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Kosovo: les violences sont une aubaine pour le président serbe

Aleksandar Vucic, Serbie, Kosovo.
Aleksandar Vucic a bien compris qu'il pouvait aisément récupérer les violences politiques au nord du Kosovo à son avantage.keystone (montage watson)

Pourquoi les violences au Kosovo sont une aubaine pour le président serbe

Tout porte à croire que le président serbe Aleksandar Vucic instrumentalise la dernière flambée de violence au Kosovo, qu'il alimente d'ailleurs activement. Une aubaine pour celui qui est fortement critiqué depuis deux fusillades qui ont fait 18 morts, au début du mai.
31.05.2023, 06:15
Bojan Stula / ch media
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Le président serbe a réagi à l'escalade de la violence dans le nord du Kosovo. Le moment semble propice pour celui qui regarde avec attention ce qui se passe dans le pays voisin, dont la Serbie n'a jamais reconnu l'indépendance. Aleksandar Vucic a ainsi mis l'armée serbe en «état maximal de préparation au combat» pendant le week-end de Pentecôte et a fait déployer des unités mobiles à la frontière. Dans une interview lundi soir, il a souligné que la Serbie «n'allait pas rester les bras croisés» face aux événements au Kosovo.

Au moins 34 soldats de l'Otan ont été blessés lors de graves émeutes lundi après-midi dans le nord du Kosovo, alors qu'ils protégeaient des mairies de Zvecan et d'autres communes contre les protestations de Serbes. Ces soldats de la KFor, la force déployée au Kosovo pour le maintien de la paix sur mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, ont fait usage de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes. La foule leur a lancé des pierres et des engins incendiaires et a frappé certains soldats à coups de matraque.

Hausse de ton à l'international

Les manifestations serbes du week-end de Pentecôte visaient l'installation de maires albanais, vainqueurs d'élections régionales boycottées par les Serbes. La partie serbe a déploré plus de 50 blessés lors des affrontements. Mardi matin, des manifestants se sont également rassemblés devant les bureaux municipaux de Zvecan, Leposavic et Zubin Potok, a rapporté le portail d'information kosovar Koha. C'est la deuxième fois en quelques mois que le président serbe déploie l'armée au Kosovo à la suite de tumultes.

En parallèle, il hausse le ton au niveau international et diplomatique, comme à son habitude. Mardi matin, Aleksandar Vucic a ainsi convoqué au bureau de la présidence serbe à Belgrade les ambassadeurs des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l'Italie et de l'Allemagne, ainsi que le chef de la délégation de l'Union européenne.

Ailleurs dans le monde slave, les canaux diplomatiques s'allument également. La Moldavie a annoncé qu'elle rencontrerait mercredi le premier ministre tchèque Petr Fiala et le président du Monténégro Jakov Milatovic. Pour les observateurs internationaux, il ne fait aucun doute que Vucic utilise la situation actuelle au Kosovo pour détourner l'attention de sa situation politique intérieure difficile et pour renforcer sa position affaiblie à l'intérieur par une fermeté en politique étrangère.

Pressions à l'interne

Depuis deux tueries qui ont endeuillé le pays tout entier, début mai, Aleksandar Vucic est confronté à de violentes attaques de l'opposition et à des manifestations de masse de la population. Il y a quelques jours seulement, il a démissionné de la présidence du Parti serbe du progrès (SNS) lors d'un congrès dans la ville de Kragujevac. Lundi soir, il a toutefois assuré sur une télévision locale qu'il ne cèderait pas au «chantage» de l'opposition.

Il s'est notamment opposé au limogeage du ministre de l'Intérieur Bratislav Gasic, qui a fait l'objet de critiques après les deux fusillades, qui ont fait 18 morts: «Cette demande n'a aucun sens, Gasic a arrêté tous les meurtriers», s'est exprimé Vucic tout en présentant sa démission. Dans la foulée, il a félicité le président turc Recep Tayyip Erdogan pour sa réélection, en faisant remarquer avec complaisance:

«Vous voyez, certains peuvent encore gagner des élections après 20 ans s'ils ont bien travaillé pour leur peuple»
Aleksandar Vucic

Ce faisant, Aleksandar Vucic a précisé qu'il n'envisageait pas de quitter le pouvoir après onze ans: «Nous avons gagné toutes les élections de manière claire et j'espère que cette tendance se poursuivra».

Il assure qu'il ne cédera pas à la pression de l'opposition, mais qu'il se retirera de sa propre initiative lorsqu'il aura le sentiment de ne plus avoir «assez d'énergie et de force» pour la fonction.

Des «provocateurs serbes» parmi les manifestants

Entre-temps, les signes s'accumulent, montrant que Vucic n'utilise pas seulement les violences au Kosovo pour se profiler, mais qu'il attise directement celles-ci par le biais de provocateurs serbes. Sur les réseaux sociaux, l'un des principaux agresseurs des soldats de l'Otan à Zvecan a été identifié comme étant un policier serbe de la ville de Rudare, dans le sud de la Serbie.

D'autres témoins oculaires ont identifié parmi les manifestants des voyous appartenant au gang serbe de Veljko Belivuk. Celui qui est soupçonné d'être le chef de la mafia a été jugé à Belgrade pour crime organisé et de multiples meurtres. Lors d'une audience préliminaire il y a deux mois, Belivuk a admis avoir «fait le sale boulot» pour le président Vucic dans le passé, ce que ce dernier nie avec véhémence.

Un «Z» tagué sur un véhicule américain

Et il y a aussi la question de la Russie, hypersensible. Dans quelle mesure le Kremlin est-il est impliqué dans les événements au Kosovo et dans la déstabilisation des Balkans? Car des tags «Z», en référence à l'opération de Poutine en Ukraine, ont été barbouillés sur un véhicule de police américain de la force Kfor.

Mais il s'agit certainement d'un signe de provocation à l'égard des «troupes d'occupation» étrangères, telles que les décrivent de nombreux Serbes et qui les détestent, qu'une preuve réelle de la main de Poutine dans la région. Malgré cela, pour le président serbe, la source de tous les maux réside dans le régime du président kosovar Albin Kurti. Celui-ci ne cessera pas ses «provocations irresponsables» et rêve sans doute d'être «une sorte de Zelensky», a accusé Aleksandar Vucic. Il a mis en garde «contre un grand conflit, parce que je sais que les Serbes ne pourront pas tolérer tout cela».

Les Etats-Unis et l'UE critiquent Vucic

A l'international, le vent souffle contre la Serbie après les attaques de lundi et les soldats de l'Otan blessés. Alors qu'à la fin de la semaine dernière, les Etats-Unis et l'Union européenne avaient vivement critiqué le gouvernement d'Albin Kurti pour avoir voulu accéder aux mairies du nord du Kosovo avec l'aide de sa police, c'est désormais le rôle des nationalistes serbes qui est dans le viseur des Occidentaux.

En Allemagne par exemple, le président de la commission des affaires étrangères du Bundestag a critiqué les incidents du week-end:

«Ces débordements ne sont pas seulement inacceptables, ils doivent avoir des conséquences»
Michael Roth (SPD)

(Traduit et adapté de l'allemand par Noëline Flippe)

Une personne âgée frappée par une infirmière dans un EMS au Kosovo
Video: watson
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