont mortes dans un attentat contre un bus de la police et, peu après, près de 50 personnes ont été tuées et des centaines d'autres blessées dans une attaque terroriste à l'aéroport.
Un attentat devant le stade de football de Besiktas a coûté la vie à près de 50 personnes, en décembre 2016, et, la dernière nuit de l'année, un terroriste a abattu près de 40 personnes qui fêtaient le Nouvel An dans une boîte de nuit du Bosphore.
A l'époque, certains attentats avaient été revendiqués par l'Etat islamique (EI), d'autres par un groupe dissident kurde TAK. Depuis, le gouvernement d'Erdogan affirme avoir endigué la menace terroriste par des moyens militaires, de renseignement et juridiques.
Des critiques avaient, toutefois, reproché, par le passé, au président d'avoir temporairement toléré la violence pour des raisons de tactique électorale. Le gouvernement veut manifestement éviter un débat similaire cette fois-ci. L'autorité turque de surveillance de l'audiovisuel a décrété, hier, un black-out sur les informations, tandis que le parquet a ouvert une première enquête sur des commentaires «nuisibles» sur les médias sociaux.