Les espoirs du président Joe Biden de resserrer les liens avec l'Amérique latine, sur des sujets cruciaux comme l'immigration, ont été sévèrement douchés lundi. Son homologue mexicain a décidé de boycotter le «Sommet des Amériques» ouvert à Los Angeles pour protester contre l'exclusion de Cuba, du Venezuela et du Nicaragua.
La rencontre, censée afficher l'exemplaire coopération entre les Etats-Unis et ses voisins, risque désormais à l'inverse de mettre en lumière toutes les divisions d'une région où l'influence américaine dans les secteurs économiques et diplomatiques se heurte de plus en plus fréquemment à la Chine.
Cuba, le Nicaragua et le Venezuela ne sont pas invités au Sommet des Amériques, a confirmé lundi à l'AFP un responsable de la Maison Blanche soulignant «les réserves» des Etats-Unis face «au manque d'espace démocratique et au respect des droits humains» dans ces trois pays.
Autre absent de dernière minute, le président uruguayen Luis Lacalle Pou qui a dû annuler son voyage à Los Angeles après avoir été diagnostiqué positif au Covid-19. «Au vu de cette situation, je dois annuler toutes mes activités dans les jours qui viennent», a-t-il écrit sur Twitter.
Selon le principal conseiller de Joe Biden pour l'Amérique latine, Juan Gonzalez, le président américain va profiter du Sommet des Amériques pour faire des annonces sur la coopération économique et la lutte contre la pandémie de Covid-19 ainsi que contre le changement climatique.
Le démocrate de 79 ans, qui se rendra mercredi à Los Angeles, espère aussi conclure un accord de coopération régionale sur un sujet politiquement explosif, et qui lui vaut de violentes critiques de l'opposition républicaine: l'immigration, un enjeu majeur de politique intérieure à l'approche des élections de mi-mandat.
Le nombre de personnes cherchant à entrer aux Etats-Unis après avoir fui la pauvreté et la violence en Amérique centrale et à Haïti est en hausse. L'administration Biden n'a jusqu'ici pas tenu sa promesse de mener une politique d'immigration rénovée, qu'elle veut plus humaine que celle du mandat Trump.
Le Sommet des Amériques avait été lancé en 1994 à Miami par le président Bill Clinton, désireux de lancer un vaste accord régional de libéralisation du commerce. Mais le libre-échange n'a plus le vent en poupe, ni aux Etats-Unis ni ailleurs, et en la matière Joe Biden n'a sur le fond pas rompu avec les réflexes protectionnistes de son prédécesseur Donald Trump.
Eric Farnsworth, vice-président du Conseil des Amériques («Council of the Americas», une organisation qui promeut les échanges commerciaux à l'échelle du continent américain) a récemment estimé lors d'une audition parlementaire que chaque édition du Sommet des Amériques était «moins ambitieuse» que la précédente.
Michael Shifter, chercheur à l'organisme Inter-American Dialogue, voit dans la controverse autour de la liste des invités un indice de l'influence déclinante des Etats-Unis. Les Etats-Unis «ont encore beaucoup de "soft power"», constate-t-il, c'est-à-dire d'impact en termes de contenus culturels ou d'habitudes de consommation. Mais leur «influence politique et diplomatique décline chaque jour». (ats/jch)